« Christian Huyghe, la fin des pesticides mode d’emploi » sur Alimentation Générale...non ! des pesticides de synthèse
« Christian Huyghe, la fin des pesticides mode d’emploi » sur Alimentation Générale...non ! des pesticides de synthèse
Glané sur la toile 249
M. Christian Huyghe, Directeur Scientifique Adjoint de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) a accordé une longue interview à Alimentation Générale sur « la fin des pesticides mode d’emploi ».
Cela vaut d'être lu – pour le bon et le moins bon.
Dans la première catégorie – hormis l'horrible « dépendance aux pesticides » :
« L’autre grande question est de savoir comment réussir à sortir de la dépendance aux pesticides. Cela suppose de pouvoir proposer des méthodes alternatives crédibles et fiables. La méthode qui consiste à dire "ne vous inquiétez pas, on a enlevé tous les phytos et on trouvera une solution" n’est pas très responsable. A la fois parce que cela n’offre aucune solution pour les agriculteurs et que ceci menace leur activité économique. Mais aussi parce que cela fait peser une menace sur la ressource alimentaire avec comme conséquence potentielle une montée du prix à la consommation pouvant engendrer une inégalité sociale d’accès à une alimentation saine en quantité suffisante. »
Il serait sans doute présomptueux de voir dans ce paragraphe une critique des récentes contributions de l'INRA sur les pesticides, notamment sur la « sortie » du glyphosate. Mais goûtons le plaisir de lire enfin un propos responsable. Sera-t-il entendu ?
M. Huyghe est ensuite interrogé sur le pas de temps. Cela donne un premier paragraphe que nous analyserons, suivi d'un enlisement, voire d'un naufrage... l'éternel problème de la déférence aux desiderata gouvernementaux et à l'opinion publique (manipulée) :
« Il y a deux options possibles en fonction du point d’arrivée. Est-ce que nous voulons sortir des pesticides définitivement et notre horizon est alors zéro pesticide de synthèse ? Ou est-ce qu’il est de réduire les pesticides progressivement de moins de 25 %, moins de 30 %, etc. ? Ce n’est pas la même chose ! Si on réduit d’une fraction, on remplace un pesticide par autre chose mais on ne change pas le reste, on continue à produire la même chose dans la même région. Par contre, si on veut arriver à long terme au résultat zéro, il faut reconsidérer les choses en profondeur en acceptant des pas de temps longs. Et donc on ne produira plus la même chose et certainement pas de la même façon. »
Non, « ... sortir des pesticides définitivement ... », ce n'est pas « ...zéro pesticide de synthèse », mais « ...zéro pesticide ».
Les risques des pesticides sont indépendants de leur nature – de synthèse ou pas (ou prétendument pas) de synthèse. L'INRA se résoudra-t-il un jour à adopter le langage de la vérité plutôt que celui de la flagornerie et de la soumission à l'obscurantisme ?
Ah oui ! Cela suppose de dire que les produits phytosanitaires – les médicaments des plantes – ont une utilité... c'est dur d'affronter la désinformation. Il ne doit pourtant pas être difficile d'amplifier le message du premier paragraphe cité ci-dessus : tel ou tel produit est indispensable pour lever « une menace sur la ressource alimentaire » du point de vue du volume produit et/ou de la qualité sanitaire. Le dire, ce n'est pas se positionner comme lobbyiste de l'industrie agro-chimique.
Et donc, « ...arriver à long terme au résultat zéro » relève de l'illusion. Autant le dire clairement. Ce n'est du reste pas demain que les Français abandonnerons les pesticides – oups ! Les biocides – domestiques pour préserver leur confort et aussi leur santé.
En « zéro phyto » (de synthèse ou non), « ...on ne produira plus la même chose et certainement pas de la même façon. » Peut-être que l'INRA – des chercheurs qui n'évoluent pas dans la sphère de la bien-pensance voire du militantisme – pourrait s'interroger sur une question plus fondamentale encore : pourra-t-on encore produire ? À la fois du point de vue agronomique et économique compte tenu de l'ouverture à la concurrence internationale.
L'argument de « Quand le consommateur contredit le citoyen » est fondé. Mais il y a une réponse, au moins partielle : on peut introduire des résistances aux parasites et maladies dans le vignoble tout en gardant nos cépages – et dans tout autre assortiment de variétés hétérozygotes multipliées par voie végétative – à l'aide des techniques génétiques modernes : transgénèse, cisgénèse, édition des gènes. Ah oui ! « L'opinion publique n'y est pas favorable »... PDG de l'INRA dixit. Alors, ne faisons surtout pas l'effort d'expliquer à l'« opinion publique ». Fi de la recherche agronomique ; ce qu'il faut, c'est ne pas sortir de la zone de confort politique et médiatique.
La rédaction a mis en intertitre : « Sortir du glyphosate va faire partie des grandes transitions ». M. Huyghe explique :
« Le glyphosate ne fait pas partie des pesticides les plus dangereux. Mais il est devenu un sujet sociétal. Pendant le repas de Noël, tout le monde a parlé du glyphosate au moins une fois. Pourtant c’est une molécule dont le principal défaut est d’être extrêmement efficace et peu chère, surtout depuis que le brevet est tombé dans le domaine public en 2000. Elle marche partout, dans toutes les conditions et est extrêmement facile à utiliser. C’est cela qui a expliqué sa généralisation. Et c’est parce qu’elle a été généralisée qu’elle a fini par être rejetée. Pourtant de toutes les molécules pesticides, elle est loin d’être la plus problématique. La question du glyphosate est très illustrative. On a dépassé le fait de nous demander si c’est dangereux ou pas; on est arrivé au point de nous dire qu’on n’en veut plus. Sortir du glyphosate va faire partie des grandes transitions, comme l’agriculture en a déjà connu.
Ce qui est nouveau dans ce paysage c’est qu’il faut manipuler avec beaucoup de précaution la logique de l’impact sur la santé. Parce qu’on manipule la peur. Et la peur est une très mauvaise conseillère, c’est bien connu. La recherche doit éclairer cette question mais on voit que cette question est éminemment politique et sociétale. »
Beaucoup de bonnes observations. Toutefois, le glyphosate a fini par être rejeté pour une autre raison : il a été instrumentalisé par des forces politiques, économiques et sociales avec des objectifs divers mais convergents.
Il a aussi fini par être rejeté parce que des voix autorisées ne se sont pas élevées. Pire encore, elles ont contribué à accréditer l'idée qu'on pouvait s'en passer... quasiment d'un claquement de doigts, sauf dans quelques situations marginales.
La suite, c'est :
« Les transitions passent par la problématique de l’éducation et la formation des agriculteurs, mais aussi des citoyens et consommateurs. [...] »
Et si l'INRA s'occupait sérieusement de la « problématique de l’éducation et la formation [...] des citoyens et consommateurs » (et des politiques) ?