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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Protéger les vignobles des ravageurs et réduire l'utilisation des pesticides : la réponse de la génétique et de CRISPR

6 Janvier 2018 , Rédigé par Seppi

Protéger les vignobles des ravageurs et réduire l'utilisation des pesticides : la réponse de la génétique et de CRISPR

Andrew Porterfield*

 

 

 

Les viticulteurs font face à beaucoup d'ennemis naturels. La sécheresse, les excès de pluie, les insectes et les champignons sont des problèmes communs pour la production de raisins de cuve ou de table. Et la demande des consommateurs en matière de goût peut également mettre au défi une cave par ailleurs économiquement saine.

 

De nombreux vignerons se sont tournés vers les pesticides, dont le sulfate de cuivre, un fongicide approuvé par l'agriculture biologique. Mais avec le sulfate de cuivre, les viticulteurs tant biologiques que conventionnels sont confrontés à des problèmes persistants, comme la résistance. Pour certains viticulteurs et chercheurs, la génétique peut apporter une solution aux problèmes de ravageurs. Et la nouvelle technique CRISPR/Cas9 s'est révélée prometteuse (au moins au laboratoire) contre le mildiou, une maladie particulièrement nuisible.

 

L'oïdium est un champignon qui peut attaquer les baies mûres, infecter les bourgeons et déposer un pelage blanc sur les feuilles de vigne. Lorsque suffisamment de feuilles sont tombées, la plante ne peut plus produire suffisamment de sucre pour produire des raisins de qualité vinicole. Et, comme l'a souligné la journaliste Brooke Borel dans son article pour NOVA, on trouve l'oïdium partout sur la Terre où on cultive la vigne.

 

Le sulfate de cuivre a été un des moyens de garder le mildiou à distance, mais les plantes ont commencé à montrer une résistance et il y a eu des problèmes impliquant la persistance du cuivre élémentaire dans le sol. Des articles antérieurs du Genetic Literacy Project et d'autres sources ont présenté des exploitations en bio en France et aux États-Unis qui ont abandonné leur certification biologique en raison de préoccupations au sujet de l'accumulation du cuivre dans le sol.

 

 

Feuilles atteintes par l'oïdium

Le laboratoire de Rong Di à l'Université Rutgers, dans le New Jersey, est un endroit où on a examiné le potentiel de CRISPR. L'État Jardin est le septième plus grand producteur de vin des États-Unis et compte trois zones de culture enregistrées, dont deux totalisent plus d'un million d'hectares. Le sol est bon, le climat est humide (l'American Viticultural Area, qui est la désignation officielle d'une région viticole, qualifie le New Jersey de «s ubtropical »), ce qui est également parfait pour l'oïdium.

 

Le laboratoire de Di a isolé trois gènes de la vigne qui semblent permettre aux spores du mildiou de se fixer et de commencer à attaquer les raisins, en particulier le chardonnay. CRISPR, qui est une abréviation de Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats (courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées), permet d'éditer et de modifier avec précision les zones où un gène peut exister. Cette technique pourrait permettre d'exciser ou de réduire au silence des gènes qui facilitent la fixation et l'attaque de l'oïdium. Si cela fonctionne sur le terrain, cela pourrait signifier que les producteurs n'auront plus besoin d'utiliser du sulfate de cuivre ou une foule d'autres fongicides.

 

Que cela soit acceptable pour les consommateurs et les œnophiles est une autre question. Il y a beaucoup de cépages de cuve autres que le chardonnay qui peuvent résister à des champignons et à d'autres ravageurs. Mais presque aucun n'est utilisés pour la production de vin, en raison des perceptions du public, en particulier parce que les gens préfèrent le goût d'un cépage connu. Ironiquement, le chardonnay est le produit du vénéré pinot et d'un type très impopulaire appelé gouais blanc, et on aurait du mal à surprendre un expert du vin en train de boire le vin produit avec ce dernier.

 

D'autres avenues génétiques sont en cours d'exploration :

 

  • Au laboratoire d'Andy Walker à l'Université de Californie à Davis, des chercheurs étudient la possibilité de développer des cépages de cuve résistants à la maladie de Pierce, une infection mortelle causée par la bactérie Xylella fastidiosa (qui pose également des problèmes aux oliviers) et propagée par des cicadelles. Ici, ils utilisent les croisements traditionnels et la sélection assistée par des marqueurs pour combiner des vignes avec une certaine résistance avec d'autres produisant peut-être un meilleur vin. Une espèce du nord du Mexique, Vitis arizonica, tient sa résistance à la maladie de Pierce d'un gène dominant, ce qui facilite la sélection à l'aide de marqueurs et permet d'obtenir des fleurs et des fruits en deux ans.

     

  • Marc Fuchs**, chercheur à l'Université Cornell, tente d'utiliser la modification génétique pour développer des cépages résistants au virus du court-noué de la vigne, qui est propagé par un nématode, endommage les feuilles et les tiges et empêche le développement des grappes. Ce virus n'a pas pu être combattu par d'autres méthodes ; Fuchs envisage d'utiliser l'ARNi (ARN interférent) pour créer une nouvelle résistance au virus.

 

 

Beaucoup de cépages et de souches de mildious compliquent le travail de la génétique

 

Le travail de Fuchs illustre un problème qui se pose également avec le mildiou. Il existe de nombreuses souches de mildiou et de court-noué, ce qui rend la résistance spécifique difficile (il faut s'assurer que votre nouveau cépage et vos nouveaux gènes résistent à toutes).

 

Un autre problème est qu'il n'est pas certain que la suppression de certains gènes de susceptibilité ou l'insertion d'autres gènes n'ait pas d'effet sur le goût. C'est que l'arôme et le goût des vins proviennent de nombreuses sources, et pas nécessairement de protéines (et ne sont donc pas déterminés génétiquement). Environ 50 composés volatils contribuent aux odeurs dans le vin, y compris l'hexanal, l'alcool phényléthylique, le gaïacol et la vanilline. Les vignerons recherchent le bon équilibre de ces substances chimiques pendant la maturation, quand les raisins mûrissent et que le volume de composés sucrés commence à augmenter. Quand le bon point est atteint ne relève pas de la science exacte.

 

Et, comme l'a montré cette étude menée par le scientifique de l'Université Cornell Edward Buckler, il existe une énorme variété de raisins de cuve. En raison de leur complexité chimique et génétique, les cépages de cuve sont des candidats difficiles pour les approches de modification génétique. Et tandis que les banques de gènes recèlent des milliers de cépages de cuve, il en est peu qui sont utilisées en raison des préférences des clients, des experts et de l'industrie. Il est tout à fait possible qu'un nouveau cépage résistant aux maladies ait le bon goût de naître de la même manière que le bon vieux chardonnay – par un croisement entre le bon et le mauvais. Santé !

 

_____________

 

* Andrew Porterfield est un auteur, éditeur et consultant en communication pour des institutions universitaires, des entreprises et des organismes sans but lucratif du domaine des sciences de la vie. Biographie. Suivez-le @AMPorterfield sur Twitter.

 

Source : https://geneticliteracyproject.org/2017/12/15/search-protect-vineyards-pests-reduce-pesticide-use-crispr-answer/

 

** M. Marc Fuchs fut chercheur à l'INRA de Colmar. Ses vignes ayant été détruites par deux fois par des « faucheurs volontaires », il s'est expatrié aux États-Unis.

 

Les vignes de Colmar vandalisées. Le court-noué, un "faux problème" ? Pathétique !

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R
Article intéressant quoique approximatif (pas de résistance du mildiou au cuivre par exemple, le pb avec le Cu est son accumulation dans les sols et le fait qu'il ne soit ni pénétrant ni à fortiori systémique )mais qui pose les bonnes questions .Il est certain que si CRISPR pouvait modifier les cépages dans le sens de la résistance aux 2 principales maladies de la vigne on aurait une manière élégante de résoudre la question des produits phytos et celle de la règlementation des AOP ou autres...
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Le texte de départ n'était pas terrible par ses confusions entre le mildiou (downy mildew) et l'oïdium (powdery mildew). J'ai fait au mieux car c'est la deuxième partie qui est intéressante.<br /> <br /> Oui, les méthodes génétiques modernes pourraient... Ce sont les seules à permettre une transformation ponctuelle comme une résistance à une maladie tout en sauvegardant les génotypes, ici les cépages.<br /> <br /> Mais ne rêvons pas, tout au moins s'agissant de la France et de ses pesanteurs sociologiques et politiques.<br />