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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Ces drôles d'oiseaux du CNRS, du MNHN et du Monde Planète (épisode VI)

22 Avril 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Activisme, #Pesticides

Ces drôles d'oiseaux du CNRS, du MNHN et du Monde Planète (épisode VI)

 

Le Monde et la multiplication des sophismes

 

 

 

 

 

 

Bis, mais qu'on se rassure : on arrive au bout.

 

Rude tâche que de décoder les pseudo-décodeurs du Monde M. Stéphane Foucart, rubrique Planète, et M. Gary Dagorn, rubrique les Décodeurs, et leur « Pourquoi les pesticides sont bien l’une des causes du déclin des oiseaux » publié (sur la toile) le 29 mars 2018.

 

Ils avaient entrepris de « décoder » essentiellement :

 

 

 

En réalité, il s'agissait de presser les thèses outrancières outrageusement diffusées précédemment par le Monde Planète de... M. Stéphane Foucart !

 

Nous continuons le décodage du pseudo-décodage.

 

 

 

Oiseaux des villes

 

 

 

 

MM. Foucart et Dagorn trouvent qu'il est « trompeur » d'affirmer que :

 

« Il faut noter qu’en ville, les populations d’oiseau ont aussi baissé d’un tiers. »

 

Leur « explication » ou « raisonnement » :

 

« L’affirmation sous-entend assez clairement que le rôle des pesticides n’est pas aussi important qu’entendu car des baisses similaires sont enregistrées en ville. Pourtant, la baisse des oiseaux nichant dans le bâti peut être liée à d’autres facteurs. Elle n’est pas l’indice que les pesticides ne seraient pas un déterminant majeur du déclin des oiseaux des champs. C’est là encore une erreur de logique. »

 

L'affirmation de Mme Woessner était :

 

« Mais il faut noter qu’en ville, nos pratiques aussi sont interrogées : les populations d’oiseau ont baissé d’un tiers, également, dans les zones bâties. »

 

Fausse citation + fausse déduction (à coup de « sous-entend » et d'un adverbe, précautionneusement minoré) + raisonnement fallacieux...

 

En ce qui nous concerne, nous n'avons aucun problème avec l'affirmation de Mme Woessner. Outre qu'elle a raison de dire qu'« en ville, nos pratiques aussi sont interrogées », cette conclusion de sa chronique signifie que c'est vraiment faire un mauvais procès que de se limiter aux oiseaux des campagnes et aux pesticides.

 

 

 

 

Mais nos auteurs du Monde concèdent :

 

« De manière générale, les pesticides ne sont certainement pas la seule cause du déclin des oiseaux. »

 

Du coup on se demande pourquoi ils ont produit ce curieux « décryptage »...

 

 

Fausse citation encore

 

 

 

 

MM. Foucart et Dagorn proposent l'affirmation suivante sous : « Ce qui a été dit »

 

« La cause de la disparition des insectes reste mystérieuse, les auteurs de ce constat n’ont pas intégré ni étudié l’effet des pesticides, des changements climatiques ou d’autres facteurs. »

 

Voilà un télescopage qui crée l'ambiguïté (au mieux) et, de plus, discrédite l'auteure présumée du propos. Car « ce constat » s'applique dans cette phrase à : « La cause de la disparition des insectes reste mystérieuse ». Mais en réalité, Mme Woessner s'est référé à une étude spécifique. La vraie citation, complète et contextualisée, est :

 

« Le problème, c'est que la disparition des insectes, qui a été mesurée récemment en Allemagne, reste elle aussi mystérieuse. La biomasse s'est réduite de 75% en 27 ans, dans les zones étudiées là-bas. C'est considérable, mais les auteurs de ce constat ignorent les causes de ce déclin : ils n’ont pas intégré, ni étudié l’effet des pesticides, des changements climatiques ou d’autres facteurs. Ils n'avancent que des hypothèses. Elles font sens intellectuellement, parce que oui, les pesticides ont un impact sur l’environnement, mais touchant le déclin des oiseaux, il y a d’autres facteurs. »

 

Faut-il croire que ces professionnels de l'écriture du Monde sont des amateurs ou des débutants ?

 

En tout cas, Mme Woessner propose un résumé tout à fait recevable.

 

 

 

Une étude « scientifique » totem... mais peu convaincante

 

L'étude, c'est : « More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas » (un déclin de plus de 75 pour cent en 27 ans de la biomasse totale d'insectes volants dans des zones protégées), de Caspar A. Hallmann et al.

 

Exemple de site dans lequel a été installé une trappe à insectes volants.

 

M. Hallmann, nous l'avions trouvé dans l'épisode précédent, à propos d'une étude publiée dans Nature. Et qui trouvons-nous encore dans les auteurs ? L'activiste Dave Goulson.

 

Immédiatement et largement médiatisée, l'étude est devenue un totem autour duquel dansent les tenants de l'« écologie » décliniste et punitive. Le Monde Planète de... M. Stéphane Foucart s'était fendu d'un « En trente ans, près de 80 % des insectes auraient disparu en Europe », avec un chapô alarmiste : « Ce déclin catastrophique est dû à l’intensification des pratiques agricoles et au recours aux pesticides. Il menace la chaîne alimentaire. »

 

Notez toutefois le conditionnel journalistique du titre (suivi d'un indicatif de conviction dans le chapô)... Selon les auteurs de l'étude, c'est 76 % en moyenne, ce qui permet aux Philippulus d'arrondir à 80 (le Parisien et l'Obs, par exemple, ne l'ont pas fait).

 

 

 

 

M. Stéphane Foucart avait aussi écrit en septembre 2017 :

 

« Le facteur majeur permettant d’expliquer un effondrement aussi rapide, avancent les auteurs, est l’intensification des pratiques agricoles (recours accru aux pesticides, aux engrais de synthèse, etc.). »

 

Toujours la même obsession...

 

Mais c'est faux !

 

Les auteurs ont étudié la biomasse de la faune des insectes volants... dans des zones de nature protégées, pas vraiment le meilleur endroit pour évaluer l'impact des pesticides (un mot qui n'apparaît que deux fois dans leur texte) sur les insectes volants – et encore moins les oiseaux des champs. Ensuite, ils ont spéculé, avec en particulier des références à des articles antérieurs. Un seul exemple suffit à démontrer le problème de – disons diplomatiquement – fidélité du rapport journalistique à la réalité « scientifique » :

 

« L'intensification agricole [17, 20] (par exemple l'utilisation de pesticides, le labour à longueur d'année, l'utilisation accrue d'engrais et la fréquence des mesures agronomiques) que nous n'avons pas pu incorporer dans nos analyses peut constituer une cause plausible. »

 

Nous avons mis des guillemets à « scientifique » pour exprimer la vraie nature de cette étude, illustrée par les première et dernière phrase du résumé :

 

« Les déclins globaux d'insectes ont suscité un grand intérêt chez les scientifiques, les politiciens et le grand public. […] Cette perte non encore reconnue de biomasse d'insectes doit être prise en compte dans l'évaluation des déclins de l'abondance des espèces dépendant des insectes en tant que source de nourriture, et du fonctionnement des écosystèmes dans le paysage européen. »

 

« Science » militante...

 

Et science poubelle. Elle a été copieusement critiquée, notamment par des blogueurs (compétents) allemands (par exemple ici et ici – nous traduirons quelque article à l'occasion). Le Pr Walter Krämer – une autorité en matière de statistiques – a déclaré à die Welt :

 

« L'échantillonnage a été fait en deçà du sérieux scientifique habituel. Ce sont des emplacements aléatoires qui ont été changés encore et encore . Les données sont donc de mauvaise qualité et non généralisables. D'un point de vue statistique, il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites de manière sub-optimale. »

 

La deuxième phrase est cryptique. Selon l'étude, il y a « 96 combinaisons uniques lieu-année » (sur 27 ans...) ; on comprendra que la majorité des lieux n'a été échantillonnée qu'une fois, qu'il n'y a pas de série de données continue pour un même emplacement, et que les auteurs se sont livrés à des modélisations ultra-acrobatiques. C'est du reste une des critiques majeures faites à cet exercice. Cela ne veut évidemment pas dire qu'il n'y a pas eu de déclin sur ces 27 ans. Juste que c'est largement de la science poubelle. Et que nous sommes en droit d'attendre une meilleure science et, surtout, une meilleure information.

 

Nombre de lieux échantillonnés, nombre de lieux ré-échantillonnés, nombre total d'échantillons, ainsi que moyenne et écart-type de la durée d'exposition à l'endroit de la trappe (en jours).

Notez le petit nombre d'échantillonnages pour les années 1990 à 2012. Si vous cherchez les années 1996, 1998 et 2002... vous ne trouverez pas ! Pensez-vous que ce soit une manière honnête de présenter une série statistique ?

 

 

Ce dernier point a aussi été exprimé par M. Krämer :

 

« Ce qui m'énerve, c'est que les médias – même les titres de qualité comme FAZ, SZ, ZEIT et dpa – reprennent n'importe quelle connerie sans vérifier. Ils ont pourtant l'obligation de regarder de plus près. »

 

 

La magie d'un mot en moins et quelques autres curiosités

 

Une obligation bien facultative pour l'information militante... Revenons aux « décodeurs » :

 

Dans le « décodage », M. Foucart écrit maintenant avec M. Dagorn (c'est nous qui graissons) :

 

« Les travaux d’une équipe internationale de biologistes, publiés en octobre 2017 dans la revue PLoS One, ont au contraire étudié un grand nombre de paramètres (changement du climat au cours du temps, de l’habitat, de l’utilisation des terres). Aucun ne permet d’expliquer le déclin observé des insectes volants en Allemagne – un déclin de 76 % en moins de trois décennies, qui atteint même 80 % au cours des mois d’été.

 

"Nous montrons que ce déclin est manifeste quel que soit le type d’habitat et que les changements des conditions météorologiques [températures, précipitations et vitesse du vent], l’utilisation des terres et les caractéristiques de l’habitat ne peuvent expliquer ce déclin global", concluent ainsi les chercheurs. [...] »

 

La phrase exacte (l'avant-dernière du résumé) est :

 

« We show that this decline is apparent regardless of habitat type, while changes in weather, land use, and habitat characteristics cannot explain this overall decline. »

 

Soit (en collant à la traduction du Monde) :

 

« Nous montrons que ce déclin est manifeste quel que soit le type d’habitat alors que les changements des conditions météorologiques, de l’utilisation des terres et des caractéristiques de l’habitat ne peuvent pas expliquer ce déclin global. »

 

Il y a deux glissements sémantiques : celui du journaliste, et celui des auteurs dans leur résumé (rappelons-le : à visée socio-politique). Dans leur texte, ils écrivent (garbage in, garbage out) :

 

« À la lumière des mécanismes moteurs suggérés précédemment, notre analyse rend deux des principaux suspects, à savoir le paysage [9, 18, 20] et le changement climatique [15, 18, 21, 37], comme facteurs explicatifs improbables de ce déclin majeur de la biomasse des insectes aériens dans les zones protégées étudiées. »

 

Plus loin, ils écrivent :

 

« …Toutefois, nous n'avons pas analysé de manière exhaustive la totalité des variables climatiques qui pourraient potentiellement affecter la biomasse d'insectes. »

 

Science militante, on vous dit...

 

 

Ils n'ont pas pu démontrer, mais ils ont quand même démontré...

 

Nos « décodeurs » poursuivent (c'est nous qui graissons) :

 

« Les auteurs n’ayant pas eu accès dans les régions étudiées aux changements d’utilisation de produits phytosanitaires par les agriculteurs, ils n’ont pu corréler le déclin observé aux pesticides.

 

Mais leur travail permet d’écarter les principales causes possibles sans lien avec l’agriculture. Les changements de pratique de celle-ci sont donc les causes les plus plausibles car, écrivent-ils, "l’intensification de l’agriculture, incluant la disparition des marges et les nouvelles méthodes de protection des cultures [c’est-à-dire l’enrobage des semences par les nouvelles générations d’insecticides systémiques] est associée à un déclin global de la diversité des plantes, des insectes, des oiseaux et d’autres espèces communes". »

 

Contribution des différents facteurs à l'évolution de la biomasse d'insectes volants. Où sont les pesticides ?

 

Quelles acrobaties ! Les auteurs « n’ont pu corréler... », mais « l’intensification de l’agriculture [...] est associée... ». « [L]eur travail permet d’écarter... », mais les changements des pratiques agricoles « sont donc les causes les plus plausibles... » Comme nous venons de le voir, leur travail n'a pas permis « d'écarter... ».

 

L'audacieuse inférence des auteurs du Monde est erronée. Bis repetita placent :

 

« L'intensification agricole [17, 20] (par exemple l'utilisation de pesticides, le labour à longueur d'année, l'utilisation accrue d'engrais et la fréquence des mesures agronomiques) que nous n'avons pas pu incorporer dans nos analyses peut constituer une cause plausible»

 

Et il y a mieux encore : la phrase que citent MM. Foucart et Dagorn, avec un « petit » ajustement, n'est pas une conclusion des auteurs, mais la description de ce que d'autres auteurs ont écrit :

 

« Agricultural intensification, including the disappearance of field margins and new crop protection methods has been associated with an overall decline of biodiversity in plants, insects, birds and other species in the current landscape [20, 27, 67]. »

 

Soit :

 

« L’intensification de l’agriculture, y compris la disparition des abords et les nouvelles méthodes de protection des cultures a été associée à un déclin global de la biodiversité des plantes, des insectes, des oiseaux et d’autres espèces dans le paysage actuel [20, 27, 67]. »

 

 

Et une singulière conclusion

 

« Les auteurs de ces travaux ont d’ailleurs peu de doutes sur l’implication des néonicotinoïdes dans le déclin de la biodiversité en général. "Il faut adopter des restrictions internationales sur l’utilisation des néonicotinoïdes sans attendre et empêcher leur remplacement par des produits tout aussi dangereux", écrivent ainsi des chercheurs ayant participé à cette publication, dans une tribune publiée dans Le Monde»

 

Eh bien non ! Les auteurs dont il s'agit maintenant ne sont pas les auteurs de l'étude que nous venons de décrypter ! C'est un collectif différent, même si on y trouve des noms déjà rencontrés, dont l'activiste Dave Goulson en tête de liste (c'est le seul qui soit commun à l'étude et à la tribune, de sorte que « des chercheurs ayant participé à cette publication » est aussi une exagération).

 

Et que nous démontrent-ils, ces auteurs de tribune ? Qu'ils sont dans le registre, non pas de la science, mais de l'activisme.

 

 

Post scriptum : quand un commentateur triture les chiffres...

 

Plos One a une section commentaires. Un commentateur a tritué les chiffres et produit ce premier graphique avec une droite de régression portant sur l'ensemble de la période 1989-2016.

 

 

 

 

Son analyse le mène toutefois à supposer qu'il s'est passé quelque chose entre, notamment, 2006 et 2007. Il découpe donc la série statistique en deux et produit deux droites de régression. Le résultat est lumineux : pas de déclin entre 2006 et 2016 !

 

 

 

 

Il ne faut évidemment pas tirer de conclusion hâtive sur la question de la disparition des insectes (volants seulement, rappelons-le) en général. Les données de base ne s'appliquent qu'aux sites étudiés et elles ne sont pas de bonne qualité. Mais il est certain que cette analyse d'un commentateur permet de conclure qu'une autre conclusion que la gesticulation militante était possible.

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