L'effrayante vérité derrière la peur des OGM
Anastasia Bodnar*
« Tout d'abord, permettez-moi d'affirmer ma conviction que la seule chose que nous devons craindre est la peur elle-même : une terreur sans nom, irraisonnée et injustifiée qui paralyse les efforts nécessaires pour convertir la retraite en avancée », a déclaré le président Franklin D. Roosevelt, à propos de la faim et du désespoir du peuple américain pendant la Grande Dépression. Aujourd'hui, la peur règne aussi, bien que nous soyons dans une période d'abondance relative.
La National Science Foundation étudie un échantillon représentatif d'Américains tous les deux ans. L'Enquête Sociale Générale pose des questions sur les attitudes générales à l'égard de la science en général et sur des sujets scientifiques particuliers. Pour un aperçu rapide des faits saillants, voir Everything Americans Know About Science in Seven Graphs (tout ce que les Américains savent sur la science en sept graphiques) par Sara Chodosh.
Une conclusion positive : les Américains s'inquiètent du changement climatique. Que cela se traduise par une action ou une volonté politique est une autre question. Dans cet article, je vais me concentrer sur les questions sur les aliments génétiquement modifiés, communément appelés OGM. Selon la NSF, « les données suggèrent que les inquiétudes concernant les aliments génétiquement modifiés sont en augmentation ».
Données de l'Enquête Sociale Générale de la NSF montrant l'évaluation publique du danger de la modification des gènes des plantes cultivées pour l'environnement. Réponses de tous les adultes (n = 1.276 en 2000, 1.430 en 2010 et 911 en 2016). Graphique d'Anastasia Bodnar.
Les résultats de 2016 sont remarquablement différents des résultats de 2000 et 2010. Le nombre de répondants qui trouvent les OGM dangereux a atteint 79% en 2016, alors que seulement 18% pensaient que les OGM ne sont pas dangereux et 4% ont dit ne pas savoir. La peur s'incruste dans les gens, pas un bon signe.
Les femmes étaient plus craintives que les hommes. Ceux qui ont plus de connaissances scientifiques ou des niveaux d'éducation plus élevés sont moins craintifs que ceux qui ont moins de connaissances ou sont moins éduqués. L'âge n'était pas un facteur. La peur des OGM est confirmée par d'autres recherches sur l'opinion publique, telles que la comparaison par le Pew Research Center de la façon dont les scientifiques et le public perçoivent les questions scientifiques.
Ces résultats peuvent ne pas décrire avec précision ce que les Américains pensent des OGM. Si vous demandez aux gens quelles sont les principales choses qui les préoccupent en matière d'alimentation, les OGM ne figurent pas sur la liste. Les gens se soucient beaucoup plus de la qualité et du coût. Par exemple, dans une étude de 2013 de l'Université Rutgers, les chercheurs ont demandé : « Quelles informations aimeriez-vous voir sur les étiquettes des aliments qui n'y sont pas déjà ? » Seulement 7% ont soulevé la question de l'étiquetage des OGM, et seulement 6 % voulaient plus d'informations sur où ou comment l'aliment a été produit ou transformé. Quand les gens sont spécifiquement interrogés sur les OGM, le nombre de personnes qui veulent les faire étiqueter augmente fortement. Une écrasante majorité des gens veulent aussi des étiquettes obligatoires sur les produits contenant de l'ADN, lorsqu'on les interroge spécifiquement sur l'ADN dans les aliments. Inviter les gens à s'exprimer sur des caractéristiques spécifiques des aliments conduit clairement à des résultats biaisés vers le haut par rapport à la situation où les questions sont posées sans une invite.
Le marché de la peur est lucratif. Il est vraiment difficile de collecter des fonds lorsque votre message est « notre alimentation est plutôt sûre ». Bien des organisations et individus se sont fait un nom en effrayant les gens à propos des OGM. Les journalistes, formés pour rechercher les deux faces d'une histoire, donnent souvent à ces organisations et à ces individus un large espace pour la promotion de leurs informations biaisées et incorrectes. Même si je pense qu'un certain nombre de blâmes peuvent être attribués à quelques-uns, il y a des problèmes plus importants ici.
Petite grange rouge. Photo de Woodchuck Farm de William Garrett, rehaussée par Dianne Lacourciere en utilisant des textures de Distressed Jewel.
Les gens acceptent toutes sortes de technologies en médecine et en cosmétique mais ont des idées différentes en matière d'alimentation. La plupart d'entre nous ont à l'esprit une scène idyllique de petite grange rouge et de quelques vaches paisibles, peut-être avec un pommier. Les réalités de l'agriculture n'ont jamais correspondu à cette image ; mais alors que nous pourrions accepter un robot cueilleur de pommes, beaucoup d'entre nous n'aiment pas l'idée de pesticides, de gènes manipulés ou même de « produits chimiques » dans notre alimentation. Le marketing des produits bio et « naturels » a profité de cette vision idyllique de l'agriculture.
Comme l'agriculture est devenue plus industrialisée et plus efficace, le nombre d'exploitations agricoles (et le nombre d'agriculteurs) a fortement diminué. La plupart des gens ne connaissent aucun agriculteur et n'ont jamais visité une ferme. Les consommateurs ne comprennent pas pourquoi un agriculteur pourrait avoir besoin d'utiliser des pesticides ou pourquoi les forces économiques sont responsables de la consolidation des fermes. Les médias publient à juste titre des article, par exemple, sur la zone morte dans le golfe du Mexique, mais les gens n'entendent pas parler de la façon dont les technologies et les pratiques rendent les fermes plus durables. De plus grandes préoccupations concernant l'industrialisation et la consolidation ont été projetées sur la biotechnologie, de sorte que tous les maux de l'agriculture sont attribués aux OGM.
Les scientifiques et les communicateurs scientifiques sont également responsables en partie de la peur des OGM. La langue que nous choisissons influence ce que les gens voient. Les sources académiques et gouvernementales ont tendance à utiliser les termes biotechnologie, transgénique ou génie génétique et utilisent rarement le terme OGM. Cela signifie que ces sources apparaissent rarement lorsque les gens recherchent des informations sur ce sujet. Vous pouvez voir l'effet du langage en effectuant une recherche d'image pour les différents termes. L'imagerie importe, et l'imagerie associée aux OGM n'est pas exacte pour dire le moins.
Enfin, nous pouvons au moins en partie blâmer les Russes pour les craintes irrationnelles au sujet des OGM. Oui, les Russes. Comme indiqué dans le Des Moines Register, les médias RT et Spoutnik « ont produit plus d'articles contenant le mot "OGM" que cinq organisations de presse [américaines] mises ensemble ». De plus, « RT et Spoutnik ont décrit la modification génétique de manière prédominante sous un jour négatif ». La prépublication est maintenant disponible : « Sowing the seeds of skepticism: Russian state news and the anti-GMO movement » (semer les graines du scepticisme: les informations de l'État russe et le mouvement anti-OGM). Cette propagande correspond à une résurgence du sentiment anti-scientifique en Russie.
La peur de la biotechnologie peut avoir des impacts négatifs, à la fois pour l'agriculture actuelle et pour l'avenir. Actuellement, nous n'avons qu'une poignée d'aliments génétiquement modifiés [rappel : aux États-Unis d'Amérique]. Voir mon article « How to Avoid GMOs » (comment éviter les OGM) pour savoir exactement lesquels. Les OGM que nous avons sont utilisés pour de bonnes raisons. La papaye résistante à un virus a sauvé l'industrie de la papaye. Sans elle, les producteurs de papayes hawaïens feraient faillite. Le maïs résistant à des insectes a réduit l'utilisation des insecticides, et aussi réduit les toxines fongiques mortelles et augmenté les rendements. Le soja tolérant à un herbicide a permis aux agriculteurs d'utiliser un herbicide moins toxique (mais pas tellement dans le maïs). Ces OGM ne sont pas parfaits, mais ils ont apporté de la valeur aux agriculteurs, à l'environnement et aux consommateurs. Supprimez ces options, et l'agriculture devient moins durable, pas plus.
La peur de la biotechnologie est plus importante lorsque nous regardons vers l'avenir. L'amélioration des plantes traditionnelle est puissante, mais a ses limites. Il y a des centaines, sinon des milliers d'exemples de caractères biotechnologiques qui pourraient être extrêmement bénéfiques, si seulement ils pouvaient être commercialisés et acceptés par les consommateurs. Rien qu'au cours des derniers mois, il y a eu des articles sur le riz à teneur réduite en arsenic, du blé résistant à des maladies, de l'huile de soja plus saine et du soja tolérant au sel.
Si vous pouvez trouver un gène ou un groupe de gènes codant pour un trait désiré, la biotechnologie peut potentiellement être utilisée pour éditer les gènes directement (édition des gènes), pour provoquer l'expression d'un ou plusieurs gènes dans un nouveau tissu ou à des niveaux plus élevés (cisgenèse), ou pour transférer un gène ou des gènes d'une espèce à une autre (transgénèse). L'édition des gènes pourrait se substituer à certaines cisgenèses et transgenèses. Mais les groupes activistes considèrent l'édition des gènes comme étant simplement plus d'OGM. Et même si l'édition des gènes peut échapper à une réglementation trop stricte, les développeurs devront encore faire face à l'opinion publique.
Voici juste un exemple des dégâts qui peuvent être causés par la peur irrationnelle de la biotechnologie. Le maïs tolérant à la sécheresse a déjà fait l'objet d'une approbations quant à sa sécurité en Afrique du Sud et est disponible à l'achat. Malheureusement, de nombreux autres pays africains continuent de restreindre ou d'interdire l'utilisation de la biotechnologie agricole, malgré les avantages avérés. La Tanzanie a autorisé des essais sur le terrain, mais a finalement exigé que tous les grains soient brûlés alors que la population du pays a faim.
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* Anastasia est directrice des politiques de Biology Fortified, Inc. et co-directrice de la publication du Biofortified Blog. Elle a un doctorat en génétique avec une mineure en agriculture durable de l'Université d'État de l'Iowa. Son légume préféré est les artichauts! Avertissement : les mots d'Anastasia sont les siens et les opinions exprimées ne représentent pas nécessairement les opinions de son employeur. Elle n'est pas rémunérée pour bloguer ou mener des activités sur les réseaux sociaux. La mention d'une entreprise ou d'un produit ne signifie pas son approbation.
Source : https://www.biofortified.org/2018/02/scary-truth-gmo-fear/