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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

L'argent pour le développement va-t-il au développement ?

9 Février 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Activisme, #Afrique, #OGM, #Politique

L'argent pour le développement va-t-il au développement ?

 

 

 

 

« Better dead than GM fed »...

 

Vous souvenez-vous de « better dead than GM fed » ? Plutôt mort que nourri aux OGM !

 

C'était, avec un point d'interrogation superfétatoire, un article de The Economist du 19 septembre 2002 – 15 ans déjà ! Le journal reprochait en bref, et en chapô, aux Verts européens de « contribuer à maintenir les Africains affamés ». Le journal avait eu ce commentaire terrible :

 

« Les Africains ont deux motifs de se méfier de l'aide alimentaire GM : l'un stupide, l'autre légèrement moins. Le motif stupide est la suggestion que les aliments GM sont un danger pour la santé humaine. Les Américains ont dévoré du maïs et du soja GM depuis sept ans, sans dommages décelables. Et comparé au danger clair et immédiat posé par la malnutrition, la possibilité d'être empoisonné par Frankencorn semble plutôt lointaine.

 

Le motif plus sensé de se méfier des aliments génétiquement modifiés est qu'il y a des gens qui, n'étant pas en danger de famine, se font des soucis sur leur alimentation. On les appelle des Européens. Et leurs goûts importent énormément en Afrique parce que des pays comme la Zambie tirent une grande partie de leurs devises fortes des exportations agricoles vers les pays riches, de sorte que toute menace plausible à ce commerce doit être prise très au sérieux.

 

L'aide alimentaire génétiquement modifiée représente une telle menace, car si un paysan zambien devait semer des graines génétiquement modifiées à partir d'un envoi d'aide, celles-ci pourraient polliniser (ou, selon la terminologie de Greenpeace, "contaminer") les champs voisins. »

 

Nous avions repris la formule dans « "Better dead than GM fed" : on remet le couvert » en octobre 2011 sur le blog ami Imposteurs.

 

Dans les deux cas, c'étaient des situations particulièrement odieuses : des gens souffraient de la disette et de la famine – lire : mouraient de faim – et les écolotalibans s'opposaient à l'aide alimentaire susceptible d'être GM.

 

Les sites web des organisations militantes ont été expurgés, mais on trouve encore, par exemple, de M. Nnimo Bassey, alors porte-parole de Friends of the Earth (il en deviendra le président de 2008 à 2012) :

 

« C'est aux Africains de décider de ce qu'ils mangent, pas aux autres de décider pour eux. »

 

Pour rappel : on est dans une situation d'aide alimentaire d'urgence...

 

Force est de constater que la situation ne s'est pas beaucoup améliorée. Les polémiques sur l'aide alimentaire se sont estompées – les fournisseurs se sont faits pragmatiques – mais le néocolonialisme reste vigoureux et pollue les politiques de développement africaines.

 

Les grands organisations style Greenpeace et Friends of the Earth se sont aussi fait un peu plus discrètes. Mais elles ont leurs mercenaires locaux ; une multiplicité de petites « organisations » permet de flatter les ego des collabos et leur mise en réseaux confère à l'activisme une certaine force de frappe, tant pour la collecte de fonds auprès des organisations bien-pensantes du Nord que pour l'écho médiatique dans les pays africains.

 

 

Les politiques ne sont pas en reste

 

Nous nous sommes déjà insurgés sur ce site de l'activisme anti-OGM de M. Pascal Canfin, lorsqu'il était ministre délégué au développement auprès du ministre des affaires étrangères de 2012 à 2014. Grâce à une décision irresponsable adoptée en avril 2013 – dont il a l'audace de se dire fier – l'Agence Française de Développement (AFD) ne peut plus financer de projets impliquant des OGM. Voilà qui prive les africains (notamment) des bénéfices de la génétique moderne et qui, de plus, exclut la recherche-développement et une partie de l'industrie des semences et plants françaises du continent. M. Canfin est maintenant le directeur général du WWF France... il n'y a pas de « portes tournantes » chez les écolos !

 

Le Parlement Européen est un autre haut lieu de la charge contre le développement... au nom d'une vision du développement qui voit l'avenir, notamment des pays africains, dans le rétroviseur. L'opposition aux technologies et à l'économie modernes s'exprime tant dans le cadre du Parlement Européen (voir notamment ici, ici, ici, ici et ici) que de celui de l'Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE (ACP : l'organisation qui regroupe les pays de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique liés par un accord de coopération avec l'Europe – anciennement Accord de Lomé, maintenant de Cotonou).

 

 

Le cas emblématique de l'Ouganda

 

Les actions passées

 

Mais il est un problème probablement plus insidieux : notre argent censé aller au développement – qui sort de nos poches pour aller dans un premier temps vers les caisses de l'État ou de l'Union Européenne (nos impôts) ou vers des organisations en principe à but charitable (nos dons, souvent défiscalisées) – finance une galaxie d'« organisations non gouvernementales » qui œuvrent nominalement pour le développement et dans la réalité pour l'entretien et la promotion de leur fond de commerce fondé sur la peur et le refus de la technologie liée à l'agriculture.

 

À l'inverse des machins étatiques, les « ONG » disposent de complicités et surtout de relais dans les médias et maîtrisent bien les outils des réseaux dits « sociaux ». Leur capacité de nuisance est effrayante. Dernier exemple en date : l'Ouganda.

 

Le 4 octobre 2017, le Parlement ougandais a adopté le National Biosafety Act of 2017 – la loi nationale sur la biosécurité de 2017 – après cinq années de tergiversations. Tergiversations évidemment alimentées par la désinformation – souvent éhontée – des activistes anti-OGM locaux et européens (style : les OGM rendent impuissants).

 

Ainsi, en mars 2015, la section locale d'ActionAid, financée par la maison-mère britannique, n'avait pas hésité à diffuser les images scélérates de rats de Séralini et al. en affirmant que les OGM provoquaient le cancer. M. Fredrick Kawooya, le directeur de la politique et des campagnes d'ActionAid Uganda, avait déclaré au journal The Independent, en bref, que la fin justifiait les moyens :

 

« Dans notre communication, nous utilisons le message le plus simple que nous pouvons communiquer aux agriculteurs pour qu'ils comprennent le risque. »

 

 

Une fois de plus, la photo scélérate d'un rat de...

 

 

Action Aid UK a dû répondre à ce qu'ils ont pudiquement appelé des « préoccupations de la presse ». Un monument d'hypocrisie ! Non, ils ne sont pas contre les OGM... mais ils ne sont pas pour, allumant les contre-feux des brevets, des semences des agriculteurs et des monocultures. Pour conclure :

 

« Nous promouvons une évolution vers une agriculture axée sur les femmes et les petites exploitations, non fondée sur les OGM, climato-résiliente et durable. »

 

ActionAid Uganda a aussi publié une rétractation du style : « nous avons été pris le doigt dans le pot de confiture mais, entre-temps, nous l'avons bien léché. »

 

Nous avions dénoncé ces agissements ici, en donnant la parole à M. Isaac Ongu.

 

 

Qui a payé ? : " A cette première édition, sur l’initiative du Collectif Citoyen pour l’Agro écologie, des citoyennes et citoyens du Bénin ( JINUKUN, la Coalition Veille OGM ), du Togo, du Niger, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, de la Guinée Conakry et du Mali, dans un élan de solidarité , se sont joints à leurs frères & sœurs du Burkina Faso, la cause étant commune : débarrasser l’agriculture et la biodiversité africaines des OGM et des pesticides. Le Burkina Faso parce que c’était le seul pays de l’Afrique de l’Ouest à se lancer dans le plus grand secret depuis 2001 dans la production du coton transgénique."

 

 

Le dernier « coup »

 

La Parlement a donc – enfin – adopté la Loi sur la Biosécurité. Mais, par un incroyable retournement de situation, le Président Yoweri Museveni – qui fut favorable à l'adoption de la loi et à l'adoption des plantes génétiquement modifiées (rappelons que c'est la seule solution réaliste face à des ravageurs dans le cas, par exemple, du bananier et du manioc) – a refusé, le 21 décembre 2017, de signer la loi et l'a renvoyée au Parlement avec une longue liste de demandes de réexamen.

 

Cette liste, à l'évidence, est un catalogue des objections de la mouvance anti-OGM, dont on se demande comment elle a pu influencer – à ce point – le président.

 

(Source)

 

 

Une réunion fort opportune à Entebbe

 

Est-ce un hasard que l'Alliance pour la Souveraineté Alimentaire en Afrique (AFSA) a organisé du 13 au 15 décembre 2017 une réunion avec des représentants de 10 États pour promouvoir la souveraineté alimentaire à Entebbe ?

 

Avec « AFSA Engages 10 African Countries on Food Sovereignty » (l'AFSA interpelle 10 pays africains sur la souveraineté alimentaire), l'organisation a eu un écho au Nigeria. Le journal Leadership – qui se dit le plus influent du pays (et ouvre aussi ses colonnes aux promoteurs du développement agricole et technologique) a longuement donné la parole à Mme Bridget Mugambe, coordinatrice de programmes de l'AFSA. Voici ce que cela donne (en application d'un principe de traduction poliment exprimé par : « garbage in, garbage out ») :

 

« Nous ne pouvons pas dire que l'Afrique a atteint la souveraineté alimentaire, mais nous sommes inquiets parce que nous passons d'un point où nous avons notre nourriture et pouvons la produire à notre manière à un point où cela est influencé pour changer et s'adapter aux formats industriels, c'est-à-dire inquiets au sujet d'une production avec peu ou pas de considération pour les types de nourriture que nous produisons ou les méthodes que nous utilisons.

 

[…] Les nouvelles façons ne tiennent pas compte des producteurs d'aliments, y compris des petits agriculteurs, des pêcheurs, des chasseurs, des cueilleurs, des chasseurs, de sorte que l'Afrique a atteint un point où elle semble plutôt revenir d'où nous devrions aller »

 

[Les défis] sont assez large et se manifestent dans les politiques qui sont actuellement introduites en Afrique. Ces politiques sont en faveur de l'agriculture industrielle et éliminent les petits agriculteurs.

 

Nous examinons donc les politiques et les cadres comme le G8, maintenant G7, la Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire, qui cherche à obtenir plus de terres pour produire des cultures et faire de l'agriculture commerciale et ce sont de gros agriculteurs, nous examinons l'harmonisation du commerce des semences pour assurer l'uniformité afin d'assurer la même production et le même produit, nous examinons les accaparements de terres et les choses qui concernent les pasteurs, les forêts, entre autres, parce que les communautés sont vraiment affectées.

 

[…] Déjà les petits agriculteurs nourrissent déjà la population, notant que 70 % de la nourriture consommée par les Africains est produite par de petits agriculteurs.

 

[…] Il ne s'agit pas de la quantité de nourriture, mais d'autres problèmes dans l'agriculture, tels que la distribution, la promotion de la nourriture locale et les problèmes de ravageurs et de maladies que la recherche gouvernementale n'appuie pas mais vient plutôt avec de la recherche promouvant les semences nouvelles et hybrides. »

 

 

 

 

Qui est l'AFSA ?

 

Peut-on appeler cela une vision ? Sémantiquement oui... mais c'est vraiment le refus de voir la réalité d'aujourd'hui et encore plus les composantes essentielles de la marche vers l'avenir.

 

L’AFSA dit être :

 

« […] une large alliance de différents acteurs de la société civile qui font partie de la lutte pour la souveraineté alimentaire et l’agroécologie en Afrique. Il s’agit notamment des organisations d’agriculteurs africains, des réseaux africains d’ONG, des ONG africaines spécialisées, des mouvements de consommateurs en Afrique, des organisations internationales qui soutiennent la position de l’AFSA et les individus. Ses membres représentent les petits agriculteurs, les éleveurs, les chasseurs / cueilleurs, les peuples autochtones; Des institutions fondées sur la foi et des écologistes de toute l’Afrique. C’est un réseau de réseaux et compte actuellement 30 membres actifs. »

 

Le site web est bien construit et se présente en français et en anglais, ce qui témoigne d'une certaine aisance, sinon d'une aisance certaine. Aucune information – évidemment – sur les finances et les sources de revenus.

 

Mais... Un des membres est Friends of the Earth Africa. C'est évidemment une succursale de Friends of the Earth International qui a annoncé 2,1 millions d'euros de revenus en 2015, dont 1,6 millions de donateurs, dont près de 340.000 euros de l'Union Européenne (660.000 en 2014, dont 190.000 « passés à d'autres ») et 4.000 euros des Amis de la Terre France. Pour son budget pour 2016, FoE annonce des subventions du ministère des affaires étrangères des Pays-Bas pour la modique somme de 1,7 millions d'euros, plus 100.000 euros de la loterie postale néerlandaise.

 

 

La présidente actuelle de l'AFSA est Mme Mariann Bassey Orovwuje, directrice de Environmental Rights Action/Friends of the Earth Nigeria (ERA/FoEN) et Coordinatrice de la Campagne de Souveraineté Alimentaire de l’Afrique des Amis de la Terre.

 

Parmi les membres de l'AFSA, on trouve la Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN) qui dit :

 

« La Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN) est un mouvement associatif citoyen regroupant des organisations de la société civile de l’espace Ouest-Africain, notamment les huit pays de l’UEMOA, plus la Guinée. Elle compte à ce jour comme membres, environ deux cents organisations de base dont des organisations paysannes, des organisations syndicales, des associations de consommateurs et des mouvements de défense des droits de l’homme.

 

La COPAGEN est née en 2004, à Grand-Bassam (Côte d’Ivoire), en vue de contribuer à la promotion des droits des communautés sur les ressources génétiques dans un contexte où ils sont victimes de divers fléaux tels que les OGM, la bio piraterie et l’accaparement des terres. »

 

Par ailleurs,

 

« La coalition rêve d’une Afrique où ses ressources génétiques et foncières gérées durablement sont co-propriétés de l’Etat et des communautés locales et sont mises au service de tous pour le bien des générations actuelles et futures. »

 

Aucune information financière, cela va de soi... Mais parmi les « partenaires », il y a SwissAid et Le CCFD-Terre Solidaire. Et ce dernier, c'était en 2016 un budget total de 42 millions d'euros, dont 21 millions allant aux « appuis aux partenaires ».

 

Combien pour empêcher l'évolution et la révolution génétiques en Afrique ?

 

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