Générations Futures (et le biobusiness) : haro sur les pesticides... de synthèse
C'était il y a un mois : Générations Futures publiait – enfin façon de parler – un « rapport » promu en grande pompe sur son site par « Résidus de pesticides dans les fruits et les légumes en France : le rapport qui vous dit tout ! »
Un « rapport » évidemment bidon puisqu'il se contentait, en résumé, de vous annoncer le pourcentage des échantillons de tel ou tel fruit ou de tel ou tel légume dans lesquels la Direction Générale de la Répression des Fraudes (DGCCRF) avait quantifié des résidus de pesticides lors de ses analyses de routine.
Et un « rapport » médiatisé avec un rare cynisme (difficile d'alléguer l'incompétence...) comme le montre l'image ci-dessus. Non, il n'y a pas « 72,6 % de résidus de pesticides dans les fruits ».
Mais l'objectif était atteint : les copains – les complices en désinformation –, les naïfs, les cyniques et les suiveurs ont largement relayé, à commencer par Mme Audrey Garric du Monde et son « Le raisin et le céleri en tête des fruits et légumes les plus contaminés par les pesticides ». Mme Garric aura au moins eu la décence de rapporter les propos de deux spécialistes pour une mise en perspective (en service minimum toutefois) : pas de quoi s'inquiéter.
Mais on peut s'inquiéter légitimement de la déontologie journalistique : une dizaine de paragraphes pour détailler la foutaise, avec deux figures en plus... un paragraphe final pour nous annoncer que, tout compte fait, c'est de la foutaise.
Vous vouliez en savoir plus ? La page précitée de Générations Futures annonce dans un gros onglet : « Quels résultats ? Pour le savoir téléchargez notre rapport complets (sic) ici ». Clic... et nous voici sur une autre page qui vous demande de saisir votre adresse courriel...
Nous avions succombé à la tentation, malgré l'avertissement (en écriture dite inclusive pas vraiment maîtrisée) :
« ALERTE: vous êtes très très nombreux à vouloir récupérer le rapport. Ce qui explique que certain.e (sic) aient des difficultés au moment du téléchargement. Réessayez un peu plus tard ou envoyez nous un mail. »
Bien sûr, nous n'avons pas reçu le rapport...
Devrions-nous écrire que nous avons en revanche été surpris de recevoir un courriel « Nouveau plan pesticides : Agissez maintenant avec Générations Futures pour demander au gouvernement d'améliorer fortement sa propositon (sic) » ?
Il y a eu à notre sens constitution illégale d'un fichier nominatif !
Ces gens énoncent donc cinq « priorités ». Le texte est très similaire à celui qui figure sur cette page.
Attention les yeux (c'est nous qui graissons) :
« Priorité n°1
Interdire rapidement l’usage de tous les pesticides de synthèse dont les substances actives sont les plus préoccupantes pour la santé et l’environnement les cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques certains, probables ou possibles ainsi que perturbateurs endocriniens avérés ou suspectés. »
Pourquoi « de synthèse » seulement ? Mais c'est qu'il ne faut pas contrarier le biobusiness avec lequel Générations Futures entretient des relations à bénéfices mutuels !
Et visez l'ambition : cette longue tirade se résume à : « tout doit disparaître » ! Car « possibles » et « suspectés » signifient que, pour atteindre une cible, il suffit d'un charlatan militant pour bidonner une petite « étude » avec des cellules isolées baignant dans un liquide qu'elles détestent forcément.
Comment entraver l'agriculture qui nous nourrit, et ce au profit de celle qui nourrit le biobusiness ? Lequel biobusiness alimente Générations Futures...
« Priorité n°2
Mettre en place de (sic) mesures de protection immédiate (resic) des populations est prioritaire. Nous demandons donc la mise en place de zones sans traitement avec pesticides de synthèse dans les 100 mètres de toutes les propriétés à usage d’habitation afin de protéger la santé des plus sensibles et particulièrement de la femme enceinte (re-resic). »
En octobre 2016, les « ONG » réclamaient 50 mètres, ce qui faisait perdre à la France, selon une évaluation, 4 millions d'hectares et 7 milliards d'euros de productions agricoles d'un trait de plume. Mathématiquement, avec 100 mètres, c'est 16 millions d'hectares et 28 milliards d'euros... Une paille !
Plantez une maisonnette au milieu des vignes, et ce sont 3 hectares qui sont, au mieux, contraints de passer aux seuls traitements autorisés en bio. En attendant la prochaine campagne – pas de Générations Futures ou de ses satellites ni de ses généreux mécènes – contre le sulfate de cuivre qui tache et le soufre qui pique les yeux, voire plus.
Comme on ne plante pas encore la vigne en cercles, c'est en fait un carré de 4 hectares. Et si on donne au mot « propriétés » tout son sens...
Bien évidemment, le propriétaire de la maisonnette pourra continuer à déverser ce qu'il veut chez lui. Grâce à M. Joël Labbé et quelques autres, ses moyens de « polluer » ou « contaminer » seront considérablement limités, s'agissant des « pesticides » de synthèse... mais la gamme est encore large s'agissant des « biocides » (y compris des anti-poux pour gaminou et des anti-puces pour minou)...
Avec la priorité 3 nous entrons dans le domaine de la réglementation :
« Priorité n°3
La France doit s’engager à impulser une réforme totale de l’évaluation des pesticides en Europe notamment en exigeant que l’ensemble des études scientifiques disponibles et leurs conclusions soit (sic) prises en compte afin de mettre un terme à la situation actuelle scandaleuse dans laquelle ce sont les études fournies par les industriels qui servent de base à l’évaluation des pesticides ! »
Et dans le grossier mensonge, « l’ensemble des études scientifiques disponibles et leurs conclusions » est déjà pris en compte... à condition évidemment que les études et conclusions soient pertinentes. Condition exigeante... même le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), si déterminé à classer le glyphosate en cancérogène probable a éliminé des centaines de publications... y compris celles de l'illustre professeur.
Générations Futures aurait pu préciser qu'ils veulent aussi que l'on prenne en compte la science poubelle – sans que celle-soit discriminée par rapport à la vraie science.
La priorité n° 4 demande une augmentation « de manière considérable » des « budgets consacrés à la recherche sur des systèmes de cultures économes en intrant (sic), y compris à travers une recherche participative avec les agriculteurs les plus performants dans ce domaine ». Ouf ! Nous avons craint un instant que c'était une recherche participative avec les « ONG ».
Et, après tout ça :
« Priorité n°5
Atteindre et maintenir l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides d’Écophyto [...] »
Restera-t-il encore des pesticides pour arriver au niveau des 50 % avec les « priorités » de Générations Futures/du biobusiness ?
En fait, restera-t-il une agriculture ?
La « priorité n° 5 » se poursuit :
« […] d’Écophyto et associer la société civile à sa gouvernance ! »
Et, à votre avis, que signifie « société civile » dans ce contexte ?
À propos, il y a un « comité consultatif de gouvernance mentionné à l'article L. 213-4-1 du code de l'environnement ». Si nous avons bien compté, y siègent... 45 personnes... dont « deux représentants d'associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, sur proposition de l'association à laquelle ils appartiennent » et « deux représentants d'associations de défense des consommateurs agréées en application de l'article L. 411-1 du code de la consommation, sur proposition de l'association à laquelle ils appartiennent ».
Faites un petit effort, Générations Futures, et demandez que la gouvernance de la France tout entière soit assurée par la « société civile »... euh... les représentants autoproclamés de la « société civile ». Osez ! Écrivez : Générations Futures...
Générations Futures s'est aussi fendu.e (masculin si on considère que GF est un porte-voix du biobusiness, féminin si on se réfère à l'association/petite entreprise) d'une page « Plan pesticides: les ONG font des propositions nécessaires à l’amélioration de ce "nouveau" plan ». Ils auraient pu mettre « plan » dans leurs guillemets car ce serait hilarant s'il n'avait pas d'effet négatif sur notre agriculture, notre alimentation et notre économie.
En sous-titre :
« Des organisations*s’associent (sic) et transmettent aux ministres concernés leurs propositions d’amélioration du futur plan pesticides. »
L'astérisque, c'est pour la liste des signataires. Voici un extrait pour la priorité 3 (la numérotation est différente) :
« Priorité 3: Amplifier la recherche, développement d’alternatives et la mise en œuvre de ces solutions par les agriculteurs
Bien sûr, là aussi nous ne pouvons être qu’en accord avec cette priorité mais [...] »
Générations Futures commentateur d'une démarche est d'accord avec... Générations Futures co-signataire de la démarche... Ouf !
C'est peut-être mesquin comme remarque. Mais que penser, en revanche, de :
« Priorité 4: Renforcer le plan Ecophyto 2, améliorer sa gouvernance et son fonctionnement.
C’est le moins que l’on puisse faire quand on connait l’échec actuel du plan! Il faut impérativement que l’objectif de réduction de 50% d’Ecophyto soit rappelé à ce stade ainsi que son indicateur de référence national NODU car c’est sur ce socle ‘historique’ que l’on pourra renforcer le plan. »
Quand il faudra – Heaven forbid – se rabattre sur le cuivre et le soufre faute de produits de synthèse, le NODU (nombre de doses unités) ne pourra qu'augmenter sur vignes, pommes de terre et certains arbres fruitiers (il en sera de même des tonnages).
Mais ce seront des doses « bio »...
Résumons : Haro sur les « pesticides de synthèse », tous ou presque. Vive les pesticides pas de synthèse, ceux qui sont autorisés en « bio »... le cuivre toxique pour l'homme et très néfaste pour l'environnement ; vive les insecticides « naturels » qui flinguent tout, y compris les abeilles (et qui, comme dans le cas des pyréthrines, sont produites dans des pays en développement avec recours massif à des fongicides... de synthèse) ; vive l'azadirachtine et autres produits du margousier perturbateurs endocriniens...
Générations Futures (et bien d'autres) est sur le marché de la peur... la peur d'un cancer qui serait dû à des résidus de pesticides de synthèse. Pas à des résidus de pesticides « naturels »... le cancer qui serait issu de ces derniers serait « bio »... C'est quand même mieux, non ?