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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le Monde découvre des gens normaux chez Monsanto mais persiste dans ses a priori !

26 Avril 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Monsanto

Le Monde découvre des gens normaux chez Monsanto mais persiste dans ses a priori !

 

 

 

 

Les lecteurs du Monde Planète ont droit ces derniers temps à un déluge d'articles sur Notre-Dame-des-Landes et ces pauvres zadistes malmenés par le pouvoir et la force publique ; ces zadistes privés (peut-être... l'affaire est loin d'être close) de la possibilité de démontrer à la face du monde qu'une autre agriculture, évidemment parée de toutes les vertus agronomiques, environnementales et sociétales, est possible. Pas moins de 56 articles avec NDDL dans le titre ce mois-ci (avril 2018)... et ce n'est pas fini.

 

Au milieu de cette prose qui nous fait souvent douter de l'existence de la notion de civisme dans le journalisme, au milieu des annonces apocalyptiques sur la disparition des insectes, des oiseaux, des grands mammifères, des coraux, au milieu des odes à peine cachées au véganisme... voilà que le Monde Planète publie un long article – un prose mi-journalistique, mi-romancière – « Les gens de Monsanto, la multinationale de l’agrochimie ». Il était temps... Monsanto va bientôt disparaître en tant qu'entité indépendante, son rachat par Bayer étant sur le point d'aboutir.

 

 

Ils ont tout faux d'entrée...

 

En chapô :

 

« Notre journaliste s’est rendue à Saint-Louis, dans l’Etat américain du Missouri, pour découvrir les coulisses de cette entreprise à la stratégie de communication très élaborée. »

 

On peut être d'un avis différent : la stratégie de communication de Monsanto a été désastreuse et c'est là une des raisons du succès du Monsanto-bashing et, par contrecoup, de l'anti-ogmisme.

 

Mais cela fait partie des légendes soigneusement entretenues... n'est-ce pas le Monde Planète et ses heureux lauréats de prix journalistiques acquis grâce à des conflits d'intérêts ? Quand on prétend dévoiler les turpitudes d'une entreprise comme Monsanto, il sied de la présenter comme le mal personnifié... cela valorise le valeureux combattant.

 

On peut être d'un avis différent ? C'est même l'avis de M. Robert Fraley, vice-président responsable du département technologie, dont on apprend en passant qu'il a été « rémunéré 5,3 millions de dollars en 2017 » :

 

« Ce matin, "Robb", dont les photos de chasse avec son fils décorent les vitrines de son bureau, fait profil bas : "En nous concentrant sur les agriculteurs et les autorités de régulation, nous n’avons pas fait notre boulot pour expliquer la science aux consommateurs.»

 

On imagine du reste Robb Fraley faire profil bas...

 

Ah, les exploits du Monde Planète, avec ses « Monsanto papers »

 

Mme Marie-Béatrice Baudet s'est donc rendue dans « [l]’antre du "diable" [qui] semble bien calme en cette fin d’hiver », bardée d'une belle panoplie d'idées reçues et de légendes urbaines, bien éparpillée dans son texte :

 

« Le voyage ne fut pas simple à organiser : la firme présidée par Hugh Grant se méfie du Monde. En mars 2017, le journal a commencé à révéler le contenu des "Monsanto Papers", des milliers de pages de documents internes rendus publics par la justice américaine dans le cadre de procès en cours. »

 

Eh bien non ! Ce n'est pas la justice américaine... mais des avocats prédateurs en cheville avec U.S. Right to Know, une officine qui fait la sale besogne du dénigrement de l'agriculture conventionnelle et de la propagation de peurs alimentaires au profit du biobusiness. Et ce n'est pas le Monde des chasseurs – et bénéficiaires – de conflits d'intérêts Stéphane Foucart et Stéphane Horel qui a révélé... il a perroquetté les informations complaisamment et astucieusement mises à disposition par U.S. Right to Know.

 

Était-ce là la conviction de la journaliste ? Ou est-ce l'exercice imposé de soumission à la ligne éditoriale du Monde Planète et de réponse aux attentes de lecteurs abreuvés depuis des lustres de ce genre de sornettes ?

 

En avant l'artillerie des idées reçues, légendes, etc.

 

Quoi qu'il en soit :

 

« […] On ne s’attendait pas à une telle sérénité. L’exécrable réputation de la multinationale spécialiste des pesticides et des OGM, surnommée "MonSatan" par les militants écologistes, renvoie plutôt à des caricatures effrayantes, comme celles de la sorcière qui tend une pomme empoisonnée à Blanche Neige, ou du docteur Frankenstein affairé dans son laboratoire les nuits de pleine lune. Et puis, a-t-on idée d’installer son QG, aussi zen soit-il, dans une localité au nom ­angoissant de Creve Cœur ? L’imagination s’égare vite mais, sur place, le réel peut reprendre ses droits. »

 

On peut s'irriter à la lecture des ficelles faciles – « le groupe de Saint-Louis aimerait vivre caché pour commercer heureux » (avec la réputation qu'on lui a faite et les multiples fonds de commerce nourrissant et exploitant cette réputation ?) ; la fusion avec Bayer « évaluée à 51 milliards d’euros – presque le produit intérieur brut du Kenya » (pourquoi pas une comparaison avec le chiffre d'affaires de Carrefour, quelque 88 milliards d'euros en 2017 ?) ; le directeur des affaires institutionnelles Europe-Moyen-Orient qui est un « professionnel du lobbying [qui] prêtait auparavant sa voix à l’industrie du tabac [et est un] ancien cadre de British American Tobacco (Pall Mall, Dunhill, Lucky Strike) » ; etc.

 

Il y a de quoi avoir la nausée. Est-ce du premier degré bienveillant ou une forme particulièrement sournoise d'accusation ?

 

« Même si cela n’excuse rien, il est une forme d’injustice à faire de Monsanto le seul emblème des erreurs fatales et des dérives mercantiles de l’agrochimie mondiale. Beaucoup d’autres groupes côtoyèrent le pire. […] »

 

C'est suivi par tous les mots qui fâchent : « IG Farben, qui fabriqua le Zyklon B utilisé dans les chambres à gaz nazies », l'« agent orange », « la liste officielle des maladies (cancers, malformations génitales) susceptibles d’avoir pour origine le défoliant ».

 

On peut aussi s'irriter à la lecture des lieux communs et de l'indigence scientifique. Ainsi :

 

« Certes, aucune étude sérieuse ne démontre aujourd’hui la nocivité des cultures transgéniques, mais aucune ne prouve, non plus, qu’elles sont sans danger. En revanche, contrairement au Dr Fraley, la communauté scientifique reste partagée sur leurs bénéfices réels en termes de rendements. »

 

N'apprend-on pas dans les écoles de journalisme – et à l'école de la vie – qu'il y a des choses par essence indémontrables ? L'innocuité d'un produit comme l'inexistence des anges... N'est-il pas évident que la « communauté scientifique » ne peut qu'être partagée, comme la société en général, comprenant en son sein des militants notoirement et viscéralement anti-OGM (nous ne donnerons pas de noms... certains ont publiquement annoncé leur intention de recourir aux procédures bâillons et se constituent même une tirelire grâce au financement participatif...) ? Ne serait-il pas plus judicieux de voir comment les cultures transgéniques ont été adoptées par les agriculteurs ?

 

 

Les ont-dit pour vérités

 

Ah ! Les agriculteurs ?

 

« […] En fait, Mère Nature n’en ferait qu’à sa tête. Ainsi, dans l’Arkansas, après des années d’usage intensif du glyphosate, une dizaine de mauvaises herbes survivent désormais aux attaques du composant chimique. Autre mauvais signal, les rendements des cultures transgéniques aptes à repousser des insectes ravageurs ou à tolérer des pesticides ne tiennent pas leurs promesses : les agriculteurs s’en plaignent, du Brésil aux Etats-Unis, en passant par l’Argentine et l’Inde où le coton Bt – du nom de la toxine insecticide secrétée par la bactérie Bacillus thuringiensis et introduite par Monsanto dans les cotonniers – a créé des résistances chez les parasites. »

 

Une journaliste ne trouverait-elle pas bizarre que des agriculteurs qui « s’en plaignent » continuent de cultiver des variétés transgéniques, qu'ils en redemandent et qu'il y a même des marchés de contrebande de semences transgéniques ? On ne lui demandera pas ses sources pour le mécontentement allégué. Pour l'Arkansas, on sait... le Monde, « La mauvaise graine de Monsanto »... mais c'est d'octobre 2010 ! Outre que l'article en cause est grossièrement à charge (ah, la ligne éditoriale du journal...), on ne pratique pas la mise à jour au Monde...

 

 

Surtout ne pas s'élever au-dessus des préjugés

 

La litanie des doléances peut se poursuivre longuement. Mais on peut aussi tenter de s'élever au-dessus de la fange journalistique pour apprécier les éléments qu'on ne voit jamais dans les médias. Ainsi, notre « lobbyiste » de Morges, ci-devant lobbyiste pour l'industrie du tabac, lance à Mme Baudet :

 

« Si vous y allez, vous verrez, nos employés sont fidèles. Ils aiment leur société guidée par l’amour de la science. »

 

Et c'est exactement ça. Mais le persiflage vient sans tarder :

 

« […] Décidée à se faire belle dans sa robe de mariée et à prouver le bien-fondé de ses intentions industrielles, la compagnie accepta finalement notre demande, organisant même près de 30 rendez-vous avec des interlocuteurs choisis par ses soins, tout en se pliant, fair-play, à notre volonté de ne pas rencontrer que le top management. Mais impossible de se tourner vers un syndicat : il n’en existe pas au siège. »

 

Ben oui... toute entreprise choisit avec soin les interlocuteurs ! Ben non... ya pas de syndicat, ce n'est pas anormal aux États-Unis. Et puis, ben non, contrairement à ce qui est écrit dans le paragraphe suivant, « campus » n'a pas pour but de « donner un faux air de neutralité universitaire » mais est une désignation courante...

 

Mais passons...

 

Des gens motivés par une noble cause

 

Place donc à Christi Dixon, « notre fidèle chien de berger du premier jusqu’au dernier entretien », spécialiste de l’image des entreprises, qui écrit sur son profil Linkedln que « les "causes" qui lui importent [sont] : "Les droits civiques, l’action sociale et l’environnement." » (Pourquoi le Monde met-il le mot « causes » entre guillemets et en italiques ?)

 

Place à Pierre Courduroux, « un Français de 52 ans » – « nous sommes face au vice-président de Monsanto chargé des finances » qui s’est tout de suite plu chez Monsanto et y a fait carrière. « Vous ne pouvez pas imaginer la capacité des équipes à travailler ensemble. C’est une grande force », dit-il.

 

Place à Al Mitchell, président de la Fondation Monsanto créée en 1964. Ah bon, 1964, c'était l'ancienne Monsanto.

 

« Cet Afro-Américain de 56 ans, élevé dans les quartiers difficiles du nord de Saint-Louis, n’est pas là pour évoquer le passé mais pour parler bonnes œuvres. Comme dans le cas de Pierre Courduroux, Monsanto est la seule entreprise consignée dans son CV. Il s’y est construit, et agit désormais en son nom pour porter assistance aux plus pauvres dans 47 pays. Mais "home, sweet home", Saint-Louis, "là où nos employés vivent et travaillent", est sa priorité. »

 

Vraiment ? Il nous semble que Monsanto (la nouvelle) déploie des activités de bienfaisance bien plus importantes. N'a-t-elle pas été la première, par exemple, à mettre ses brevets à disposition gratuitement pour l'élaboration du Riz Doré ?

 

Place à Joshua B. Hockett, 33 ans, un « ancien de la Navy [qui] a été embauché il y a cinq mois pour dialoguer avec le public des adeptes du fitness et lui prodiguer ses conseils en matière d’alimentation], à Milton Stokes, directeur de la santé et de la nutrition, qui « aimait les plats cuisinés par sa maman Ann dans le restaurant familial du Kentucky rural »...

 

 

Place à la science ?

 

Tout cela est quelque peu beaucoup futile. Il y a quand même deux paragraphes après l'intertitre « 1 500 scientifiques créent les générations d’OGM ». Il y a même un nom : Chitvan Khajuria, « un jeune entomologiste indien ». Mais c'est pour tomber directement dans la frivolité :

 

« Comme nous avions déjà pu le constater à Creve Cœur, le centre d’expérimentation abrite lui aussi une grande diversité de salariés : âge, genre, origine… On croirait voir une publicité de United Colors of Benetton. »

 

On apprend tout de même que Monsanto est un excellent employeur. Mais c'est introduit par une marque de dédain :

 

« Du reste, Monsanto est régulièrement cité dans les palmarès internationaux pour sa qualité de vie au travail, ses rémunérations élevées et sa politique d’accueil des LGBT. »

 

Et ça se termine par ce qui se veut une boutade et résume bien un état d'esprit extraplanétaire :

 

« Nourrir la planète, oui, mais jamais gratuitement. »

 

Ben non, rien n'est gratuit... hormis la méchanceté. Il y a manifestement au Monde des gens qui n'ont pas conscience des réalités quand il s'agit de persifler sur Monsanto... L'auteure a pourtant appris qu'un « budget de 50 à 100 millions de dollars est nécessaire pour doter une plante d’un nouveau trait. »

 

Notons incidemment qu'il n'est plus nécessaire pour Monsanto – et les autres semenciers – de soumettre l'achat de semences par un agriculteur à un contrat par lequel celui-ci s'engage à ne pas ressemer (ce qui, du reste, n'est pas nécessaire pour le maïs ou la betterave) : l'arrêt Monsanto c. Bowman est passé par là, et même le Monde en avait parlé en son temps...

 

 

Un immense personnage réduit à « une grande gueule »

 

Revenons à Robert – « Robb » – Fraley, déjà vu ci-dessus, vice-président responsable du département technologie. Il a déclaré : « Mon père était agriculteur. C’était dur de le voir arracher les mauvaises herbes à la main. »

 

Voilà une expérience qui manque aujourd'hui à bien des citadins aux opinions tranchées sur comment l'agriculture doit être pratiquée. Une expérience qui explique aussi la motivation et l'enthousiasme de nombre d'employés de Monsanto (et d'autres entreprises en amont de l'agriculture).

 

M. Fraley « a la réputation d’être une grande gueule »... mais n'est-il pas « toujours prêt à réaffirmer les bienfaits du Roundup [...] et l’innocuité des OGM » ?

 

Il aurait été plus approprié d'informer les lecteurs des réalisation de M. Fraley et du fait qu'il a été distingué en 2013 par le World Food Prize, en quelque sorte le Prix Nobel de l'alimentation et de l'agriculture, avec deux autres pionniers du génie génétique, Mme Mary-Dell Chilton et M. Marc Van Montagu.

 

Et c'est faire preuve d'étroitesse d'esprit, voire de malveillance, que d'écrire :

 

« Son objectif, avant de partir skier dans le Colorado, est de vanter le savoir-faire de Monsanto dans les biotechnologies, "la promesse d’un futur pour les 10 milliards d’individus qu’il faudra nourrir en 2050". »

 

La « promesse » est certes un classique de la rhétorique anti-OGM et anti-Monsanto, mais on ne peut qu'être stupéfait par la désinvolture de l'auteure à propos d'un défi planétaire – nourrir quelque 9 ou 10 milliards d'être humains à l'horizon 2050 – et par l'attitude cavalière face au réalisme d'un scientifique conscient du tempo de la recherche-développement (et malheureusement aussi de l'obstruction politique et administrative aux innovations impliquant la chimie et la génétique).

 

Désinvolture ou étroitesse d'esprit dans la conclusion ? Les deux probablement :

 

« Tous attendent la fusion avec impatience car, disent-ils à l’unisson, elle va être source d’énergie et d’innovation pour « mieux nourrir la planète ». Comme leur paterfamilias le biochimiste Robb Fraley, ces cinq-là ne doutent pas. Ils font fi de ce que l’histoire de leur compagnie aurait pu leur apprendre et que le droit prescrit quand la science tergiverse : le principe de précaution. »

 

Outre que la science – la vraie, pas la militante – ne tergiverse pas, il y a une audace certaine dans la mise en cause de l'objectif de nourrir la planète par un « principe de précaution » réduit à un principe d'inaction.

 

Ce n'est pas avec ce genre d'article mondain du Monde que le monde des lecteurs du Monde prendra conscience des réalités du monde. Ce n'est pas avec ce genre d'article que la France renouera avec les réalités de l'économie.

 

 

Post scriptum

 

L'article commenté ici vient avec « Monsanto, vu de l’intérieur », une galerie de photos avec de courts textes.

 

Pour l'histoire de Monsanto on peut lire sur ce blog « Bayer-Monsanto : l'information monstrueuse sur Libération ».

 

 

Une photo de l'album. Visiblement, elle a moins "percuté" chez l'auteure de l'article que les chaises design du siège de Creve Cœur et la cafétéria...

 

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R
Quand on sait,pour peu que l'on veuille regarder cela de près,les conséquences humaines et environnementales de l'utilisation de tous ces produits à base de glyphosate on ne peut qu'être abasourdis par les autorisations accordées par les LREM,les Hulot et autres membres de la commission européenne à ces produits.Nous savons que ces produits/poisons sont extrèmement dangereux pour l'homme,l'écosystème et les abeilles !Les "responsables" politiques devront répondre de leur incompétence et de leur lâcheté.Nous le savons désormais :les produits incriminés sont comparables aux armes chimiques employées par l'armée américaine au Viet-Nam.Autoriser ces poisons est-ce agir sérieusement et conformément à l’intérêt général ?Exécuter les moindres desiderata des lobbyes et des lobbyistes en piétinant l’intérêt général est-ce cela faire de la politique ?Peut-on ne pas avoir à rendre de comptes quand on se laisse ainsi acheter/corrompre par une entreprise aussi nuisible ?Vivent les abeilles,vivent les agriculteurs,les cultivateurs,les apiculteurs,les jardiniers,vive la nature !A bas les Monsanto/Bayer et les politicards corrompus qui les soutiennent servilement!Allons-nous les laisser nuire aux autres,allons-nous attendre que la planète devienne une poubelle à ciel ouvert,un lieu de désolation ?
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire (si, si…)<br /> <br /> Quel sermon !