Une interdiction mondiale des herbicides à base de glyphosate causerait des dommages considérables à l'économie et à l'environnement, selon une étude
Graham Brookes*
Un nouvel article publié dans la revue GM Crops and Food rapporte des augmentations significatives des émissions de carbone et un impact négatif sur l'environnement lié aux pratiques de lutte contre les mauvaises herbes si les agriculteurs du monde entier cessaient de semer des plantes tolérantes au glyphosate. Une diminution de la production de produits agricoles importants, des prix plus élevés et des revenus agricoles plus faibles en seraient également la conséquence.
Graham Brookes, de l'entreprise britannique PG Economics Ltd [et auteur du présent article], et Farzad Taheripour et Wally Tyner, de Purdue University, ont examiné les impacts des restrictions éventuelles sur l'utilisation du glyphosate qui empêcheraient le monde de semer des plantes génétiquement modifiées pour tolérer l'herbicide (PGM HT). Ils ont examiné cela de deux points de vue : celui des impacts cumulés au « premier tour », au niveau de la ferme, fondés sur « l'élimination » des avantages associés à l'utilisation répandue des OGM HT (tolérant au glyphosate) ; et celui des conséquences globales pour l'économie, basées sur l'incorporation des données sur les impacts au niveau des exploitations dans un modèle d'équilibre général calculable (MEG) GTAP-BIO (un modèle économique fréquemment utilisé pour examiner les impacts économiques et environnementaux des sujets énergie-agriculture-environnement-commerce) qui analyse l'utilisation des terres, les émissions et les impacts économiques.
En 2015, les surfaces mondiales cultivées avec des PGM HT s'élevaient à 147,9 millions d'hectares (365,47 millions d'acres), soit 200 fois plus que le niveau de 1996 (0,7 million d'hectares). Le nombre de pays ayant adopté des plantes biotechnologiques HT a également augmenté, passant de trois en 1996 à treize en 2015, les États-Unis étant les premiers utilisateurs de cette technologie dans la production végétale avec 43 % des emblavements en 2015. Il s'agit principalement de soja, de maïs, de cotonnier et de colza/canola, et les PGM HT représentaient 41 % des emblavements mondiaux de ces quatre cultures en 2015.
Le glyphosate est largement utilisé dans l'agriculture pour lutter contre les mauvaises herbes dans de nombreux pays et pour une large gamme de cultures/utilisations ; c'est aussi un élément clé du système de production qui utilise la technologie de culture GM HT. La technologie GM HT permet de désherber en cours de culture avec l'herbicide glyphosate.
Les impacts potentiels au « premier tour » de la cessation de l'utilisation de PGM HT tolérant le glyphosate
Les impacts au « premier tour » résulteraient de la perte des avantages associés à l'adoption de PGM tolérantes à un herbicide (au glyphosate). Plus précisément :
Une perte annuelle de revenu agricole mondial de 6,76 milliards de dollars ;
Des réductions de la production mondiale de soja, de maïs et de colza/canola atteignant respectivement 18,6 millions de tonnes, 3,1 millions de tonnes et 1,44 million de tonnes ;
Une perte environnementale annuelle associée à une augmentation nette de l'utilisation d'herbicides de 8,2 millions de kg de matières actives herbicides (+ 1,7 %) et un impact environnemental négatif net plus important, mesuré par l'indicateur de l'impact environnemental (EIQ) de 12,4 % ;
Des émissions de carbone supplémentaires découlant de l'augmentation de la consommation de carburant et de la réduction de la séquestration du carbone dans le sol, soit l'équivalent de l'ajout de 11,77 millions de voitures sur les routes.
La production mondiale de soja et de colza/canola diminuerait respectivement de 3,7 % et de 0,7 %, partiellement compensée par l'augmentation de la production d'autres oléagineux (notamment du palmier à huile). Ces changements diffèrent des impacts du « premier tour » au niveau des exploitations car la cessation de la culture de PGM influe sur les prix relatifs des cultures et affecte la production des deux cultures, celle qui utilisait la technologie GM HT et celle utilisant des méthodes de production conventionnelles.
Les prix mondiaux de toutes les céréales, des graines oléagineuses et du sucre devraient augmenter, en particulier pour le soja (+ 5,4 %) et le colza/canola (+ 2 %). La perte de la technologie GM HT réduirait le bien-être mondial de 7,408 milliards de dollars par année. Les grands perdants sont la Chine (– 2,1 milliards de dollars), les États-Unis (– 1,9 milliard de dollars) et l'UE (– 0,9 milliard de dollars). Les pertes en Chine et dans l'UE reflètent leur forte dépendance vis-à-vis des importations et les termes de l'échange moins favorables résultant de la hausse des prix mondiaux. Les pertes de bien-être aux États-Unis reflètent en grande partie les pertes d'efficacité de la production associées au fait de ne plus utiliser la technologie GM HT.
Des changements dans l'utilisation des terres se produiraient, avec une superficie cultivée supplémentaire de 762.000 hectares, dont 167.000 hectares de déforestation. Ces changements d'utilisation des terres sont susceptibles d'entraîner la production de 234.000 millions de kg d'émissions de dioxyde de carbone, ce qui équivaut aux émissions dues à la production de 29,5 milliards de litres d'éthanol de maïs aux États-Unis.
___________
* Graham Brookes est économiste agricole à la société britannique PG Economics Ltd.
Lire l'étude complète : The contribution of glyphosate to agriculture and potential impact of restrictions on use at the global level (la contribution du glyphosate à l'agriculture et l'impact potentiel des restrictions sur son utilisation au niveau mondial).