Interdiction du glyphosate : la France pourrait remplacer l'herbicide bien testé par l'acide pélargonique et d'autres produits chimiques « naturels » plus toxiques
Josh Bloom*
Le président français Emmanuel Macron a déclaré qu'il interdira l'herbicide américain glyphosate dans les trois ans, et plus tôt si un remplacement est prêt. L'Italie a déclaré faire de même. Les activistes ont dit que le remplaçant est déjà disponible, et il a été utilisé en France depuis 1863 – un acide gras appelé acide pélargonique (ou nonanoïque, à cause des neuf atomes de carbone). Chimiquement, c'est assez proche d'un savon. Cela a-t-il un sens sur le plan toxicologique ? Est-ce un autre cas de « naturel = sûr ? » Ou y a-t-il autre chose qui se passe ? Jetons un coup d'œil aux propriétés toxicologiques et environnementales des deux produits chimiques.
Un moyen rapide d'avoir une idée approximative de la toxicité d'un produit chimique est la National Fire Prevention Association (NFPA – association nationale de prévention du feu) qui maintient une énorme base de données de dizaines de milliers de produits chimiques. C'est toujours un bon endroit pour commencer. Une base de données de prévention des incendies ? Oui, parce que les premiers intervenants doivent savoir, sur le plan pratique, ce qu'ils doivent faire en cas d'incendie ou de déversement de produits chimiques, pas des perturbateurs endocriniens ou d'autre non-sens de parties par milliard. Elle classe les produits chimiques en fonction de la toxicité, de l'inflammabilité et de la réactivité avec l'eau. Les produits chimiques sont classés en cinq catégories de toxicité, de zéro à quatre. Dans les catégories zéro et un, il y a des choses comme le sel, l'eau et le bicarbonate de soude. Inoffensifs.
Les dangers du groupe 2, dans lequel figurent nos deux produits, sont un peu plus graves.
« Une exposition intense ou continue peut entraîner une incapacité temporaire ou une atteinte résiduelle possible à moins que des soins médicaux immédiats ne soient dispensés. » – Définition NFPA d'un produit toxique du groupe 2.
Ce groupe comprend l'éther, le benzaldéhyde (huile d'amande), l'acide butyrique (dans le beurre rance) et l'hydroquinone (agent de blanchiment de la peau). Comme pour le vinaigre, vous ne voudriez pas en boire un verre, mais ils ne risquent pas de faire de mal sérieux en cas d'exposition normale.
L'acide pélargonique et le glyphosate sont tous deux considérés comme des produits chimiques du groupe 2 pour les problèmes aigus, mais il y a plus dans la toxicité globale que ce que vous dit un losange ; alors regardons les données de toxicité pour les animaux. Un paramètre important est appelé la DL50 : c'est la dose à laquelle la moitié des animaux d'un essai mourront. Les données sur la dose létale de l'acide pélargonique et du glyphosate chez les animaux sont intéressantes... parce qu'elles sont toutes deux sans intérêt. Aucun des deux composés n'a de toxicité aiguë appréciable.
Toxicité relative du glyphosate et de l'acide pélargonique (mg de substance/kg de poids corporel).
En comparaison, les valeurs de la DL50 chez les rats de l'aspirine, de la caféine et de l'alcool sont respectivement d'environ 200, 192 et 7000 mg/kg p.c. [rappel : plus la valeur est faible, plus la substance est toxique]. La caféine et l'aspirine sont significativement plus toxiques que les deux herbicides. L'alcool est de toxicité similaire.
Donc, ni le glyphosate ni l'acide pélargonique n'a de toxicité aiguë inquiétante dans les modèles animaux. Mais qu'en est-il des histoires effrayantes que les écologistes racontent au sujet du glyphosate ? Ignorez l'hystérie ! C'est l'un des produits chimiques les plus étudiés de tous les temps car c'est, parmi les produits chimiques, l'un des meilleurs diables à peindre sur la muraille pour les activistes environnementaux. Il y a certes de nombreuses méthodes pour déterminer la toxicité, la cancérogénicité, etc., mais il ne provoque pas de cancer, même si le CIRC affirme qu'il le fait probablement, alors que ses propres patrons aux Nations Unies se sont moqués de son travail bâclé et dicté par une cause. (Voir « Glyphosate-Gate: IARC's Scientific Fraud » (Glyphosate-Gate : la fraude scientifique du CIRC », l'exposé de mon collègue Alex Berezow sur le glyphosate ici.)
Les deux produits chimiques sont si peu toxiques qu'il serait impossible d'en absorber suffisamment pour vous faire du mal, à moins que vous n'essayiez vraiment, vraiment.
Aucun des deux produits chimiques ne présente un grand risque pour l'environnement. Selon l'évaluation des risques des l'herbicides du Marin Municipal Water District (le fournisseur d'eau du comté de Marin en Californie) :
« Le glyphosate pose [...] un faible risque pour les espèces aquatiques » (Chapitre 3, Glyphosate)
L'acide pélargonique présente un faible risque pour la faune aquatique et terrestre. (Chapitre 7, Acide pélargonique)
Bien que l'importance de la toxicité de l'acide pélargonique et du glyphosate à l'égard de divers poissons varie d'une espèce à l'autre, il est important de noter que, à ces faibles concentrations, aucun n'est nocif. Les deux produits sont approuvés pour l'agriculture et même pour la consommation humaine aux concentrations trouvées dans l'eau potable :
« Le glyphosate présente le moins de risques pour les travailleurs et le grand public »
« L'acide pélargonique présente peu de risques pour les travailleurs [et] le grand public... »
Pourtant, vous ne saurez jamais rien de tout cela en écoutant certains activistes, des activistes qui déclarent que le glyphosate est nocif et que l'acide pélargonique est sûr, même s'ils sont toxicologiquement similaires. Le Muséum d'Histoire Naturelle de Cleveland affirme que « [l] 'acide gras le plus commun, l'acide pélargonique, est considéré comme très peu toxique, et écologique », tout en déclarant que le glyphosate est une cause de cancer...
« En ce qui concerne les dépenses, le coût matériel des herbicides de remplacement était plus élevé que celui des herbicides conventionnels, parfois considérablement plus élevé. La nécessité d'applications répétées des herbicides de substitution augmente encore les coûts de leur utilisation. »
Source : « Herbicide Alternatives Research », Département des sciences des plantes, du sol et des insectes de l'Université du Massachusetts.
Des alternatives comme l'acide pélargonique coûtent plus cher. Combien en plus ? Beaucoup, selon le Département des Transports de l'État de New York :
« Scythe (57,0 % d'acide pélargonique) a été mélangé avec de l'eau à 10,0 % en volume pour traiter les glissières de sécurité sur toute la section de 8 milles de la route 80, du milieu de la matinée au milieu de l'après-midi du 22 juillet 2014 [...] La superficie totale à traiter était de 0,6 hectare [...] Le coût du traitement a été de 1.954 $ pour le seul produit. »
Comparez cela à :
« En comparaison, le coût estimatif des produits utilisés pour le traitement conventionnel de la même zone à l'aide de l'herbicide Accord XRT II (glyphosate synthétique comme matière active) aurait été de 18,24 $ au total. »
Même s'ils sont à peu près de la même toxicité, l'acide pélargonique nécessite beaucoup plus de produits chimiques, ce qui signifie plus de ruissellement, ce à quoi la plupart des écologistes devraient s'opposer. L'acide pélargonique ne tue que les parties vertes de la plante avec laquelle il entre en contact, de sorte que la plupart des plantes traitées peuvent récupérer parce que les racines restent intactes. Le glyphosate et les produits comme le 2,4-D sont plus efficaces avec beaucoup moins d'applications, ils vont aux racines pour tuer les plantes plus grosses et les mauvaises herbes vivaces.
Y a-t-il « quelque chose » à propos des politiques française et italienne qui a du sens ici ? Aucun des deux herbicides n'a de toxicité appréciable pour les mammifères, ce qui est bien, mais l'acide pélargonique « organique » coûte 100 fois plus et il est moins efficace sur les mauvaises herbes.
Si vous êtes un agriculteur en France, vous n'aurez peut-être pas d'autre choix que de l'utiliser, mais si vous êtes ailleurs et décidez de passer à l'acide pélargonique simplement parce que c'est « naturel », vous devriez réfléchir à deux fois. Au lieu de produire de la nourriture, vous finiriez peut-être par la vendre. Chez McDonalds.
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* Josh Bloom est directeur principal des sciences chimiques et pharmaceutiques à l'American Council on Science and Health. Il a un doctorat en chimie organique de l'Université de Virginie et une formation postdoctorale de l'Université de Pennsylvanie. Suivez-le sur Twitter @JoshBloomACSH
Cet article a été publié à l'origine sur le site de l'American Council on Science and Health (Conseil américain pour la science et la santé) sous le titre « Les Miserable Chemists: Will The French Replace Glyphosate With Something 'Worse?' » (les misérables chimistes : les Français remplaceront-ils le glyphosate par quelque chose de pire ?).