Motlatsi Musi : l'agriculture après la chute de l'apartheid
Joan Conrow
Motlatsi Musi. Photo : Robert Hazen
Motlatsi Musi a suivi une route difficile vers l'agriculture. Devenu sans-abri à cause des pratiques d'apartheid de l'Afrique du Sud dans les années 1960, il a décroché un emploi de travailleur permanent dans une grande ferme, où il a acquis une riche expérience. Mais ce n'est qu'à la fin de l'apartheid qu'il a pu se faire sa propre place.
« Puis est venue la nouvelle Afrique du Sud, et dans la nouvelle Afrique du Sud, j'ai postulé pour la terre », a-t-il dit. Lui et six autres « paysans émergents » – « nous avons émergé dans la nouvelle Afrique du Sud » – ont formé une coopérative. Mais, alors que les autres ont changé d'horizon, il est resté et produit avec succès du maïs et du soja génétiquement modifiés (GM), ainsi que des porcs, des bovins et des chèvres.
« L'Afrique du Sud a connu une récolte exceptionnelle cette année », a-t-il déclaré à l'Alliance pour la Science fin 2017. « La dernière fois que l'Afrique du Sud avait connu une récolte exceptionnelle, c'était en 1979, alors que j'étais ouvrier agricole. La situation était très difficile cette année-là. L'Afrique du Sud était sous le coup de sanctions économiques et nous étions au bord de la guerre civile. Il y avait des mines terrestres, j'ai pris des risques, mais nous avons semé et récolté avec un bon rendement. Je suis fier de dire maintenant que je suis propriétaire de cette terre. Mes silos sont remplis avec de la nourriture issue de la dernière technologie – GM [génétiquement modifiée] – qui est sûre et de bonne qualité. »
Musi a d'abord entendu parler des OGM quand il menait une activité secondaire consistant à louer un tracteur Massey Ferguson qu'il avait acheté à d'autres petits agriculteurs. Dans le cadre de ce service, il aidait les agriculteurs à préparer leurs champs et faire leurs semis.
« L'un des agriculteurs est venu me voir pour dire qu'elle avait rencontré des scientifiques d'Africa Bio qui avaient un maïs résistant à des parasites », a-t-il rappelé. « Elle l'appelait "maïs biotechnologique" ; je voulais en savoir plus parce que c'était nouveau à mes yeux et je pensais que nous étions dans la nouvelle Afrique du Sud et que maintenant nous avions de nouvelles variétés. Je voulais voir avec toute mon expérience, plus de 40 ans d'expérience dans la production de céréales. Je voulais voir ce que nous avions, maintenant que nous étions nos propres patrons, maintenant que nous possédions la terre. Et j'ai tellement questionné les scientifiques qu'ils ont fini par me demander de les rejoindre. »
Alors que Musi avait demandé des semences, les scientifiques lui ont plutôt proposé de mener un essai de culture de démonstration sur ses terres. Il a invité tous les agriculteurs dans un rayon de 80 kilomètres à assister à une journée de sensibilisation sur sa ferme et voir le nouveau maïs Bt résistant à des parasites.
« Et puis c'est là que tout a commencé », a-t-il dit. « Cela rendait l'agriculture plus facile et plus sûre – plus sûre dans la mesure où je ne pulvérisais pas de pesticides contre la pyrale, alors qu'avec les variétés conventionnelles, nous traitions jusqu'à quatre fois. Parfois, nous perdions la bataille avec les foreurs de tige, peut-être parce que que le maïs était trop grand pour que vous pussiez passer avec votre tracteur. Vous cassiez les tiges, et porter un pulvérisateur sur votre dos, avec tous ces vêtements de protection étanches, cela donnait très chaud. Ainsi, le maïs Bt est venu comme une solution de remplacement aux traitements. Et puis nous avons le maïs Roundup Ready. Maintenant, avec la combinaison des deux, je ne fais qu'un passage après la plantation. Je fais un passage pour le désherbage avec du glyphosate. Deux litres de glyphosate dans 200 litres d'eau suffisent pour désherber un hectare. »
En plus du gain de temps, la technologie des semences lui permet également de moins utiliser son tracteur, ce qui réduit les émissions de carbone dans l'environnement. Cela lui a également permis de pratiquer un mode de culture plus durable.
« En agriculture conventionnelle, je traitais mon champ à 100 pour cent pour essayer d'éliminer la pyrale », a-t-il rappelé. « Mais avec la technologie GM, j'ai appris à vivre avec la pyrale parce que c'en est une qu'on ne peut pas éliminer complètement. Avec la technologie GM, 20 % de mes semences sont conventionnelles pour ce ravageur et ne développent pas de résistance [grâce au Bt]. Ainsi, l'agriculture, c' est de l'interdépendance ; tous les organismes vivants ont droit à la vie. J'ai trouvé cette solution dans la technologie GM. »
Musi est tellement convaincu de la valeur des semences GM qu'il continue d'éduquer les agriculteurs et d'organiser des événements de sensibilisation. Il a également mobilisé les petits agriculteurs pour exiger la mise en circulation des semences tolérantes à la sécheresse à un prix bas et sans redevances.
Cependant, il est parfaitement conscient que les agriculteurs de la plupart des pays voisins n'ont pas accès à ces semences améliorées en raison des restrictions gouvernementales. Il parle souvent lors de conférences et de réunions où il explique aux agriculteurs comment la technologie l'a aidé à épargner et à gagner de l'argent, lui permettant d'envoyer un de ses fils à l'université.
En plantant du maïs GM, « nous avons eu de bons rendements, nous avons gagné de l'argent et, surtout, nous avons assez de nourriture à la maison », a-t-il dit.
Après avoir entendu sa présentation, les agriculteurs exigent généralement que leur propre gouvernement mène des essais de cultures transgéniques afin que les agriculteurs puissent juger le produit qui en résulte par eux-mêmes. Musi a attribué les restrictions sur les cultures GM dans d'autres pays africains à l'activisme « des riches, principalement des États-Unis et de l'Europe ».
« Il y a un dicton en Afrique qui dit que "lorsque deux éléphants se battent, l'herbe meurt". Et le continent [africain] est l'herbe qui meurt quand ces deux éléphants se battent », a-t-il dit. « Cela me fait beaucoup de peine de voir que les gens de mon continent n'ont pas accès à la technologie. Nous avons manqué, en tant que continent, le train de la Révolution Verte. Nous ne pouvons pas nous permettre de manquer celui de la révolution génétique. »
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Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/motlatsi-musi-farming-after-fall-apartheid