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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Quand le monde et le Monde font leur miel du miel « contaminé »

7 Décembre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #Abeilles, #Activisme, #Article scientifique

Quand le monde et le Monde font leur miel du miel « contaminé »

 

 

Le 5 octobre 2017 (date sur la toile), le Monde de M. Stéphane Foucart publiait avec gourmandise « Les trois quarts des miels du monde sont contaminés par des néonicotinoïdes ». Voilà une mauvaise nouvelle pour « la Planète » qui ne pouvait qu'être une bonne nouvelle pour les prêcheurs de l'apocalypse. Une nouvelle qui a eu beaucoup de succès dans les médias et sur les réseaux sociaux.

 

À vrai dire, la nouvelle n'était pas tellement mauvaise. Selon le chapô :

 

« Les concentrations de produits présenteraient un faible risque pour l’homme, mais sont susceptibles de provoquer des troubles pour les insectes. »

 

Un conditionnel qui n'est pas vraiment de prudence comme c'est souvent le cas : les concentrations sont en effet mesurables et peuvent être confrontées aux limites maximales de résidus. Mais un conditionnel apte à générer le doute et, surtout, l'inquiétude. S'agissant des insectes, on a bien une formule de prudence.

 

L'introduction est un pur bijou :

 

« Parfois surnommés "tueurs d’abeilles" pour le rôle déterminant qu’ils jouent dans le déclin d’Apis mellifera, les insecticides néonicotinoïdes – ou "néonics"... »

 

Mais non, M. Foucart, ils sont invariablement surnommés « tueurs d'abeilles », surtout par vous et vos collègues du Monde Planète !

 

Enfin... il s'agit d'une dissertation fondée sur « A worldwide survey of neonicotinoids in honey » (une étude mondiale des néonicotinoïdes dans le miel) de E. A. D. Mitchell, B. Mulhauser, M. Mulot, A. Mutabazi, G. Glauser et A. Aebi (texte complet ici). En voici le résumé :

 

« Des preuves croissantes du déclin mondial des pollinisateurs suscitent des préoccupations quant à la conservation de la biodiversité et le maintien des services écosystémiques. Les pesticides néonicotinoïdes ont été identifiés ou suspectés comme un facteur clé responsable de ce déclin. Nous avons évalué l'exposition globale des pollinisateurs aux néonicotinoïdes en analysant 198 échantillons de miel provenant du monde entier. Nous avons trouvé au moins un des cinq composés testés (acétamipride, clothianidine, imidaclopride, thiaclopride et thiaméthoxame) dans 75% de tous les échantillons, 45% des échantillons contenaient deux ou plus de ces composés, et 10% en contenaient quatre ou cinq. Nos résultats confirment l'exposition des abeilles aux néonicotinoïdes dans leur alimentation à travers le monde. La coexistence de néonicotinoïdes et d'autres pesticides peut accroître les dommages causés aux pollinisateurs. Cependant, les concentrations détectées sont inférieures au niveau maximal de résidus autorisé pour la consommation humaine (moyenne ± erreur-type pour les échantillons positifs: 1,8 ± 0,56 nanogrammes par gramme). »

 

Encore un résumé qui enjolivent la réalité et fait dans le militantisme. Non, les auteurs n'ont pas «  évalué l'exposition globale des pollinisateurs aux néonicotinoïdes ».

 

Les résultats sont résumés dans le graphique suivant.

 

 

 

 

L'Université de Neuchâtel, en Suisse, a publié un communiqué de presse dont le résumé est comme suit :

 

« Trois quarts des miels produits à travers le monde contiennent des néonicotinoïdes, une famille de pesticides connue pour son rôle dans le déclin des abeilles. C’est le constat d’une étude publiée aujourd’hui dans la prestigieuse revue Science par un groupe interdisciplinaire de l’Université de Neuchâtel (UniNE) et du Jardin botanique de la Ville de Neuchâtel. Les concentrations en néonicotinoïdes mesurées restent cependant en dessous des normes maximales autorisées pour la consommation humaine. »

 

Remarquons que, invariablement, la revue Science est « prestigieuse »... Et surtout que, là où le Monde allègue au conditionnel d'anxiogénèse un « faible risque pour l’homme », l'UniNE affirme une conformité aux limites maximales de résidus.

 

Mais l'UniNE succombe aussi à l'emphase, s'agissant de la santé des abeilles :

 

« "Nous montrons que, selon les normes en vigueur, la très grande majorité des échantillons étudiés ne posent pas de souci pour la santé des consommateurs pour les cinq pesticides étudiés", commente Edward Mitchell, professeur au Laboratoire de la biodiversité du sol et principal auteur de l’article.

 

La situation est toutefois plus critique pour les abeilles. "Notre étude démontre qu’elles sont exposées dans le monde entier à des concentrations de néonicotinoïdes ayant des effets importants sur leur comportement, leur physiologie et leur reproduction", précise Alexandre Aebi. »

 

La deuxième allégation est dépourvue de fondement et relève du militantisme.

 

Les auteurs ont certes longuement brodé sur les effets des néonicotinoïdes et des autres pesticides dans leur article, en émettant des hypothèses voire affirmant des conclusions sur la base d'autres études ; mais leur travail s'est limité à doser des néonicotinoïdes dans des miels qui leur ont été apportés par des voyageurs.

 

Du reste, alléguer en titre « des néonicotinoïdes dans 75% des miels de la planète » sur la base de l'analyse de 198 échantillons – en outre de provenances non représentatives de l'ensemble du monde – revient à prendre quelques libertés avec la méthode et la prudence scientifiques. Cette allégation est peut-être exacte, mais elle n'est pas avérée par l'étude.

 

Nous pouvons aussi noter, avec peut-être un brin de cynisme, que si les auteurs ont pu analyser des miels « contaminés », c'est bien qu'il y a eu des abeilles pour les produire.

 

Et que les chercheurs succombent au syndrome du marteau de Maslow, en voulant en dernière analyse faire la peau aux néonicotinoïdes. Cette obsession a pour résultat de laisser des pans entiers de la science en friches. Les victimes ? Les abeilles et la biodiversité.

 

 

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A
Des chercheurs Ontariens ne constatent pas d'effets négatifs si les neonic sont correctement utilisés:<br /> <br /> https://news.uoguelph.ca/2017/11/correctly-used-neonics-do-not-adversely-affect-honeybee-colonies-new-research-finds/
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Et les apiculteurs de l'Alberta ont refusé d'emboîter le pas de ceux de l'Ontario. Les photos de ruches de l'Ontario, avec des empilements de hausses, sont parlantes.