JT de France 2 : « Salvador : les pesticides hors la loi » ?
et quelques autres joyeusetés
Ils sont devenus fous ! Vraiment fous !
Au journal de 20 heures de France 2 du lundi 13 novembre 2017, on nous diffusé un reportage sur el Salvador. Présentation en ouverture du journal :
« L'Union Européenne devra trancher mercredi sur le glyphosate. Un petit pays d'Amérique Centrale a ouvert la voie, le Salvador. Depuis déjà quatre ans, fini les pesticides de Monsanto. Là-bas, on cultive bio. »
Sur la toile, cela donne ceci :
« Le Salvador est un pays éclatant de verdure aux contours modelés par les volcans. Le plus petit État d'Amérique centrale révolutionne son agriculture. Il a chassé les pesticides et supprimé les semences des multinationales. Le pays veut nourrir sa population avec du bio. Au Salvador, le nom de la multinationale Monsanto est devenu un symbole : "Monsanto pour moi, ça représente la mort. Ce sont des produits chimiques qui finissent par nous rendre malades", estime Adrian Lizano.
Retour aux méthodes traditionnelles
Les anciens guérilleros apprennent alors aux paysans à se passer de pesticides. Aujourd'hui au pouvoir, ils ont interdit 70 pesticides, dont ceux de Monsanto. Plusieurs paysans continuent pourtant d'utiliser les semences de Monsanto, qui rapporteraient deux fois plus d'argent. Aucun chiffre fiable n'existe sur le nombre d'exploitations converties au bio. Le pays vise une agriculture autosuffisante et saine, le rêve des guérilleros. »
Il suffit pourtant de regarder la séquence de quatre minutes pour se rendre compte que tout cela est faux.
Il suffit même de lire : « Plusieurs paysans continuent pourtant d'utiliser les semences de Monsanto, qui rapporteraient deux fois plus d'argent. » Non, ce n'est pas « rapporteraient », mais « rapportent ». Ce n'est pas le fait de Monsanto – qui n'est d'ailleurs pas le seul semencier « capitaliste », ou la seule « multinationale », active dans le pays – mais la différence de productivité entre les hybrides simples, et les hybrides plus complexes et les variétés-populations ; et entre la génétique moderne et la génétique antédiluvienne.
Il faut faire preuve d'un singulier aveuglement pour produire un reportage à la gloire des anciens guérilleros qui enseignent aux paysans – que l'on prend bien sûr implicitement pour des idiots – « des méthodes très basiques, faciles », mais que ces idiots de paysans « ne connaissaient plus, parce qu'avec Monsanto, ils n'en avaient plus besoin. »
« ...idiots de paysans », c'est bien sûr ici une manifestation d'indignation devant l'arrogance de ces gens, celui du Salvador avec sa belle chemise propre qui signale l'appartenance à « ceux d'en haut » et des journalistes qui gobent et régurgitent un discours convenu qui a pour caractéristique de correspondre à leurs fantasmes.
Oui, il faut faire preuve d'un aveuglement encore plus singulier quand on présente un agriculteur qui « produit des mandarines, des citrons, des bananes » et qu'on ajoute, à propos du nouveau mode de culture : « et c'est clairement moins rentable. » M. Manuel Antonio Abalinga est même interviewé. Et que dit-il : « ...Oui on perd de l'argent » ! Difficile, manifestement, de surmonter les pressions, disons, sociétales : « ...On a l'espoir qu'un jour, apparaîtra une lumière au bout du chemin pour reconnaître la valeur de ce que l'on fait... »
El Salvador a « chassé les pesticides et supprimé les semences des multinationales », est-il dit sur la toile à l'intention des Français pris pour des benêts ? À 2:19 la voix off nous apprend que « le Gouvernement n'a pas interdit les semences étrangères » ! Mais « il voudrait bien que ses paysans y renoncent ». Un peu plus avant, la voix off confirme : « Le paysan continue à cultiver du Monsanto, qui est toujours autorisé ».
Et de montrer un agriculteur qui portent deux sacs de semences puis plonge les mains dans l'un d'eux pour montrer des graines... violettes. Sans nul doute traitées avec un de ces pesticides que le gouvernement aurait interdit... Écoutez le commentaire : « une teinture rose les protège des insectes ». Une « teinture »... Toute l'incompétence et la naïveté des reporters résumée en un mot !
Et l'agriculteur explique encore : « Ces semences, pour notre consommation personnelle, c'est bien, mais sinon, elles ne rapportent rien. » Il nous emmène dans un champ où il a complanté deux variétés : « Le petit, il est du gouvernement, et le grand, c'est du Monsanto. » La voix off ajoute : « Des épis plus grands, plus réguliers, de meilleur rendement. Les semences de Monsanto coûtent 150 $ le sac, le paysan est prêt à payer. »
Eh oui ! « [l]e paysan est prêt à payer ». Cela aurait pu être un point de départ pour une séance d'explication sur les bases de l'économie agricole. Il y a toutefois un bémol : ce paysan cultive aussi du maïs « gouvernemental » – avec des semences fournies gratuitement – parce qu'il n'a pas les moyens d'acheter du maïs moderne pour toute sa surface. Ce qui nous illustre toute l'horreur de cette idéologie délétère qui cherche à combattre le capitalisme et le gringo plutôt qu'à en profiter.
Le reportage se conclut comme l'article sur Internet par :
« Le pays vise une agriculture autosuffisante et saine, le rêve des guérilleros. »
Les journalistes qui ont produit le reportage n'ont visiblement pas compris que le « rêve des guérilleros » est le cauchemar des paysans et de la population salvadorienne.
Et les journalistes qui ont programmé le reportage dans le JT de France 2 n'ont pas compris qu'ils ont diffusé une information formatée en propagande, anti-pesticides et pro-bio.
Pour ce qui est de l'interdiction alléguée des pesticides, pour autant que nous sachions, la mesure n'a jamais été promulguée et mise en vigueur. Rien n'a changé depuis notre « El Salvador, ConsoGlobe, Inf'OGM, etc. : nouveau tour de piste pour un hoax »
Dans notre quête d'articles récents sur le glyphosate, nous avons trouvé quelques perles :
« Le glyphosate est l’herbicide chimique le plus vendu au monde. Il est reconnu dangereux par l’organisation mondiale de la santé. Notre expert Eric Dehorter nous propose des alternatives à ce produit considéré comme miracle à l’époque. »
Un florilège d'inepties...
Sur le Républicain Lorrain, « Le glyphosate, le meilleur ennemi des agriculteurs Nord-Mosellans ». Mais à la lecture de l'article, on doit conclure que c'est un ami des agriculteurs...
Un communiqué de la Ligue des Droits de l'Homme, « Glyphosate, un produit dangereux à interdire en totale transparence ». On se surprend à lire : « Or, son caractère cancérigène est largement reconnu par de nombreuses expertises » et : « La nécessaire confiance attendue envers les institutions européennes doit reposer sur une démocratie européenne effective s’appuyant sur des citoyens éclairés. » Nous recommandons à la LDH de commencer par s'éclairer elle-même...
« José Bové : "Le glyphosate a des conséquences dramatiques" » sur France 24. Quel expert de l'outrance !
Et, comme ça tourne en boucle sur le glyphosate, les médias ouvrent un nouveau front sur le dicamba. Aucun problème en Europe, où il est peu utilisé (en partie parce que nous avons le glyphosate...) mais qu'à cela ne tienne... Il est utilisé aux États-Unis d'Amérique sur des plantes GM rendues tolérantes à cet herbicide (en partie pour résoudre le problème des mauvaises herbes devenues résistantes au glyphosate). Il y a des dérives et des dégâts dans les champs voisins... Et il y a des cabinets d'avocats prédateurs qui ont reniflé un bon coup. Et nos merdias...