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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La sécurité des aliments au Royaume-Uni et la France, des similitudes ?

19 Avril 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Albert Amgar, #Alimentation, #Santé publique

La sécurité des aliments au Royaume-Uni et la France, des similitudes ?

 

Albert Amgar*

 

 

 

La sécurité des aliments et le prochain Brexit du Royaume-Uni a suscité depuis de nombreuses années, discussions et débats…

 

En octobre 2017, j’avais écrit un article intitulé « La sécurité des aliments post-Brexit au Royaume-Uni, un vrai conte de fées ! », qui rapportait des propos de la directrice de la Food Standards Agency (FSA) :

 

« Alors que nous quittons l'UE, la FSA a fermement l'intention de maintenir cette position de leader, et nous voyons des opportunités pour aller plus vite, plus intelligemment et plus efficacement dans l'avenir. Nos réformes réglementaires aideront les entreprises du secteur alimentaire à prendre de l'expansion sur les marchés internationaux et favoriseront l'innovation. Mon ambition pour la FSA est d'être considéré comme un excellent régulateur, responsable et moderne. Je suis confiante quant à l'avenir, et que la FSA est bien équipée pour faire face aux défis et opportunités à venir. »

 

Sur ce sujet, on lira aussi, « Qu'est-ce que le Brexit signifie pour la sécurité des aliments ? », article plein de tristesse de Richard Lawley paru le 5 juillet 2016.

 

Voici un nouvel éclairage avec cet article du 17 avril 2018 de Catharine Huddle paru dans Food Safety News, « La sécurité des aliments au Royaume-Uni pourrait prendre un coup avec le Brexit ». Pas grand chose de bien nouveau mais des confirmations…

 

Des experts s'inquiètent du fait que l'affaiblissement des institutions déjà surchargées afin d'assurer la sécurité des aliments en Grande-Bretagne conduira à une alimentation insalubre alors que le pays se prépare à finaliser sa sortie de l'Union européenne.

 

Le Brexit signifie que le Royaume-Uni aura besoin d'une Agence de sécurité alimentaire plus forte, disent-ils, car le pays ne pourra plus compter sur l'Autorité européenne de sécurité des aliments, selon un article publié dans The Conversation. Le Royaume-Uni devrait quitter l'Union européenne le 29 mars 2019.

 

Le système de sécurité des aliments au Royaume-Uni ne fonctionne pas correctement et ne parvient pas à assurer un approvisionnement alimentaire sûr et acceptable, indique The Conversation. Les cas confirmés d'infections dus à la bactérie Campylobacter, par exemple, ont augmenté d'environ 46 % de 2008 à 2012, selon un rapport du gouvernement.

 

L'infection à Campylobacter, ou campylobactériose, est une maladie infectieuse causée par une bactérie et une cause fréquente de maladie diarrhéique, entraînant parfois une hospitalisation. Selon le Centers for Disease Control and Prevention des Etats-Unis, de nombreux cas ne sont pas diagnostiqués et ne sont pas signalés.

 

Les personnes atteintes d'une infection à Campylobacter ont généralement une diarrhée (souvent sanglante), de la fièvre et des crampes abdominales. La diarrhée peut s'accompagner de nausées et de vomissements. Ces symptômes commencent habituellement dans les deux à cinq jours après l'exposition et durent environ une semaine. Certaines personnes infectées n'ont aucun symptôme. Chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli, l'infection à Campylobacter peut se propager dans la circulation sanguine et provoquer une infection potentiellement mortelle.

 

Depuis 2014, la Food Standards Agency (FSA) du Royaume-Uni a dit que les distributeurs de volailles avaient des niveaux élevés de pathogènes. Cela signifie que les consommateurs ont un risque beaucoup plus élevé de propagation des bactéries aux appareils ménagers, aux surfaces dures comme les plans de travail et aux ustensiles de cuisine. Pendant ce temps, la confiance des consommateurs est restée naturellement faible, et l'industrie alimentaire s’est concentrée sur les incertitudes découlant du Brexit.

 

Selon Mintel.com, le niveau de confiance des consommateurs dans l'industrie des produits alimentaires et des boissons est faible, peu de gens croient que les distributeurs ou les fabricants fournissent des informations complètes sur leurs chaînes d'approvisionnement. La confiance des consommateurs dans le rôle de l'État, ou des agences officielles, afin de garantir la sécurité des aliments et des boissons au Royaume-Uni est également faible. De plus, les dates des DLC (best before) et des DDM (use-by) sont mal comprises et ignorées.

 

La FSA dit qu'elle veut améliorer la façon dont elle réalise les contrôles réglementaires pour les aliments et créer un système moderne, proportionné, robuste et résilient, basé sur les risques.

 

Le système de réglementation actuel est en place depuis plus de 30 ans et n'a pas suivi le rythme des changements technologiques dans l'industrie alimentaire, a indiqué la FSA dans un rapport publié l'été dernier. En outre, le rapport a dit, la FSA n'est pas assez flexible pour s'adapter à un environnement changeant.

 

Pour que le Royaume-Uni continue d'être un acteur fort et crédible dans l'économie alimentaire mondiale, le système réglementaire doit suivre le rythme des changements rapides de cette économie. Le départ de l'UE changera les modèles de production alimentaire, de commerce et de consommation, soulignant la nécessité d'un système de réglementation flexible et réactif, ont déclaré les responsables de la FSA.

 

L'agence a élaboré un plan et l'expérimente, impliquant tous les acteurs de l'alimentation – des groupes de consommateurs aux propriétaires de systèmes d'assurance privée, des autorités locales aux entreprises alimentaires de toutes tailles, des services réglementaires alimentaires dans d'autres pays aux services réglementaires non-alimentaires. De plus, elle a dit qu'elle a fait des études de faisabilité pour tester des idées et des approches et en a tiré des leçons.

 

La FSA a promis de reconnaître les entreprises qui font ce qu'il faut pour les consommateurs et de prendre des mesures contre celles qui ne le font pas.

 

L’article de The Conversation indique que la FSA prévoit de changer les inspections de la sécurité des aliments au Royaume-Uni et de transférer la responsabilité de nombreuses inspections et audits de sécurité des aliments du secteur public aux prestataires privés, dont on dit qu’ils ne serviront pas principalement l'intérêt du public mais se focaliseront plutôt sur les intérêts de leurs clients de l'industrie alimentaire, créant des conflits d'intérêts entre les inspecteurs commerciaux et les consommateurs.

 

Alors que le public a besoin d'un corps plus fort pour s'assurer que les règles ne soient pas affaiblies lors de futurs accords commerciaux, la FSA et les services locaux d'exécution sont affaiblis, dit l’article.

 

Et, il dit qu'il n'y a pas de plans pour augmenter le budget de la FSA afin de s'acquitter de ses nouvelles responsabilités.

 

Voici donc une situation problématique et connue depuis longtemps, bien avant le Brexit proprement dit, et quelques similitudes peuvent exister avec notre pays, même s’il n’y a pas de Frexit en vue, et qu’il est toujours difficile de comparer les systèmes de sécurité des aliments de différents pays… jugez plutôt… je me lance…

 

De prime abord, en France, on semble très loin de ces problématiques, puisque selon le ministère de l’agriculture, « La France possède l'un des meilleurs systèmes de sécurité sanitaire des aliments. »

 

En 2015, l’Anses rapportait :

 

« Au niveau mondial, la France se situe à un très bon niveau en matière de sécurité sanitaire des aliments. »

 

Effet d’annonce… ou réalité ?

 

Un internaute m’a écrit récemment pour me dire que « tirer à boulet rouge sur "l’absence de transparence des pouvoirs publics" ne me motive guère ; je note au contraire des progrès constants dans l’efficacité de la "police de l’alimentation" malgré les moyens notoirement insuffisants dont elle dispose. »

 

J’avoue que tirer à boulet rouge n’est pas ma façon de travailler, mais plutôt de constater des faits et d’en tirer quelques conclusions… sans jamais remettre en cause les personnels présents sur le terrain, quant aux « progrès constants dans l’efficacité de la "police de l’alimentation" » ; je cherche… faute d’indicateurs fiables…

 

Quelques faits sur notre pays compilés depuis quelques années…

 

Les inspections en sécurité des aliments via le ministère de l’agriculture sont tombées à un niveau historiquement bas, selon les chiffres du ministère de l’agriculture lui-même, et cela ne date pas d’hier :

 

  • 2012 : 86 230

  • 2013 : 82 778

  • 2014 : 78 000

  • 2015 : 76 000

  • 2016 : 55 000

  • 2017 : 54 000

 

Moins d’inspections pour mieux de sécurité des aliments, à qui fera-t-on croire cela ?

 

En 2014, rappelons-nous, « Dans son rapport annuel, la Cour des comptes souligne que le ministère de l'Agriculture remplit imparfaitement sa mission de contrôle de la sécurité et de l'hygiène des aliments. »

 

En 2014 toujours, il était signalé sur un blog britannique, aujourd’hui disparu,

 

« Un récent rapport en France écrit par deux anciens hauts responsables de la sécurité des aliments met en évidence des réductions d'effectifs constants qui ont conduit à une réduction de 20% des inspections de la sécurité des aliments entre 2009 et 2013. Le rapport, « La Politique de sécurité des aliments », dresse un tableau sombre de la situation actuelle de la sécurité des aliments en France. Bien que le nombre de personnel chargé des contrôles ou des inspections doive être augmenté de 60 postes en 2015, c’est bien en deçà du nombre de postes à temps plein perdus depuis 2007. »

 

Depuis, on sait que non seulement rien n’a été amélioré mais la situation s’est même dégradée…

 

Les informations aux consommateurs sur les rappels de la part de nos autorités et des distributeurs sont insuffisantes voire ignorées… l’affaire Lactalis a mis en avant « des dysfonctionnements dans le respect par ces différents acteurs de leurs obligations en matière de sécurité sanitaire des aliments», des dysfonctionnements à tous les niveaux…

 

La récente affaire médiatisée d’une épidémie de salmonellose avec 10 décès dans l’Est de la France souligne une fois de plus le manque d’information mais aussi de transparence des pouvoirs publics ; « ...rien n’a été caché », certes, mais rien n’a été dit non plus…

 

L’importance des maladies infectieuses d’origine alimentaire a été soulignée par un article de l’InVS qui rapporte :

 

« La connaissance du poids absolu et du poids relatif des infections d’origine alimentaire est utile pour l’ensemble des acteurs (pouvoirs publics et opérateurs) intervenant dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments. »

 

Du travail en perspective… s’agissant de Campylobacter en France :

 

« Les infections à Campylobacter spp. se classent au 2e rang en nombre de cas (392 177 cas, 26% du nombre total), en première position en nombre d’hospitalisations (5 524 hospitalisations, 31% du nombre total) et en 3e position en nombre de décès (41 cas décédés, 16% du nombre total). »

 

Enfin, un article de la revue PROCESS Alimentaire, avril 2018, n°1357, rapporte :

 

« Le Cofrac ouvre une accréditation pour inspecter les entreprises alimentaires. L’idée est de compléter et renforcer les contrôles officiels ».

 

Si je m’en tiens à cette brève du syndicat SNISPV du 13 novembre 2017 :

 

« Le ministre a notamment indiqué que le renforcement des contrôles sanitaires correspondait à une demande sociétale et à l'augmentation des risques sanitaires, et que cette mission en croissance ne devait pas être externalisée. Il a annoncé le renforcement des moyens humains pour la prévention et la gestion de la sécurité sanitaire. »

 

Bref, admettons que cela ne sera donc pas pris en compte par les pouvoirs publics, pour l’instant…

 

Bien, mais où sont les chiffres qui attesteraient « le renforcement des moyens humains pour la prévention et la gestion de la sécurité sanitaire » ?

 

Et pourtant, comme il y a fort à faire fort en restauration commerciale, un communiqué du 8 mars 2018 du Cofrac rapporte « Une nouvelle accréditation en section Inspection : la vérification de l’hygiène des établissements de restauration commerciale ». Il indique la suite face cet énorme marché qui semble s’ouvrir…

 

« Le Cofrac est en mesure d’instruire les demandes d’accréditation relatives à la vérification de l’hygiène des établissements de restauration commerciale (Inspections relatives à la sécurité sanitaire des aliments réalisées dans un cadre autre que règlementaire) dans l’attente de la publication de la norme évoquée ci-après prévue fin mars 2016 (mai 2016 –aa).

 

Chaque professionnel concerné pourra recourir à un organisme d’inspection indépendant afin de procéder à la vérification de l’application de cette norme dans son établissement, le résultat de cette vérification lui permettant de valoriser son niveau de maîtrise de l’hygiène.

 

Des dispositions fixées par voie réglementaire préciseront dans quelle mesure le résultat de cette vérification pourrait être pris en compte par l’autorité compétente dans le cadre de la réalisation des contrôles officiels en sécurité sanitaire des aliments. L’accréditation des organismes d’inspection figurera parmi ces dispositions réglementaires. »

 

Si le Cofrac fait ce type d’annonce, c’est que quelque chose est train de changer… l’ouverture au marché privé des inspections en sécurité des aliments en France va-t-elle devenir la règle avec les conflits d’intérêts évoqués plus haut en Grande-Bretagne ?

 

Pourtant, en Grande-Bretagne, précisément, un rapport d’un comité parlementaire sur un ‘incident’ dans une usine de transformation de volailles a mis en cause la certification privée BRC (BRC Global Standards), l’entreprise britannique de volailles concernée ayant comme tant d’autres entreprises de multiples certifications privées, dont celle du BRC, et, sans aucun lien de cause à effet, on apprenait que le BRC suspendait pour une période déterminée un organisme certificateur (voir 1 et 2) du Royaume-Uni…

 

« Un réveil pour les organismes certificateurs » selon le rapport du comité précité car les faits reprochés à l’usine britannique 2 Sisters sont ‘symptomatiques’ des pressions sur l’industrie alimentaire

 

Affaire à suivre… comme on dit…

 

______________

 

* Albert Amgar a été pendant 21 ans le dirigeant d'une entreprise de services aux entreprises alimentaires ; il n'exerce plus aujourd'hui, car retraité. Au travers de son blog il nous a livré des informations dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité des aliments. Désormais, je l'accueille avec plaisir.

 

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On lira, Sécurité alimentaire : « Les autorités de contrôle ne se sont pas adaptées » par Benoît Assemat, inspecteur général de santé, article paru dans le journal Le Monde.<br /> On pourra retrouver cet article en intégralité sur ce lien, https://www.acteurspublics.com/2016/12/09/benoit-assemat-la-police-de-la-chaine-alimentaire-est-une-police-a-part-entiere
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