CIRC-gate : le CIRC ne devrait-il pas arrêter de mentir ?
Risk-monger*
La Commission des Sciences, de l'Espace et de la Technologie de la Chambre des Représentants des États-Unis entend enquêter sur l'affaire du classement du glyphosate en « cancérogène probable » par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Jusqu'à ce jour, les échanges ont été tendus. Nous nous sommes fait l'écho de la dernière missive/du dernier missile de la Commission, du 8 décembre 2017, dans « Glyphosate et CIRC : le coup de semonce du Congrès états-unien ».
M. Christopher Wild, Directeur du CIRC vient de répondre par une lettre en date du 11 janvier 2018 que nous reproduisons ci-dessous.
M. David Zaruk, alias Risk-monger, a fait une analyse de cette étonnante lettre. En voici la traduction, avec nos commentaires et compléments.
Le directeur sortant du CIRC, Christopher Wild [ma note : son mandat expire en fin d'année], a refusé d'assister à l'audition de la Commission des Sciences de la Chambre des Représentants des États-Unis d'Amérique sur le scandale du CIRC-gate. Prenant une posture d'arrogance jamais vue auparavant dans les agences onusiennes, Wild rabroue le plus grand bailleur de fonds du CIRC. Pour aggraver les choses, il y a quelques jours (le 11 janvier 2018), Wild a écrit une lettre malheureusement peu diplomatique aux dirigeants du Congrès américain dans un langage laconique, insultant, dénigrant et factuellement incorrect. Alors que le CIRC est à la recherche d'un nouveau directeur pour prendre la barre d'une agence sombrant dans un naufrage moral, Wild semble déterminé à transformer le bateau en épave avant de le quitter.
Comme les législateurs américains seront sûrement troublés par un tel manque de décorum malvenu (et, selon les normes actuellement en vigueur à Washington DC, c'est peu dire !), le Risk-monger a jugé bon de répondre aux déclarations scandaleuses, aux fourberies et à la désinformation de Chris Wild. La lecture de la lettre haineuse de Wild à l'Amérique permettra, espérons-le, de faire la lumière sur l'horrible destin du CIRC. Elle met en lumière six modes différents par lesquels Chris Wild, dans sa lettre, a menti au Congrès américain.
Le choix astucieux des mots révèle ici beaucoup plus sur ce que le CIRC essaie de ne pas admettre que sur ce qu'il ne savait pas. Dire que le CIRC n'est pas au courant de l'association de Portier avec des cabinets d'avocats au moment de la réunion du groupe de travail sur la monographie du glyphosate ne vaut pas grand-chose. Après tout, tout le monde sait que Portier avait signé – dans la semaine qui a suivi la publication des premières conclusions de la Monographie 112 – un contrat très lucratif en tant que consultant en contentieux pour deux cabinets d'avocats prédateurs poursuivant Monsanto.
[Ma note : notre ami David a – étonnamment – raté une partie de la cible ici. Dans sa déposition, Chris Portier a admis qu'il travaillait déjà pour le Cabinet Lundy avant mars 2015. Il se fait évidemment tirer les vers du nez quand il dit « peut-être depuis deux mois »... un éventuel mensonge devenant grâce à cette formulation le fruit d'une mémoire défaillante.
Compte tenu de l'écho médiatique qu'ont eu les « Monsanto Papers », il est invraisemblable que Wild puisse écrire « is not aware », alors que le passé, « was not aware », aurait pu être factuellement correct (en supposant que Portier ait caché ses liens d'affaires à ses amis du CIRC).
M. Portier a aussi admis que le sujet pour lequel il travaillait déjà pour le cabinet Lundy avait aussi trait à un agent classé par le CIRC. Nous pensons qu'il s'agit des champs électromagnétiques de radiofréquences, classés en « peut‐être cancérogènes pour l’homme (Groupe 2B) » grâce à quelques contorsions fortement critiquées en leur temps. M. Portier était un membre du groupe de travail correspondant et le président du sous-groupe des mécanismes. Fin de note]
Ce que Chris Wild néglige de reconnaître, c'est que Kate Guyton, l'auteur principal de la monographie du glyphosate du CIRC, a été en contact régulier avec Portier dans les deux années qui ont suivi, et ce, notamment, afin de discréditer l'EFSA. Les Portier Papers révèlent des courriels par lesquels Guyton a relayé des campagnes d'attaques menées pour son compte par des militants anti-OGM enragés comme Clare Robinson de GMWatch ; celle-ci fait partie, semble-t-il, d'un réseau de communications autour de la meneuse de la campagne anti-glyphosate du CIRC. Les Portier Papers montrent également que Guyton alignait des interviews pour Portier et elle-même avec des journalistes anti-pesticides comme Stéphane Foucart du Monde (pour un article anti-EFSA).
Il me paraît incroyable que Guyton n'ait pas été au courant de l'arrangement fort lucratif de Portier avec les cabinets d'avocats américains prédateurs étant donné la quantité de travail qu'elle a coordonné sur le calendrier de campagne de ce scientifique activiste.
Portier s'est auto-proclamé soldat du CIRC se battant héroïquement dans les tranchées pour défendre tout ce que l'agence visait à réaliser en tant qu'« agents du changement » [ma note : ceci n'est pas une citation, mais un condensé de sa déclaration].
Je crois que c'est ce sur quoi les membres du Congrès des États-Unis aimeraient en savoir davantage, et de telles tactiques de diversion pour éviter de s'expliquer ont des relents de mensonge.
Les déclarations de Wild sur le conflit d'intérêts de Portier ne correspondent pas à ce qui s'est réellement passé. Dans la liste originale des participants au groupe de travail sur la monographie 112, Portier figurait seulement sous ses affiliations au gouvernement américain (en tant que « retraité »). Au début de la réunion, Portier a reconnu qu'il travaillait pour l'ONG américaine Environmental Defense Fund (c'est la raison pour laquelle ce fait a été ajouté dans une note de bas de page dans la version finale). D'autres membres du groupe avaient des conflits d'intérêts, mais ils sont restés en tant que membres à part entière du groupe de travail du CIRC.
Ce qui est intéressant ici, c'est que le CIRC était parfaitement au courant du fait que Portier travaillait pour le groupe américain anti-pesticides, et qu'il a néanmoins choisi de ne pas en faire l'affiliation principale de Portier dans sa liste des participants. Je ne peux que supposer que cela émane du parti pris anti-industrie qui a détruit la crédibilité de l'agence – ils ont peut-être pensé que seules les affiliations à l'industrie étaient des conflits d'intérêts. Si vous preniez l'argent d'une ONG essayant d'effrayer faussement les gens avec, disons, un bracelet qui détecte des produits chimiques dans l'environnement, vous étiez supposé faire le travail de Dieu.
Et d'ailleurs, comme le dit Wild, ce n'était qu'un travail à mi-temps avec l'ONG, donc c'était seulement un peu un conflit d'intérêt (et puis, tant qu'à y être, peut-être aussi juste un conflit apparent, et donc pas « réel »). Donc, je suppose que c'était juste un petit mensonge.
Ce directeur n'aurait-il pas déjà dû vider son bureau ?
Mettre une virgule avant un « and was recognized » est du mauvais anglais, mais c'est peut-être pour créer délibérément une erreur de sens. Les observateurs avaient accès aux documents et pouvaient écouter les discussions ; mais seuls les membres du groupe de travail et le spécialiste invité pouvaient prendre la parole. Je peux comprendre que des gens qui ne parlent pas l'anglais comme première langue puissent faire une telle erreur et la suggestion dans cette lettre que Portier, comme les observateurs, ne pouvait pas être impliqué dans les discussions est simplement une mauvaise grammaire et certainement pas un mensonge éhonté.
Ce que Wild voulait dire, j'en suis sûr, était que la seule chose que le spécialiste invité (Portier) ne pouvait pas faire lors des réunions du groupe de travail était de voter sur la décision finale de savoir si le glyphosate était effectivement cancérigène et à quel niveau. Rétrospectivement, ce fut probablement une bonne chose étant donné que Portier avait admis dans sa déposition qu'avant d'assister à la réunion de la monographie du glyphosate, il n'avait jamais travaillé sur cette substance.
[Ma note : David ne semble pas avoir saisi que ce paragraphe de M. Wild ne fait aucun sens. L'enchaînement des deux premières phrases laisse entendre qu'au sein du groupe de travail, il y avait un « groupe de travail qui était responsable des examens critiques et des évaluations ». Ce n'est pas le cas. Il est dit que « M. Portier n'était pas un membre du groupe de travail [fantôme] ». Bien sûr qu'il n'était pas un « membre », puisqu'il était un « spécialiste invité » ! Que comprendra le lecteur de cette phrase, à la lumière de la précédente ? Peut-être bien qu'il n'était pas admis dans la salle...
La lettre de Chris Wild se réfère au préambule des monographies dans des notes de bas de page. Il y a des situations, notamment en droit et dans les relations diplomatiques, où le bon sens commande de se référer au texte applicable plutôt que de les paraphraser. Ce texte est reproduit ci-dessous. Une analyse comparative laisse supposer une tentative de minimiser le rôle qu'a joué – ou qu'aurait pu jouer – M. Portier.
Quelles « connaissances et expérience uniques » M. Portier a-t-il pu apporter aux travaux ? À l'évidence des recommandations quant aux méthodes statistiques à utiliser et des évaluations statistiques.
J'ajouterai au vu de ma longue expérience en la matière que quand le texte venant d'un rédacteur compétent (ou se devant d'être compétent au vu de l'enjeu) n'est pas clair, et surtout mal rédigé, c'est qu'il y a un loup.
Au final, ce n'est certes pas un mensonge éhonté, mais bien une tentative de tromperie. Fin de la note]
Que personne n'ait remarqué un comportement déplacé de Portier pendant la réunion ne devrait pas être surprenant – il était parmi ses amis à cette réunion. Moins d'un an plus tard, en janvier 2016, Portier a été rejoint par des membres du Groupe de travail sur le glyphosate du CIRC – Francesco Forastiere, Ivan I. Rusyn et Hans Kromhout – pour une réunion privée avec le commissaire européen Andriukaitis pour faire pression contre la position de l'EFSA. Comment le transport de ces scientifiques a-t-il été financé et qui a organisé cette réunion infructueuse ? C'est un mystère que Kate emportera probablement dans sa tombe.
[Ma note : Cette réunion n'a pas été infructueuse ! On a ainsi appris – grâce au Corporate Europe Observatory – que Chris Portier n'était pas seul, mais accompagné de trois membres du groupe de travail du CIRC. Et on peut se rendre compte de la pauvreté des arguments de ces gens.
Par exemple, l'un d'eux affirme que les experts des États membres participant à des processus européens pourraient être affligés d'un biais parce qu'ils participent aussi à des processus nationaux. Cela ne serait pas acceptable pour le CIRC. Vraiment ? Le CIRC avait pourtant enrôlé des membres des agences états-unienne et californienne de l'environnement... Mieux encore, un des membres du quarteron de lobbyiste, M. Francesco Forastiere travaille pour le Service Régional de la Santé de la Région du Latium... Fin de la note]
La défense de Wild du rôle de Portier en tant que président du groupe consultatif indépendant qui a recommandé le programme de monographies du CIRC [ma note : 7-9 avril 2014] est l'endroit où la puanteur de cette petite lettre misérable m'a incité à ouvrir une fenêtre (en janvier...). Ce que Wild a omis de dire, c'est que le président de ce panel indépendant venait juste de terminer un séjour de six mois au CIRC sous la direction de Kurt Straif (responsable du programme des monographies du CIRC) et que trois jours plus tard, il a accédé à la présidence d'un panel indépendant. Je suppose qu'ils ont économisé un billet d'avion pour le bon docteur !
Pourquoi le CIRC n'a-t-il pas utilisé les affiliations correctes dans le groupe consultatif ?
Et quelle était l'affiliation de Portier en tant que président de ce groupe consultatif « indépendant » [voir l'image ci-contre] ? Pendant ses six mois au CIRC, tout le monde connaissait Chris comme ce statisticien de l'EDF, mais lorsque le rapport du groupe consultatif a été publié, l'affiliation de Portier a retrouvé une fois de plus ses anciens titres de gloire. Si j'étais le directeur de l'EDF, je serais un peu contrarié par le manque de respect que l'ONG a reçu pour compensation de tout ce qu'elle payait à ce mercenaire. Si j'étais le bon docteur, je signerais aussi, parfois, en tant qu'employé du CIRC. Si j'étais le directeur du CIRC, j'aurais vraiment honte de tout ce scandale et viderais immédiatement mon bureau !
Le dernier point de ce paragraphe ouvre une autre boîte de vers malodorants. Au cours des mois qui ont suivi la publication du programme quinquennal de monographies, le glyphosate a été ajouté à une monographie de quatre insecticides : le tétrachlorvinphos, le parathion, le malathion et le diazinon. Selon les Portier Papers, il n'y avait aucune justification crédible pour cette addition tardive. Donc, un herbicide a été ajouté, juste comme ça, à un groupe de travail de monographie d'une classe différente de pesticides. Le CIRC n'aurait-il pas pu attendre une monographie ultérieure ? Pourquoi cette précipitation ?
[Ma note : J'ai un doute... mais il ne profite pas au CIRC. Le glyphosate était-il sur la liste de la monographie 112 dès le départ – comme le suggère par exemple ce document – ou a-t-il été ajouté plus tard au prix d'un bidouillage de la documentation ?
Mais s'il figurait déjà au programme en mars 2014, pourquoi a-t-il été considéré du point de vue de sa priorité par le groupe de travail qui s'est réuni en avril 2014 ? Comment peut-on croire que personne n'a signalé dans ce groupe de travail que les travaux avaient déjà été initiés, comme pour le diazinon et le malathion ?
Notons qu'en mars 2014, Chris Portier était au CIRC... Il est vraiment difficile de croire qu'un mois après, Chris Portier, Kurt Straif et Kate Guyton auraient oublié que la procédure d'évaluation du glyphosate – et aussi du diazinon et du malathion – avait été mise en route. Fin de la note]
Qui prend des décisions comme ça ? Soit des fonctionnaires pauvres d'esprit, soit des gens déterminés qui ont un objectif ou veulent en découdre. Dans le cas du CIRC, probablement un mélange des deux !
Kate Guyton a peut-être été mise devant le fait accompli de l'ajout du glyphosate à la dernière minute à la liste des substances de la monographie 112 et n'a pas eu assez de temps pour trouver suffisamment de documentation pour contribuer au matériel préparatoire du groupe de travail d'avril 2014.
La lettre de Wild devient maintenant très insultante.
Je trouve amusant que Christopher Wild fasse la leçon aux membres de la Commmission des Sciences, de l'Espace et de la Technologie du Congrès américain sur la façon dont la recherche de l'Étude de la Santé en Milieu Agricole (Agricultural Health Study – AHS) est menée et tente ensuite de diminuer l'importance des données qu'elle a produites (seulement deux États ?). Wild croit-il que ces gens sont vraiment aussi ignorants ? En tant que Canadien qui se promène dans les centres de décision à Bruxelles et qui est souvent considéré comme étant Américain du fait de son accent, je peux témoigner du fait que certains Britanniques haut placés ont tendance à être condescendants intellectuellement envers les Américains. Ceci est révélateur de l'arrogance rampante au cœur du CIRC qui a incité ces fonctionnaires surpayés à prendre le risque de perdre les financements du plus grand contributeur. Chris, je te suggère fortement d'écrire une nouvelle lettre dans laquelle tu t'excuseras pour ton ton indigne – honte à toi !
[Ma note : Je ne partage pas cet avis. Pour avoir été dans le système, en plus avec des activités syndicales, je peux témoigner du fait que les fonctionnaires des Nations Unies et des organisations du système ne sont pas surpayés ; la rémunération des professionnels (des cadres) est équivalente à celle des fonctionnaires états-uniens de même niveau avec une « marge » de 15 % en moyenne pour tenir compte de l'expatriation ; c'est bien moins que ce que touchent les fonctionnaires états-uniens expatriés.
Quant à Chris Wild, une explication bien plus simple est le fait qu'il défend une décision et n'hésite pas à se livrer à une escalade d'engagement. Il ne faut pas oublier que Kate Guyton, la fonctionnaire de l'Agence qui est en première ligne, est états-unienne, et que sur les 16 membres du groupe de travail, sept étaient états-uniens. Fin de la note]
Ce Wild est bien mal informé dans sa tentative de faire la leçon en agitant le doigt, et cela me fournit une autre étude de cas pour mon cours magistral sur la manière d'éviter de tomber dans le piège de « l'arrogance de l'ignorance ». Les données de l'AHS utilisées par le CIRC, que le directeur sortant dénigre avec suffisance, proviennent de publications beaucoup plus anciennes et ne sont plus significatives. Ce que le président du groupe de travail sur la monographie 112 (sur le glyphosate), Aaron Blair, a déclaré lors de sa déposition sous serment est cependant très significatif. Blair a déclaré que si le CIRC avait examiné les données AHS plus récentes dont il disposait au moment de la réunion du Groupe de travail sur le glyphosate, le résultat de la décision du CIRC sur le glyphosate aurait été différent. Blair était l'un des principaux scientifiques qui ont contribué à l'étude AHS.
Wild admet que les informations de l'AHS contredisent les conclusions de son groupe de travail sur le glyphosate... et alors... et alors... ? Chris,... si tu as besoin d'aide, c'est le point dans ta lettre où tu dois « cracher le morceau » et assumer tes responsabilités.
OK, j'ai oublié. Au CIRC, tout le reste du monde a tort.
Un leader devrait être capable d'analyser une situation, savoir quand des décisions difficiles doivent être prises et ensuite avoir le courage de les prendre. Le CIRC rouvre – disent les textes – les monographies lorsque des données importantes rendent un réexamen des conclusions précédentes nécessaire. Dans le cas présent, il y a des données irréfutables de l'AHS, et en plus les révélations d'une conduite inappropriée du personnel du CIRC, les preuves évidentes (et l'indignation) de la communauté scientifique, les abus des ONG activistes qui ont instrumentalisé les conclusions de l'évaluation du danger du CIRC pour s'attaquer à la science sous-tendant la réglementation, à l'industrie et à la confiance du public dans l'agriculture et la chaîne alimentaire... N'est-il pas temps pour un leader de prendre de la hauteur, de rétracter la monographie 112 et de rouvrir la recherche avec des experts plus objectifs ?
La question est de savoir si Chris Wild du CIRC a le courage de diriger ou si nous devons attendre que son successeur fasse le ménage.
[Ma note : David n'a pas reproduit et commenté la suite du deuxième paragraphe cité ci-dessus.
Il faut une extraordinaire dose d'inconscience et de mauvaise foi pour affirmer qu'il est « inapproprié de spéculer sur la question de savoir comment les nouvelles données [issues de l'AHS] d'une seule étude pourraient changer cette opinion » du Groupe de Travail. Spéculer, certes non, mais les associer aux – quelques – études antérieures prises en compte pour en tirer une nouvelle évaluation – la même conclusion, mais assise sur des preuves plus larges, ou une conclusion différente – est le propre d'une démarche scientifique et aussi, en l'occurrence, politique responsable.
Par cette seule phrase, M. Wild signale son parti pris et son jusqu'au-boutisme. Fin de la note]
Cette lettre mensongère emploie un autre moyen de tromper : les faux-fuyants.
Les faux-fuyants pourraient être astucieux, certainement rusés, mais, désolé, Chris, cela reste un mensonge. Aaron Blair a déclaré que les données récentes de l'AHS auraient influencé la décision du CIRC sur le glyphosate. Ce que tu mets dans ta lettre est différent. « Tout ce qui a été montré par les avocats de Monsanto » ne fait pas référence aux données de l'AHS. Cette question a été posée par l'avocat des plaignants (principalement au profit des activistes des ONG qui dirigent la campagne de relations publiques contre le glyphosate) pour tenter de réparer les dommages de la révélation de faits qu'un scientifique, sous serment, a été forcé d'admettre. Lis la sanglante déposition de Blair, Chris, et nous en reparlerons !
Donc, Chris, tu accuses les membres du Congrès américain d'être sélectifs, mais ta propre méthodologie astucieuse dans l'utilisation de la langue anglaise a été pire que sélective, c'était trompeur (c'est-à-dire, mensonger). Ce que ton habile stratagème essaie de vendre, eh bien, pour ma part, je ne l'achète pas.
Les cinq paragraphes suivants de la lettre de Chris Wild témoignent d'un effort bizarre de montrer que les autres agences gardent l'information confidentielle (avec l'habituelle pique du CIRC contre ces « cochons de Parme ») ; et on en arrive au point principal qu'il essaie de marquer : n'essayez pas d'accéder à nos documents internes et à nos courriels (surtout pas ceux de Kate) !
Donc, après avoir brutalement insulté le Congrès américain et les contribuables qui ont élus les Représentants, après avoir ignoré leur demande qu'il se présentes devant le Congrès dans le cadre d'une audition et après avoir trouvé toutes sortes de moyens de mentir à ces législateurs, Chris décide de conclure en disant qu'il « serait reconnaissant » si les « autorités appropriées » des États-Unis (apparemment pas celles de la Commission des Sciences, de l'Espace et de la Technologie) n'exigeaient pas la transparence ou tentaient d'avoir accès aux documents et courriels confidentiels du CIRC. Il souhaite garder « l'immunité ».
SERAIT RECONNAISSANT ? ? ? Es-tu sérieux Chris ? Tu as oublié de dire : « et vous feriez bien d'obtempérer ! »
Dr Wild, vous êtes assis sur ce qui est peut-être le plus grand scandale qui ait affecté une agence des Nations Unies, et plutôt que de livrer les bouffonneries de vos fonctionnaires à l'examen, vous continuez dans une vaine tentative de dissimulation et d'invocation suppliante de l'immunité. Je ne parle pas seulement des déplorables dérapages de Kate Guyton (dont le fil de courriels ruinerait probablement l'agence) ou des activités douteuses de Kurt Straif dans ce nid d'activisme maléfique connu sous le nom de Ramazzini.
Chris, il est temps de faire face aux faits : c'est fini ! Magne-toi pour aller à Washington, baisse la tête de honte, ouvre tes dossiers et permets aux gens qui ont un certain sens des responsabilités de commencer à reconstruire l'agence dont tu as déshonoré le nom. Sinon, tu seras connu comme le dernier directeur du CIRC.
L'orgueil, ici, est scandaleux. Le paragraphe final de cette lettre indique que ce petit sanctuaire détaché du monde réel à Lyon se considère sérieusement comme un noble bastion de la diplomatie internationale, de l'héroïsme du casque bleu et de la recherche de classe mondiale. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ils se pavanent au CIRC en se gonflant d'importance, citant leurs héros et distribuant des médailles d'honneur comme si Charles de Gaulle errait toujours dans les couloirs. En réalité, ils y a là un méli-mélo de scientifiques militants de second ordre qui fournissent des évaluations des dangers mal conçues qu'ils utilisent ensuite pour saper la science qui sous-tend la réglementation. Réveille-toi, Chris ! Au mieux, le travail de ton agence devrait continuer à être poliment ignoré ; au pire, elle devrait être fermée.
[Ma note : Ce paragraphe final de la lettre de M. Wild me semble être une ouverture : tout compte fait, le CIRC est disposé à s'expliquer. Mais que c'est mal maladroit dans le contexte d'un bras de fer dans lequel on n'a pas l'avantage !
« ...Sans préjudice de la volonté du CIRC de faciliter votre examen en répondant volontairement aux demandes d'informations raisonnables et justifiées reçues d'autorités appropriées, le CIRC serait reconnaissant à la Commission des Sciences de la Chambre de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que l'immunité de l'Organisation, de ses fonctionnaires et experts, ainsi que l'inviolabilité de ses archives et documents, soient pleinement respectées. »
Il faut toujours veiller aux interprétations a contrario. Évoquer des « demandes d'informations raisonnables et justifiées », c'est suggérer qu'il y en aurait qui ne le seraient pas, que les interlocuteurs ne seraient pas raisonnables... Du reste, qui sont ces interlocuteurs ? Les « ...autorités appropriées... » ne peuvent pas, selon le contexte, être les membres de la Commission des Sciences ! Quant à la demande de garanties, c'est sous-entendre que la Commission des Sciences pourrait ne pas respecter les textes en vigueur. C'est non seulement insultant, mais aussi un aveu de faiblesse. Fin de la note]
Cette lettre, envoyée le 11 janvier 2018, est un tournant dans la dépravation morale. Elle montre les nombreuses manières différentes de mentir. En moins de quatre courtes pages, le CIRC, sous la signature de son directeur, a illustré six manières différentes de ne pas dire la vérité : la diversion, la désinformation, la tromperie, la fausse déclaration, les faux-fuyants et la dernière forme de mensonge : l' omission.
Une dernière observation à propos de ta lettre, Chris. Tu n'as pas abordé le plus grand scandale soulevé dans la lettre du Congrès : le CIRC a édité des parties de la monographie du glyphosate après la clôture des travaux du groupe de travail afin de rendre les conclusions sur le glyphosate plus « cancérigènes ». Sûrement, Chris, tu dois avoir une riposte condescendante pour remettre ces stupides Américains à leur place. Ou ta seule réponse est-elle « le CIRC serait reconnaissant » s'ils cessaient d'exiger la transparence et l'examen et permettaient au CIRC de vaquer à ses petites affaires comme d'habitude ? Tu as omis, dans ta lettre, toute discussion sur l'accusation selon laquelle la monographie 112 du CIRC sur le glyphosate manque d'intégrité académique.
Voici ce que je soupçonne de la partie la plus nauséabonde du CIRC-gate : il y a des documents internes du CIRC qui expliquent les raisons pour lesquelles certaines conclusions ou preuves ont été supprimées dans la monographie sur le glyphosate. Ils ne sont probablement pas scientifiques puisque la plus grande partie de la monographie du glyphosate n'a pas cette vertu. Certaines des modifications étaient statistiques, ce qui suggère que le bon Dr Portier était probablement impliqué (et il a négligemment laissé une trace par des courriels).
Prouve-moi que mes soupçons sont faux, Chris. Publie tous les courriels de Kate Guyton et de Kurt Straif. Justifie le message de 2016 de Guyton et son insistance pour que les membres du groupe de travail du CIRC ne se conforment aux pas aux demandes FOIA des États-Unis, et explique-moi que ce n'était pas une obstruction.
Cette demande de confidentialité ne protège pas les membres des groupes de travail du CIRC (comme tu as tenté de l'expliquer de manière fort confuse) ; tu protèges les employés du CIRC qui ont probablement enfreint les normes d'intégrité académique.
Le CIRC doit être transparent.
Le CIRC doit être responsable.
Le CIRC doit être respectueux envers ses États membres.
Le CIRC doit enfin être clair et honnête.
La chose étrange est que j'étais à Washington le mois dernier et j'ai eu beaucoup de cafés et de discussions sur tout ce qui se passe au CIRC. Mon conseil à tout moment a été que je pensais que les États-Unis ne devraient pas se retirer du CIRC ou lui couper les vivres, mais essayer de réformer l'agence de l'intérieur (avec une « coalition du rationnel » trouvée parmi les 25 États membres du CIRC).
Mais quand on assiste à une telle dépravation morale, un tel mensonge balbutié et un tel bouillonnement d'écume sur les rives du Rhône, il se peut que mon conseil donné sur les rives du Potomac doive être tempéré. Peut-être que le CIRC a perdu toute légitimité pour continuer à exister.
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* David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur la page Facebook de Risk-Monger.
Source : https://risk-monger.com/2018/01/15/iarcgate-shouldnt-iarc-stop-lying/