Le côté obscur de la sécurité des aliments en France : baisse constante des contrôles, guerre des polices sanitaires, fiasco des rappels, augmentation des maladies infectieuses d'origine alimentaire
Albert Amgar*
Eh oui, le ministère de l'agriculture et le ministère de l'économie devraient rendre des comptes, c'est bien le mot exact car le compte n'y est pas du tout en matière du nombre de contrôles en sécurité des aliments… jugez plutôt…, il paraît qu'il va y avoir une commission d'enquête sur la crise Lactalis et ses retombées...
On savait déjà que le précédent ministre de l'agriculture avait fait baisser les inspections en sécurité des aliments de 2012 à 2016 de 36 %, niveau historiquement bas, ;il devrait être passible de non-assistance à consommateur en danger… et dire qu'il se voit jouer un rôle dans son parti en lambeaux, les c..., ça osent tout...
Les maigres chiffres de 2016 concernant les 55.000 inspections en sécurité des aliments ont par ailleurs disparu de la Une du site internet du ministère de l'agriculture, cachons ce chiffre que l'on ne saurait voir...
Voici, ci-dessous, un nouvel exemple de cette baisse désormais systématique ; cela concerne 2017...
Le ministère de l'agriculture a communiqué sur les résultats de l'Opération Alimentation Vacances (OAV) 2017.
Communiquer un bien grand mot, c'est le minimum syndical qui nous est proposé, hélas…, le bilan de 2016 qui était tout aussi succinct est ici.
« L’Opération Alimentation Vacances (OAV) a conduit à 17.400 inspections (17.507 inspections en 2016) des services du ministère de l'agriculture dans toute la France ; 263 établissements ont fait l'objet de sanctions administratives et 244 procès-verbaux d'infractions pénales ont été dressés. »
Cela étant, car la baisse des contrôles se cache dans les détails, il y a eu 10 466 inspections en restauration commerciale et collective mais seulement 11 555 en 2016, selon mes calculs (cela correspond à 66 % du total des inspections de 2016 qui ont concerné les secteurs de la restauration collective et de la remise directe).
Le premier constat qui s'impose est encore une fois celui de la baisse du nombre d'inspections, globalement – 1.000 inspections environ en un an, c'est pas mal... pour une opération menée entre le 1er juin et le 15 septembre 2017 !
Le ministère de l'agriculture rapporte aussi que « Les résultats de ces contrôles sont rendus accessibles au public sur le site internet http://alimconfiance.gouv.fr/. »
Malheureusement cela n'est pas tout à fait exact, tout juste sait-on le nom, l'adresse, la date de l'inspection et le niveau d'hygiène sans plus de précision... on n'a donc pas les fameux résultats de ces contrôles ou alors c'est sous forme d'un logo smiley…, la transparence a des limites…
Pour la DGCCRF, même situation baissière semble-il, selon ce site.
L'affaire Lactalis a mis sur le devant de la scène les métiers d'inspecteur et de contrôleur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Pointés du doigt pour le retrait tardif de lots de laits infantiles potentiellement contaminés à la salmonelle, les agents du service d'État seraient débordés, selon les syndicats.
En cause : le manque d'enquêteurs sur le terrain, qui nuit au maintien de la veille sanitaire, alerte Johann Pascot, secrétaire général CFTC-DGCCRF. « Plus de 1.000 postes d'agents ont disparu en moins en 15 ans. Aujourd'hui, ils sont 2.800, qui ne sont pas tous enquêteurs. Certains départements sont exsangues : seuls 7 agents sont affectés en Mayenne », où se trouve l'usine de Lactalis qui a produit le lait contaminé.
C'est aussi sans oublier, la guerre des polices sanitaires selon un communiqué du syndicat des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV). Invraisemblable !
Bref rien de bien réjouissant, mais c'est sans compter sur le fiasco des rappels de produits alimentaires en France (la crise Lactalis n'en est qu'une illustration parmi d'autres) que le blog a sans cesse dénoncé depuis des années et le côté obscur de la sécurité des aliments est excellemment illustré dans ce document de l'InVS de janvier 2018, Estimation de la morbidité et de la mortalité liées aux infections d’origine alimentaire en France métropolitaine, 2008-2013.
Tout est lié mais mis à part cela, tout va bien !
Last but not the least, il me faut vous signaler l'infographie récente de l'InVS sur comment fonctionne une alerte alimentaire ? Les lecteurs intéressés pourront également lire une autre version bien différente sur le site du ministère de l'agriculture, Comment fonctionne le système d'alerte sanitaire en France ?
Bref, encore des impôts bien employés ...
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* Actuellement à l'étranger, M. Amgar n'a pas accès à son blog et m'a prié de publier ce billet. Après avoir été pendant 21 ans le dirigeant d'une entreprise de services aux entreprises alimentaires, il n'exerce plus aujourd'hui, car retraité, mais au travers de son blog (quand il s'y remettra...), vous livre des informations dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité des aliments.