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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Té vé ! Ya des pesticides dans le thé !

20 Novembre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information

Té vé ! Ya des pesticides dans le thé !

 

 

Dans son numéro de novembre 2017, 60 Millions de Consommateurs a publié un « essai » sur les thés. Il ne fait pas le grand pavé de la couverture comme d'hab' putassière, ayant dû céder la préséance à « La liste noire des produits dangereux ».

 

Le procédé est classique pour ce genre de produit : on cherche des « contaminants », notamment des « pesticides », on met des « + » dans des disques verts et des « - » dans des disques rouges... et vogue la galère :

 

« Pour une croissance optimale, le théier a besoin d'un climat chaud et humide, prompt par ailleurs à favoriser le développement des champignons et des insectes. D'où le recours systématique à différents fongicides et pesticides, qui reste toutefois limité aux cultures conventionnelles. Si les ouvriers des plantations sont les premiers à être exposés à ces produits, les consommateurs risquent aussi de goûter à certains résidus, d'autant que le thé n'est lavé à aucun moment de sa préparation. Un doute que confirment nos analyses, sachant que même les feuilles de thé bio n'échappent pas totalement à cette contamination. »

 

Et pour cause : le bio, s'il est limité en matière de fongicides essentiellement au cuivre et au soufre, utilise des insecticides dits « naturels », pas forcément meilleurs pour la santé et l'environnement que les insecticides de synthèse. Mais gageons que 60 Millions n'aura pas cherché ces choses qui ont par exemple pour nom « pyréthrines », qui ont tendance à flinguer tout, ou « huile de neem », un perturbateur endocrinien.

 

Le procédé est aussi classique pour la description des résultats :

 

« Sur plus de 500 résidus de pesticides recherchés, nous en avons trouvé jusqu'à dix-sept dans la référence Dammann Frères. »

 

(Source)

 

Posons ici un jalon : est-il déontologique, de la part d'une revue consumériste (ou du reste autre), de pointer ainsi une marque du doigt, sur la base d'un essai sur un échantillon unique, susceptible d'être un « accident » lié à un arrivage particulier ? Nous pensons que non. Mais l'essentiel pour ces revues n'est-il pas de vendre... la revue.

 

Il y avait cependant eu un peu plus à raconter :

 

« Le plus mauvais élève est le thé noir Marque Repère Bio Village : malgré sa certification bio, nous avons retrouvé de l'anthraquinone (un répulsif pour les oiseaux) en quantité quatre fois supérieures à la limite autorisée (0,02 mg/kg)... »

 

Petite pause : imaginez que le produit n'ait pas été « bio »... Que n'aurait-on pas entendu ! Notons aussi que la LMR a été fixée à la limite de détection pour cette substance qui n'est pas autorisée en Europe. Et aussi que l'anthraquinone est naturellement présente dans certaines plantes et qu'elle peut se retrouver dans le thé pour des raisons autres qu'une pulvérisation. Mais voici la suite :

 

« Pour le reste, les thés noirs bios contiennent 3,4 fois moins de résidus que les versions conventionnelles (0,095 mg/kg versus 0,321 mg/kg).

 

Pour les thés verts, la différence entre bio et conventionnel est un peu moins marquée (0,18 mg/kg versus 0,4 mg/kg, soit 2,2 fois moins de pesticides pour les bio. Nos analyses ont par ailleurs montré que trois références dépassent la limite autorisée pour certains pesticides, dont un bio. Or, il s'agit de mélanges de thé vert et de feuilles de menthe séchées pour lesquelles les LMR de pesticides peuvent être différentes. Faute d'avoir pu dissocier les deux types de feuilles lors des analyses, nous n'avons pas pénalisé particulièrement ces références. »

 

On sent ici une certaine gêne qui empêche la gesticulation habituelle. Mais il y a le « verdict » :

 

« Les teneurs en contaminants sont, pour la plupart, en deçà des valeurs réglementaires. Mais on peut se poser la question de l'effet cocktail, sachant qu'un des thés noirs contient dix-sept résidus de pesticides. »

 

Ouf ! L'effet cocktail...

 

Cet article s'intéresse aussi aux alcaloïdes pyrrolizidiniques, dont certains « sont reconnus cancérigènes » et aux métaux :

 

« L'aluminium est le métal retrouvé en plus grande quantité dans les thés de notre panel (1,19 g/kg en moyenne pour les thés noirs et 1,43 g/kg pour les thés verts, sachant qu'il ne pose pas de problème sanitaire connu à ces doses. »

 

Ça, c'était en janvier 2012 (source)

 

Message transmis aux anti-vax qui font un boucan pas possible sur des doses inférieures au milligramme, certes injecté.

 

Un polyphénol, l'épigallocatéchine-3-gallate, est mis en exergue : il contribue à faire du thé (vert) un « breuvage santé », mais « une trop forte ingestion d'EGCG pourrait s'avérer toxique pour le foie. »

 

C'est à se demander – surtout dans le contexte de l'hystérie antipesticides et antiglyphosate actuelle – s'il ne faut pas interdire le thé...

 

Rappelons que nombre de molécules que nous considérons comme bénéfiques – mais le rapport risque-bénéfice reste à établir pour la plupart d'entre elles – sont en fait des pesticides naturels que la plante a réussi à produire au cours de son évolution pour dissuader ses ravageurs de s'en prendre à elle.

 

Dans cet article publié dans la Recherche, « Neuf idées reçues passées au crible de la science » (maintenant réservé aux abonnés ; on trouvera la citation ici), de Bruce Ames et Lois Swirsky Gold on peut remplacer « café » par « thé » :

 

« Qui sait aussi que, dans une tasse de café, la quantité de composés naturels cancérogènes pour les rongeurs est à peu près égale en poids à la dose de résidus de pesticides synthétiques absorbée par un individu en un an ? Et cela, alors même qu'à peine 3 % des substances naturelles présentes dans le café ont fait l'objet de tests adéquats de cancérogénicité. »

 

Les auteurs avaient précisé :

 

« Attention, cela ne signifie pas que le café ou les pesticides naturels sont dangereux ! »

 

Au contraire de la désinformation !

 

Toujours en janvier 2012... des mesures de contamination radioactives... Grands dieux !

 

Les médias se sont évidemment emparé de ce sujet. Citons notre cible favorite pour illustrer ce qu'ils ont généralement retenus (avec ici le conditionnel journalistique) : « Les sachets de thé contiendraient jusqu’à 17 pesticides, selon "60 millions de consommateurs" ».

 

Il y a aussi, par exemple, le Point avec : « Les sachets de thé remplis de pesticides ? » et, en chapô : « Une étude de "60 Millions de consommateurs" alerte sur la présence de pesticides dans les feuilles de thé de grandes marques, même bio. »

 

FranceTVInfo est aussi un repaire d'hypocondriaques : « Nos sachets de thé contiennent jusqu'à 17 pesticides et plusieurs traces de métaux, selon "60 millions de consommateurs" », avec en chapô : « Le magazine a étudié 26 marques de thés noirs et verts, commercialisées en France. Toutes, même les thés bio, contiennent des traces de pesticides et de métaux potentiellement nocifs pour la santé. »

 

Tout cela est fort de thé café...

 

M. Hervé This s'est aussi ému de ces sornettes dans « Message aux buveuses de thé ». Sa conclusion :

 

« Alors, allez vous vous laissez manipuler longtemps par des malhonnêtes, des imbéciles, des ignorants ? »

 

 

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