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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

L'assurance, alternative aux pesticides ? Un oui béat et benêt pour le Monde de Stéphane Foucart

21 Novembre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Pesticides

L'assurance, alternative aux pesticides ? Un oui béat et benêt pour le Monde de Stéphane Foucart

 

 

On aimerait pouvoir introduire cette critique par : « se non è vero, è ben trovato ». L'idée de l'assurance est en principe vraie ; pour la durabilité de l'idée, c'est à voir.

 

Tout est bon dans le Monde Planète pour faire l'article contre les pesticides (de synthèse évidemment, pas ceux autorisés en agriculture biologique qui, comme la moitié des Français ne le sait pas, utilise aussi des pesticides, dont certains ne sont guère amis de la santé et de l'environnement).

 

C'est pourtant simple : « Pesticides : l’Italie a montré qu’il existe des alternatives », avec en chapô :

 

« L’alternative à l’utilisation des néonicotinoïdes sur les cultures agricoles peut résider dans des innovations socio-économiques, explique dans sa chronique Stéphane Foucart, journaliste au "Monde". »

 

« Pesticides » dans le titre, « néonicotinoïdes » dans le chapô, quelle belle illustration du journalisme truqueur et manipulateur !

 

Quelle est cette superbe innovation ?

 

« En 2008, l’interdiction de certains néonicotinoïdes par le gouvernement italien donne à Lorenzo Furlan l’opportunité de remettre en selle l’idée qui lui était venue voilà trente ans. Avec Filippo Codato, il met en œuvre une piste à la simplicité désarmante : un fonds mutualisé remplissant le même rôle d’assurance-récolte que les pesticides, mais sans aucun de leurs inconvénients. »

 

Ce système, initié en 2014, couvrirait aujourd'hui 50.000 hectares, assurés contre une prime de 3 à 5 euros par hectare. Ce serait donc d'une simplicité biblique !

 

« De 3 à 5 euros, précise l’agronome italien, c’est entre sept et dix fois moins que la somme nécessaire pour barder l’hectare de maïs d’une armure chimique. »

 

À vos calculettes... Nous trouvons que, ramenée à l'hypothèse (peu probable) d'une perte totale, cette prime ne permet d'indemniser qu'un très petit nombre d'hectares. Curieux que les agriculteurs et, surtout, les assureurs si inventifs pour vous concocter des produits n'y aient pas pensé avant...

 

Mais voici la réflexion de l'innovateur :

 

« C’est une histoire digne de l’univers absurde des Shadoks – la série culte de Jacques Rouxel – que raconte Lorenzo Furlan. "Il y a une trentaine d’années, dans la région d’Italie où je travaille, j’ai réalisé que la plupart des traitements insecticides appliqués sur le maïs étaient inutiles puisque les ravageurs ciblés étaient absents de 90 % à 95 % des champs traités, raconte l’agronome italien (Institut d’agronomie de Vénétie). Et la situation était d’autant plus absurde que l’utilisation de ces intrants dégradait la qualité de la récolte…»

 

On voit mal comment l'utilisation d'insecticides – en pulvérisation ou traitement des semences – peut dégrader la qualité de la récolte. On sent là des relents d'idéologie (et ce n'est pas le seul exemple de déclaration étonnante). L'observation qui aurait été faite suggère que les traitements étaient inutiles. Et si, au contraire, elle attestait de leur efficacité ?

 

Cela amène à nous interroger sur la prétendue innovation : le système assurantiel, en admettant qu'il soit fonctionnel passé le lancement et la phase de recrutement, ne repose-t-il pas sur une réduction de la pression des ravageurs, au niveau global, par les producteurs qui traitent, et qui en font bénéficier ceux qui ne traitent pas ?

 

Cela rejoint une observation faite aux États-Unis d'Amérique s'agissant du maïs Bt. Elle aussi fut relayée parce qu'elle répondait à une idéologie : on avait constaté que des producteurs utilisant des variétés conventionnelles dégageaient de meilleurs marges que ceux utilisant des variétés Bt. L'explication agronomique : la réduction de la pression des ravageurs.

 

Ce raisonnement, du reste, s'applique aussi dans le cas de l'agriculture biologique qui bénéficie d'un parapluie phytosanitaire.

 

Mais diminuez la protection phytosanitaire, et les ravageurs réapparaissent en force, et les pertes se multiplient, et les demandes d'indemnisation augmentent, et les primes s'envolent... et le système s'écroule.

 

Mais tout est bon pour faire croire aux lecteurs du Monde qu'il y a des solutions simples à des problèmes complexes, des solutions qui éliminent les pesticides déclarés axiomatiquement ennemis de la santé et de l'environnement.

 

Avec, bien sûr, les contre-vérités de nature à convaincre les lecteurs que la planète est en danger :

 

« Ce genre de traitement [les traitements des semences avec des néonicotinoïdes] est donc, par nature, prophylactique. Que le moindre ravageur soit présent ou non sur la parcelle, la plante y tuera les insectes et ne fera pas dans le détail. Et tant pis pour toutes les autres bestioles qui s’y aventurent – abeilles, bourdons, papillons, etc. »

 

Non, M. Foucart, ces traitements ne tuent pas indistinctement les insectes. Et s'ils sont autorisés, c'est précisément parce que les instances d'évaluation et les autorités de décision ont trouvé que, appliqués selon les préconisations, ils ont un profil acceptable.

 

Le lecteur n'échappe pas non plus à l'INRA qui :

 

« a par exemple montré qu’une réduction substantielle des tonnages d’intrants chimiques était possible, dans la majorité des exploitations, sans aucune baisse des rendements… »

 

La réalité est bien plus complexe selon l'INRA lui-même, et l'article prétendument scientifique n'est pas à l'abri de la critique dévastatrice (voir ici et ici).

 

Le lecteur échappe encore moins aux imprécations à la Philippulus :

 

« Et il y a urgence. Des travaux publiés fin octobre ont pour la première fois quantifié le désastre des pratiques de l’agriculture conventionnelle sur la biodiversité. En trente ans, près de 80 % des insectes volants ont disparu des zones naturelles protégées d’Allemagne et tout indique que ce constat est valable ailleurs en Europe. Il suffit de voir les calandres et les pare-brise de nos automobiles, souvent vierges de tout impact d’insectes. »

 

C'est une autre étude qui a été mise en charpie (nous y reviendrons peut-être) pour ses incroyables carences méthodologiques et audacieuses extrapolations. Une étude qui, du reste, ne propose aucun lien de cause à effet entre réductions des effectifs d'insectes et pesticides.

 

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J
pourtant le but des pesticides est de tuer des insectes non? donc qui dit utilisation de pesticide dit relation directe avec la baisse des insectes puisque c'est le but du produit.<br /> un pesticide qui ne tuerait pas les insectes ne servirait à rien et ne serait alors pas utilisé.
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S
Oups ! Allé trop vite.<br /> <br /> L'hystérie qui est propagée et entretenue sur les "pesticides"* (* de synthèse) occulte le fait que des moyens de lutte alternatifs peuvent produire un résultat identique ou similaire, ou meilleur… ou pire.<br /> <br /> On peut lutter contre la pyrale dans le maïs avec un insecticide, par lutte biologique avec un auxiliaire (les trichogrammes), ou encore (mais pas en France, hystérie oblige), par génie génétique avec du maïs Bt. L'insecticide a probablement des effets collatéraux que n'ont pas les deux autres modes de lutte. Dans tous les cas, on réduit la population de pyrales. Les agriculteurs choisiront régulièrement la lutte biologique si elle existe et peut être appliquée raisonnablement. Ce n'est pas qu'une question de coût, mais aussi d'efficacité, de facilité de mise en œuvre, etc.<br /> <br /> Désherber avec du glyphosate ou par le travail du sol, avec la charrue et d'autres outils, produiront tous deux un résultat : la disparition, au moins pour un temps, des mauvaises herbes. Mais le travail du sol est bien très dommageable pour l'environnement, contrairement au glyphosate.<br /> <br /> Tout est coût/bénéfice, avantages/inconvénients.
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Le but des pesticides est de contrôler les "pestes", ce qui réduit ou compromet la quantité et/ou la qualité de la production agricole et, par conséquent majoritairement alimentaire.<br /> <br /> Contrôler, cela peut être empêcher des graines de germer, tuer des plantes que nous appelons mauvaises herbes (M.Joël Labbé veut qu'on les appelles du nom savant "adventices'), éloigner des insectes, etc. (y compris des corbeaux qui viennent vous manger la ligne de semences de maïs), tuer des insectes, etc., empêcher des maladies de se répandre dans la culture ou tuer les pathogènes, etc.<br /> <br /> Le but du produit, comme vous dites, est de répondre à un problème de production -- encore une fois, de sécurité de notre alimentation en quantité et en qualité -- et de le faire de la manière la plus efficace possible, y compris sur le plan environnemental.<br /> <br /> Il s'ensuit que la relation entre emploi de pesticides et disparition des insectes -- c'est certainement le point de départ de votre commentaire -- est complexe. Et parfois surprenante.<br /> <br /> Vous écrivez : "un pesticide -- en fait, vous pensez 'insecticide" -- qui ne tuerait pas les insectes ne servirait à rien et ne serait alors pas utilisé." Corrigeons : un insecticide qui ne tuerait pas l'insecte cible (ou ne le contrôlerait pas) ne serait pas utilisé. Un insecticide qui tuerait bien l'insecte cible, mais également d'autres d'une manière jugée inacceptable, ne le serait pas non plus.<br /> <br /> Et, soyons vache : sauf en agriculture biologique où, refusant les insecticides de synthèse, on est obligé de recourir à des insecticides "naturels" qui "flinguent tout". Cette remarque vaut bien sûr aussi pour un agriculteur conventionnel qui utiliserait un tel produit.<br /> <br /> Les choses ne sont pas binaires, et j'espère vous avoir ouvert quelques horizons.<br /> <br />
C
Le principe de l'assurance risques climatiques existe. Il y a même une ligne budgétaire sur budget européen, des dossiers montés pour gérer cette aide. 25 % des agriculteurs l'utilisent (bio y compris). En 2016, les primes versées (gel vignes, inondations et excès d'eau) par les assureurs ont dépassé largement les cotisations annuelles. <br /> Mais il est bien stipulé dans le contrat d'assurance que si l'agriculteur ou le viticulteur n'a pas respecté les pratiques normales (prévention contre insectes - maladies) le perte liée n'est pas prise en compte. Car effectivement cela coût très cher. Et donc les frais d'assurance sont énormes.<br /> J'aimerai savoir dans le cas italien quel est le niveau de la franchise des assurés. Elle doit être très élevée (exemple ? 30 %) et non cumulable à d'autres causes de sinistres (22 % lié au gel +15 % liés aux insectes = 37 % mais non pris en compte....).
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S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Les assurances existantes concernent principalement des calamités. Un coup de grêle, ça se voit et les pertes peuvent être évaluées.<br /> <br /> Une attaque de pyrale ? À moins que cela ne prenne la forme d'une nuée de criquets... J'avais fait un rapide calcul pour voir ce que ça donnait : les primes couvrent à tout casser 200 hectares de pertes totales.
J
En cas d'abandon complet des pesticides, je ne donne pas cher à la compagnie d'assurance proposant de telles polices avant de faire faillite, d'augmenter les primes, de réduire les prestations ou bien les trois à la fois.<br /> <br /> Et je pense que les populations préféreraient avoir des récoltes à manger plutôt que des indemnisations qui ne pourraient pas acheter de la nourriture qui ne serait disponible qu'à des prix exorbitants.
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S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Entièrement d'accord sur les deux volets. Quoique... nos populations ne savent (presque) plus ce qu'est la gêne alimentaire. Elles viennent de le découvrir pour le beurre, mais je crains que cela n'a pas débouché sur une prise de conscience.<br />
R
Pare brise sans insecte ecrases. : tu roules seulement en hiver c'est vrai...sinon il y en a toujours beaucoup qui salissent le pare brise. C'est quoi ces conneries. Il roule pas au printemps ni en Ete
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S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Il me semble qu'il y a une part de vrai, mais je m'interroge sur l'effet de l'aérodynamisme des voitures. En vélo on déguste assez souvent des nuages de moucherons.
B
Bon sang, mais bien sur!<br /> Pour lutter contre les famines des siècles passés, il suffisait d'une assurance récolte.<br /> Ben ça existe déjà et c'est très restrictif.
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S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Autrefois, on avait les rogations (enfin, chez les papistes)...<br /> <br /> Je ne peux que répéter : si l'assurance contre les dégâts d'insectes était un bon coup, les assureurs occuperaient déjà le créneau.<br />