« E. coli, qu'est-ce que c'est ? », un document du ministère de l’agriculture à revoir au plus vite !
Albert Amgar*
« E.coli, qu'est-ce que c'est ? » est le titre d’un document diffusé le 13 mars 2018 par le ministère de l’agriculture. En sait-on plus après l’avoir lu ? Cela mérite quelques explications…
Bien entendu, on est loin, très loin de cet aphorisme de Jacques Monod de 1954, pour indiquer toute l’importance génétique du colibacille, « Tout ce qui est vrai pour Escherichia coli est vrai pour l'éléphant »…
Alors qu’en est-il avec ce document qui comprend plusieurs thématiques :
Qu’est-ce que c’est ?
Comment est-on infecté ?
Quels sont les risques d’être touché par le syndrome hémolytique et urémique ?
Quels sont les symptômes ?
Quelles sont les précautions à prendre pour l’éviter ?
Quels contrôles en France ?
À consulter
Ainsi si l’on prend le texte introductif, on lit :
« Les Escherichia coli sont une famille de bactéries, dont certaines sont naturellement présentes dans l’intestin de l’homme sans lui nuire et d’autres peuvent provoquer des infections. Ces infections, généralement sans gravité, peuvent parfois évoluer en syndrome hémolytique et urémique rare mais grave chez l’enfant. »
Il me semble que ce que rapporte l’Anses aurait beaucoup mieux convenu :
« La bactérie Escherichia coli (E. coli) est naturellement présente parmi la microflore digestive de l’Homme et des animaux à sang chaud. Certaines souches d’E. coli sont pathogènes parmi lesquelles les E. coli entérohémorragiques ou EHEC. Chez l’Homme, les EHEC sont responsables de troubles variés allant d’une diarrhée bénigne à des formes plus graves comme des diarrhées hémorragiques et/ou des atteintes rénales sévères appelées syndrome hémolytique et urémique principalement chez le jeune enfant. »
Sur « Comment est-on infecté ? » :
« L’ingestion d’Escherichia coli n’entraîne pas forcément une infection, cela dépend du type de bactérie et de la dose consommée. De plus, certains individus sont des porteurs sains, c’est-à-dire qu’ils portent les bactéries en eux sans développer de maladie. Les bactéries responsables de l’infection se trouvent dans l’intestin et les matières fécales des animaux ou des hommes : elles peuvent ainsi se retrouver dans l’environnement - terre, végétaux, eaux...- via les matières fécales, et dans l’intestin d’autres animaux se nourrissant d’aliments ou d’eau contaminés. La présence de ces bactéries indique une contamination fécale. Elles résistent au froid - survivent quelques jours dans le réfrigérateur - mais sont tuées par la chaleur. Ainsi les aliments crus sont les plus fréquemment contaminés : viandes (surtout celle de bœuf et celle hachée), fromages au lait cru, fruits et légumes mal lavés... »
Il aurait été très utile de signaler, selon l’Anses, les principaux aliments mis en cause :
« Les principaux aliments mis en cause lors d’épidémies d’infections à EHEC sont la viande hachée de bœuf insuffisamment cuite, les produits laitiers non pasteurisés, les végétaux crus (salade, jeunes pousses de radis blancs, graines germées) ou jus de fruits ou de légumes non pasteurisés, l’eau de boisson souillée. »
Citer les graines germées n’est pas anodin car, vous en souvenez peut-être, selon l’OMS :
« […] la flambée d’Escherichia coli entérohémorragique qu’a connue l’Allemagne en 2011 suite à la contamination de pousses de fenugrec, et pour laquelle des cas ont été notifiés dans 8 pays d’Europe et d’Amérique du nord, avec 53 décès à la clé. »
Concernant le volet « Quels sont les risques d’être touché par le syndrome hémolytique et urémique ? », il est indiqué :
« Le syndrome hémolytique et urémique est une maladie rare en France, avec 1256 cas en 13 ans depuis 1996, soit 1,4 par million d’habitant par an. Il touche particulièrement les jeunes enfants et surtout ceux de moins de 3 ans. Cependant, bien qu’il soit rare, il peut se révéler grave chez l’enfant, entrainant souvent une insuffisance rénale aiguë, des séquelles à long-terme, voire la mort. »
Les chiffres cités ne sont hélas pas exacts et en plus ils semblent dater !
L’InVS a publié des données épidémiologiques sur l’incidence annuelle du SHU par 100.000 chez des enfants de moins de 15 ans en France, de 1996 à 2016.
Il faudrait, me semble-t-il, indiquer ce qui suit :
« En 2016, 113 cas de SHU pédiatriques en France ont été notifiés. L’incidence annuelle du SHU pédiatrique était de 0,96 cas/100 000 personnes-années chez les enfants de moins de 15 ans. Depuis 1996, cette incidence annuelle varie entre 0,6 et 1,3 cas/100 000 personnes-années. »
Sur « Quelles sont les précautions à prendre pour l’éviter ? », la mention citée : « Les bactéries sont tuées par une chaleur de plus de 65°C », reste vague, pas de mention telle que « bien cuit à cœur » par exemple…
Je citerais ce que rapporte la fiche de description de danger biologique transmissible par les aliments de l’Anses à propos des E. coli entérohémorragiques (EHEC) :
« En France, la note d’information interministérielle DGAL/SDSSA/O2007-8001 du 13 février 2007 relative aux recommandations concernant la cuisson des steaks hachés dans le cadre de la prévention des infections à E. coli O157:H7 pour les professionnels de la restauration collective, recommande une cuisson avec une température à cœur de 65°C. Par ailleurs, une température à cœur plus élevée (70°C) est souvent recommandée afin de lutter non seulement contre les STEC [E. coli entérohémorragiques – aa] potentiellement pathogènes, mais aussi contre d’autres contaminations microbiennes. »
Qu’on se le dise, mais pour cela, il faudrait avoir recours à un thermomètre…, thermomètre qui ne fait hélas pas partie de l’éventail des recommandations de nos autorités…
Enfin la rubrique « À consulter » mentionne des références, mais malheureusement, la plupart des liens fournis sont HS :
« La brochure du Centre d’information sur les viandes (CIV), très accessible et pédagogique » ? Le lien ne fonctionne plus. Ce lien vers « Escherichia coli entérohémorragiques (EHEC) : Comment sommes-nous protégés ? », montre le document, mais il ne peut hélas être téléchargé ; un autre lien le fait très facilement, ici.
- Le lien vers l’Institut de Veille Sanitaire sur la prévention du SHU chez les enfants est correct.
- Le lien vers le Centre Européen de Prévention et de Contrôle des Maladies (ECDC) ? À ma connaissance, le lien cité est celui d’Eurosurveillance, journal médical, et non pas le site de l’ECDC sur E. coli, ici. À noter que les documents sont en langue anglaise.
- Le lien vers le Ministère de la Santé sur le SHU est correct mais pas le lien sur E. coli. Cela étant, à ma connaissance, il n’y a pas de page spécifique sur E. coli sur le site du Ministère de la Santé. Il existe cependant un site très général sur le risque infectieux d’origine alimentaire.
le lien vers le site de l'Anses sur E. coli est erroné, le bon lien est ici et concerne les E. coli entérohémorragiques ou EHEC et non pas E. coli en général.
Le document, comportant plusieurs maladresses et inexactitudes, serait à mon sens à revoir dans son intégralité… pour plus de sécurité alimentaire…
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* Albert Amgar a été pendant 21 ans le dirigeant d'une entreprise de services aux entreprises alimentaires ; il n'exerce plus aujourd'hui, car retraité, mais vous livre des informations dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité des aliments.