Quel avenir pour CRISPR/Cas et Cie en Allemagne ?
Schillipaeppa*
Photo : Université Christian-Albrechts de Kiel : « Les nouvelles techniques d'amélioration des plantes pour des rendements plus élevés de colza »
Le nouvel accord de coalition entre les partis de l'Union et le SPD a été conclu et des orientations importantes ont donc été définies pour l'agriculture. De nombreuses formulations ne donnent qu'une idée de la destination du voyage, laissant beaucoup de place à l'interprétation. Cela présente des avantages et des inconvénients: D'un côté, il est bon de ne pas tout graver dans le marbre parce que beaucoup de choses peuvent se produire dans cette période de quatre ans maintenant bien entamée. De l'autre, une des parties pourrait exiger une interprétation particulière pour atteindre ses objectifs. Alors, probablement, personne ne se rappellera que le document a été bricolé dans la hâte, dans des séances de nuit.
Les nouvelles méthodes de sélection comme CRISPR/Cas et Cie font l'objet d'un court passage (pp. 84-85) :
« À la suite de la décision encore attendue de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) sur les nouvelles technologies de sélection moléculaires, nous prendrons des dispositions au niveau européen ou éventuellement national pour garantir le principe de précaution et la liberté de choix. »
Les mots « principe de précaution » et « liberté de choix » éveillent à eux seuls de mauvais souvenirs, et ce, à propos du traitement du génie génétique classique dans l'amélioration des plantes par le législateur. En fait, celui-ci est maintenant si étroitement corseté du point de vue des obstacles à franchir pour l'approbation, des questions de responsabilité en cas de mise en culture, et de l'étiquetage des produits qu'une application concrète de ses techniques est pratiquement exclue dans ce pays.
Au niveau européen, une décision préliminaire sera prise quant à la façon dont les nouvelles technologies de sélection devraient être traitées sur le plan juridique. À la mi-janvier, les conclusions de l'avocat général Michal Bobek ont été publiées. La question est de savoir si les variétés végétales issues des nouvelles techniques de sélection doivent être réglementées de la même manière que les variétés produites à l'aide du génie génétique classique. Bobek dit (en bref) : non, s'il n'y a pas de matériel transgénique dans la nouvelle variété. On s'attend à ce que la Cour de Justice de l'Union Européenne suive cette évaluation dans son arrêt.
Jürgen Robienski et Martin Wasmer du Centre d'Éthique et de Droit dans les Sciences de la Vie à l'Université de Hanovre confirment ce point de vue dans un article récent :
« Selon notre analyse, les organismes obtenus par mutagenèse sont exclus de toutes les dispositions de la directive et ne relèvent pas non plus du champ d'application de la définition juridique de l'organisme génétiquement modifié au sens de la directive. Le terme mutagenèse doit également être interprété de manière dynamique, en fonction de sa signification scientifique, qui inclut également la mutagenèse ciblée. Cela signifie que les produits de mutagenèse ciblée ne sont pas des OGM au sens de la directive. »
Déjà en 2016, l'Office Fédéral de la Protection des Consommateurs et de la Sécurité Alimentaire (BVL) avait pris une position claire sur cette question :
« En conséquence, les plantes qui présentent des mutations ponctuelles obtenues par les techniques ODM et CRISPR-Cas9 ne sont pas des OGM au sens de la directive. Car la classification en tant qu'OGM n'est pas seulement fondée sur l'utilisation d'un procédé de génie génétique, mais aussi sur le produit résultant. Celui-ci doit se distinguer des plantes qui pourraient être produites par des méthodes de sélection conventionnelles. Ce n'est précisément pas le cas avec les mutations ponctuelles qui sont considérées ici. Les modifications génétiques pourraient également provenir d'autres procédés de mutagenèse. »
D'autres agences fédérales s'écartent de cette opinion dominante. L'Agence Fédérale pour la Conservation de la Nature (BfN) a depuis lors présenté deux avis juridiques, sur la base desquels elle préconise une réglementation des nouvelles technologies de sélection. En 2015, le Pr Dr Dr Tade Matthias Spranger, de l'Université de Bonn, est arrivé à la conclusion, au nom de la BfN**, que les nouvelles méthodes de sélection ne devraient même pas être considérées comme mutagenèse. En 2017, le Pr Spranger a poursuivi, arguant que les instruments de notre système juridique ne seraient pas suffisants pour réguler les impacts environnementaux potentiels des variétés issues des nouvelles technologies. Ce raisonnement a été adopté par la BfN dans un document d'information :
« Pour les nouvelles techniques, il y aura aussi, du point de vue de la conservation de la nature, un besoin de réglementation : ce qu'il faut, c'est une évaluation des risques appropriée fondée sur le principe de précaution, et une surveillance. La raison principale est le potentiel de ces techniques à créer des organismes pouvant présenter un risque pour l'homme, la nature et l'environnement. En outre, les développements technologiques futurs dans le domaine des nouvelles techniques ne peuvent pas être suffisamment estimés pour prédire les risques potentiels futurs simplement sur la base de la technologie sous-jacente d'aujourd'hui. »
La BfN considère les nouvelles technologies de sélection comme particulièrement risquées et invoque le principe de précaution. Compte tenu du fait que le SPD conservera le Ministère de l'Environnement et donc les autorités subordonnées, toutes les sirènes d'alarme devraient déjà hurler dans l'industrie de l'amélioration des plantes et dans les institutions de recherche. Pour les entreprises de sélection de taille moyenne, il est essentiel que les variétés produites avec CRISPR/Cas et Cie ne soient pas réglementée comme le génie génétique. Ces nouvelles techniques sont actuellement abordables pour les petites entreprises. Cela changerait du tout au tout si ces variétés devaient passer par le processus d'approbation exigeant de l'UE.
D'une agence de conservation de la nature on devrait pouvoir s'attendre qu'elle vérifie si les innovations ont aussi le potentiel de contribuer à la protection de l'environnement et à la conservation de la nature. Au lieu de cela, elle génère manifestement des expertises pour empêcher l'innovation. Par exemple, en 2009 – ce fut des années avant la découverte de CRISPR/Cas – la BfN avait publié un rapport final*** sur le projet de recherche « potentiel du génie génétique dans les cultures énergétiques ». On y a examiné si le génie génétique appliqué aux cultures énergétiques pouvait apporter une contribution. Les nouvelles possibilités de la sélection des plantes appellent une nouvelle évaluation. On a déjà pu produire grâce au génie génétique classique des pommes de terre résistantes au mildiou grâce à un gène d'une pomme de terre sauvage. Avec une telle variété, on pourrait économiser des tonnes de fongicides. Où sont les études de faisabilité des autorités ? Au vu du débat sur le glyphosate, la réduction de l'utilisation des pesticides dans l'agriculture semble pourtant avoir actuellement la plus haute priorité.
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* L'auteure a fait des études de philosophie, est éditrice et a atterri il y a déjà plus de dix ans à la campagne. Sur son blog, elle (d)écrit – miracle ! La traduction peut être fidèle – ce qui la préoccupe, lorsqu'elle n'est pas en train de curer l'écurie des poneys, de chercher des gants de gardien de but, de s'occuper de quantités de denrées alimentaires ou de linge, ou encore de tenter d'arracher les mauvaises herbes plus vite qu'elles ne poussent.
** En anglais.
*** Il y a un résumé en anglais... effarant !
Source : https://schillipaeppa.net/2018/02/08/wie-geht-es-weiter-mit-crispr-cas-und-co/