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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le Président Emmanuel Macron : « Il est intolérable d’avoir une expertise faussée par des intérêts partisans »

13 Décembre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #Glyphosate (Roundup), #Politique, #Union européenne, #EFSA

Le Président Emmanuel Macron : « Il est intolérable d’avoir une expertise faussée par des intérêts partisans »

 

 

 

 

 

Non, il n'y a pas de quoi se réjouir à la lecture du titre. C'est de la gesticulation démagogique. Ou, si le Président Emmanuel Macron est convaincu par le propos qu'il a tenu, la manifestation d'un aveuglement et d'une grave déconnexion de la réalité.

 

Et ce propos vient d'un homme dont on attendait une hauteur de vue incompatible avec une telle bassesse.

 

Le Président Emmanuel Macron a accordé une longue interview au Monde, « Emmanuel Macron  : "Il faut un choc dans nos modes de production " ». Le chapô indique le sujet principal, évidemment dicté par l'actualité :

 

« Le chef de l’Etat prône une série de changements majeurs, comme la fin de l’exploitation des ressources fossiles mondiales et la réorientation de la finance publique et privée vers la transition énergétique. »

 

M. Macron a aussi été interrogé sur le glyphosate. Question, provocatrice :

 

« Plusieurs ONG considèrent que vous tenez de grands discours à l’international, mais menez peu d’actes concrets au niveau national. Par exemple, sur la part du nucléaire, mais aussi sur le glyphosate… »

 

M. Macron évite adroitement le nucléaire (mais il sera rebranché sur le sujet)... Après les rodomontades – grâce à la France, c'est cinq ans, et non dix (quinze s'il avait lu le dossier depuis son début), et, grâce à lui, l’objectif est d’en sortir dans trois ans en France – il y a ce morceau de bravoure :

 

« J’entends et je respecte les activistes qui voudraient sortir avant-hier, mais je suis en charge de l’intérêt général. Aujourd’hui, il y a des agriculteurs français qui, en toute honnêteté, ne savent pas faire sans Roundup. Par ailleurs, l’INRA [Institut national de la recherche agronomique] explique qu’il n’y a aujourd’hui pas de substitut au glyphosate qui garantisse une compétitivité égale, sauf à désherber à la main. Nos agriculteurs ne pourraient donc pas tenir face aux Italiens, aux Espagnols, aux Belges qui continueraient à utiliser le glyphosate. »

 

Ces propos sont tout simplement choquants et indignes, surtout d'un président qui a voulu faire de la politique autrement. On peut même se demander si ses prédécesseurs auraient osé... Certes, en réintroduisant un arrêté d'interdiction du maïs GM Mon 810 après l'annulation du précédent par le Conseil d'État, l'un a prétendument voulu protéger notre santé (alors qu'on peut importer de ce maïs) et l'autre notre apiculture. Mais dans cette envergure ?

 

« ...en charge de l’intérêt général... », peut-il garantir que, dans trois ans, il y aura un substitut au glyphosate ? Que nos agriculteurs pourront « tenir face aux Italiens, aux Espagnols, aux Belges » ? Il sait bien que non !

 

Remarquez : il a oublié de mentionner les Allemands et les Néerlandais qui nous sont passés devant en matière d'exportations.

 

 

 

 

Les intervieweurs demandent fort justement ce que sera la suite. Nouvelle réponse hallucinante :

 

« Nous allons accélérer la recherche et lancer une coopération renforcée. J’ai pris au mot la chancelière Merkel, lorsque je l’ai vue au sommet d’Abidjan en lui disant : "Tu as dit que tu étais contre [la position prise sur le glyphosate par le ministre de l’agriculture allemand] ? Très bien, je te propose une coopération renforcée, nous on essaie de le faire en trois ans." Elle m’a répondu : "Chiche."

 

Qui peut croire qu'une recherche, même « accélérée » peut aboutir en trois ans ? S'il s'agit d'un autre herbicide, on peut déjà imaginer la longueur de la procédure d'autorisation de mise en marché... les tentatives d'obstruction d'un État... les rodomontades d'un chef d'État...

 

C'est aussi un superbe non sequitur. Non, ce n'est pas une coopération renforcée pour accélérer la recherche mais, si cela se concrétise – ce qui reste à voir – pour une sortie franco-allemande du glyphosate. Et puis, c'est : « nous on essaie »...

 

Nous ne pensons pas que Mme Markel soit espiègle et la traduction peut jouer des tours. Mais « chiche » peut aussi prendre le sens d'un défi lancé à M. Macron de « nous » – la France, pas l'Allemagne et la France – faire sortir du glyphosate.

 

De fait, Mme Merkel n'a pris un engagement, au mieux, que vis-à- vis de celui qui l'a écouté... et exploite un propos rapporté sans vergogne. Nos informations – glanées aux bonnes sources allemandes – ne sont pas celles de M. Macron s'agissant de la position personnelle de Mme Merkel sur le sujet. Quant à la position de l'Allemagne, il faudra attendre le résultat des négociations en vue de la constitution d'une coalition.

 

M. Macron ne pouvait pas ignorer cela. Ses propos relèvent dès lors de l'enfumage, voire de la tromperie.

 

Regardez aussi ce mâle bombement de torse :

 

« ...je prends des engagements clairs et cohérents, je ne suis jamais dans les incantations. Je refuse les débats polarisés entre ceux qui ne veulent jamais rien changer et ceux qui voudraient tout changer tout de suite. »

 

C'est bon pour la galerie. Quoique... S'il faut entendre que dans cette affaire, « ceux qui ne veulent jamais rien changer » désigne notamment les agriculteurs, il ne se sera pas fait beaucoup d'amis dans la profession. Et puis vient cette chose...

 

« Sur le glyphosate, je me bats aussi contre les lobbys et au niveau européen pour avoir une expertise indépendante. Il est intolérable d’avoir une expertise faussée par des intérêts partisans. »

 

Quelle indigence ! C'est le genre de discours qui sied aux bateleurs d'estrade de la politique, ceux qui, bien à droite comme bien à gauche, s'emploie à creuser leur niche sur l'échiquier politique en suscitant ou attisant les mécontentements et en surfant dessus.

 

Quelle indigence ! C'est aussi le discours maintes fois entendu de nos politicards pour lesquels les décisions impopulaires sont « de Bruxelles » et les décisions populaires « prises à l'initiative de la France ». Ici, M. Macron se fait la mouche du coche... c'est toujours bon pour sa popularité... Car dans sa réponse à l'initiative citoyenne « Stop glyphosate », qui demandait notamment une « une réforme du processus d’autorisation des pesticides en Europe », la Commission Européenne a indiqué qu'elle présentera une proposition au printemps prochain pour accroître la transparence et la qualité des études utilisées dans l'évaluation scientifique des matières actives et pour modifier la gouvernance de l'EFSA.

 

Passons vite sur les lobbies : dans cette affaire, l'industrie et ses représentants – les lobbies dans le nouveau langage macronien – ont eu un comportement très honorable, et ce, contrairement à ses dires et quoi qu'on puisse en penser sur la base de la propagande de l'USRTK, des « ONG », du Monde Planète, etc. largement relayée par d'autres médias et les réseaux sociaux. Dans cette affaire, les « lobbies », c'était le côté anti-glyphosate, cet incroyable déploiement de manœuvres en tous genres.

 

Passons vite car le propos inqualifiable a trait à l'expertise.

 

La taxer de non « indépendante » et de « faussée par des intérêts partisans » est une accusation gravissime.

 

Elle est formulée non seulement contre l'EFSA et l'EChA, mais aussi contre notre ANSES nationale, contre les experts nationaux – y compris français – qui ont participé aux processus successifs de l'EFSA et de l'EChA à titre officiel ou personnel (d'expert indépendant), et contre les gouvernements des dix-huit États qui, satisfait des expertises, ont voté pour le renouvellement.

 

Décidément, le glyphosate rend fou... à moins que ce ne soit du cynisme à l'état pur.

 

 

 

 

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U
« Il est intolérable d’avoir une expertise faussée par des intérêts partisans »<br /> Tout à fait exact. Reste à déterminer où s'expriment ces intérêts partisans ...
Répondre
S
Bonjour et meilleurs vœux pour 2018,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> C'est tout à fait exact. Et c'est incroyable qu'il puisse être d'une telle impudence. Car, sauf à croire qu'il est complètement endoctriné, il faut tout de même admettre qu'il a une belle mécanique intellectuelle.
D
jean Quattremer, de Libé, a eu des mots très durs vis à vis de la position de notre Président sur ce dossier. Venant de ce côté, j'espère que ça portera un minimum.<br /> Mais d'une manière générale, quelle arrogance, encore un exemple de ce nos partenaires européens détestent chez nous (ou du moins, chez nos représentants).
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Vous faites sans doute référence à une récente vidéo :<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=PbAl97m7NbY<br />