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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate : ah non ! Pas vous, Mme Buzyn !

26 Novembre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #Glyphosate (Roundup), #Politique

Glyphosate : ah non ! Pas vous, Mme Buzyn !

 

 

À partir de 8:50.

 

 

On le sait depuis un bout de temps : la France votera contre le lundi 27 novembre 2017.

 

Contre la proposition mise au vote par la Commission Européenne le 9 novembre 2017 (annexes ici), qui n'a fait l'objet d'une décision des États membres ni pour, ni contre – ayant reçu 14 voix pour (36,95 % de la population) et 9 voix contre (32,26 %), 5 États membres s'étant abstenus (30,79 %) – et qui sera donc soumise à un « comité d'appel ».

 

Rappelons que lors du premier round, en juin 2016, quand la Commission avait proposé un renouvellement de quinze ans en conformité avec les conclusions du dossier d'évaluation de l'EFSA (et des experts de tous les États membres sauf la Suède), 19 États membres avaient voté pour la proposition et deux seulement – Malte, rejoint par la France pour 30 deniers un bouquet de fleurs. D'autre part, cette évaluation a été confortée entre-temps par les conclusions du RAC de l'EChA, autrement dit un comité d'experts issus des États membres.

 

On a aussi appris que, lors du vote du 9 novembre 2017, la Bulgarie, la Pologne et la Roumanie se sont abstenues parce qu'elles refusent de voter pour une réautorisation de moins de dix ans. Les jeux sont donc plus complexes que ne le laissent entendre un certain ministre et ses affidés.

 

Mais l'issue du prochain vote est déjà claire : l'Allemagne continuera à s'abstenir en raison d'un accord de coalition gouvernementale appliqué dans le cadre de la gestion des affaires courantes et, depuis peu, de la recherche d'un nouvel accord avec le même partenaire ; la France votera contre pour pacifier les relations intra-gouvernementales ; d'autres voteront également contre, par exemple l'Italie pour ne pas donner de grain à moudre au Mouvement Cinq Étoiles...

 

La Commission Européenne héritera donc de la lourde tâche de décider... C'est déjà écrit, sauf improbable miracle.

 

Décider de ne pas décider, donc de laisser la présente autorisation expirer le 15 décembre 2017. Et de se retrouver à terme condamnée par la Cour de Justice de l'Union Européenne. Ce sera inéluctable. Mais qu'importe, ce ne sera plus le problème du Président Jean-Claude Juncker dont le mandat expire fin 2019.

 

Ou décider une extension de l'autorisation actuelle ou un renouvellement – enfin décider d'une manière ou d'une autre en faveur du glyphosate (et de ses utilisateurs et de l'économie européenne), comme l'a encore récemment martelé le Commissaire à la Santé Vytenis Andriukaitis (médecin comme Mme Buzyn).

 

C'est dans ce contexte que Mme Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, a été interrogée sur la position française sur LCI. Elle aurait pu rester brève, mais elle a cru bon de broder. Nous nous référerons ici à « Glyphosate : la France favorable à un abandon "dans un délai proche" » de FranceTVInfo avec AFP.

 

« Pour l'instant, tant que le niveau de risque -qui est cancérogène probable- n'est pas rétrogradé, nous restons dans la même ligne qui est par principe de précaution, d'aller plutôt vers une non-utilisation dans un délai proche. »

 

Cela n'a pas été dit avec une grande conviction, à notre avis tout au moins.

 

Mais c'est proprement effarant. Le niveau « cancérogène probable » est du seul fait du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) et a été réfuté par... nous l'avons écrit souvent... une bonne dizaine d'autres agences. Mme Buzyn, médecin spécialiste d'hématologie, d'immunologie des tumeurs et de transplantation, professeure des universités et ancienne présidente de l'Institut National du Cancer (entre mai 2011 et mars 2016), ne peut pas ignorer le sens à donner à un classement du CIRC, à savoir un classement de danger, point de départ pour des évaluations de risques.

 

Elle ne peut pas non plus ignorer les controverses qui entourent cette décision du CIRC, en fait les manœuvres qui la décrédibilise complètement. Qu'elle fît preuve de solidarité gouvernementale, soit... qu'elle s'abaisse à produire une justification parfaitement inepte, non.

 

« ...par principe de précaution... » ? Qu'elle soit alors cohérente et fasse interdire tout ce qui constitue aussi un danger probable, et surtout certain, pour la santé.

 

On peut penser qu'une ministre ne soit pas au courant des derniers développements. On peut penser aussi...

 

« Les agences d'expertise internationales, en particulier le Centre de recherche sur le cancer (CIRC) qui a classé le glyphosate en cancérogène probable, vont certainement prendre en compte cette étude pour évaluer le risque, et nous attendons des expertises qui vont venir dans les années qui viennent. »

 

En fait, le CIRC avait déjà opposé une fin de non recevoir – inqualifiable et surtout incompréhensible (sauf à penser que le CIRC défend des intérêts particuliers et est partie prenante dans des manœuvres politiques et judiciaires) – à la nouvelle étude issue de l'Agricultural Health Study.

 

La justification était inepte ? Mme Buzyn a tout de même mis un sérieux bémol à sa déclaration. Rapporté par l'AFP et FranceTVInfo :

 

« "Les négociations sont en cours" sur ce délai, a rappelé Mme Buzyn. "Il faut le temps de trouver les substitutions (au glyphosate), il ne faut pas mettre les agriculteurs dans une situation impossible. Je veux aussi qu'on soit raisonnable. Il y a aujourd'hui beaucoup de cancérogènes avérés et ils ne sont pas interdits, je pense notamment au tabac et à l'alcool. Dans le cas du glyphosate, on est dans un cancérogène probable, il faut le temps de la substitution." »

 

C'est du bon sens. Mais franchement... voyons cette autre déclaration (à partir de 0:08) :

 

 

« Le glyphosate est un cancérigène probable selon l'Organisation Mondiale de la Santé et donc il est impératif de faire en sorte qu'il ne soit plus utilisé. »

 

Nous pensons que la cohérence gouvernementale – ne parlons pas de solidarité car l'équipe comporte un franc-tireur prêt à dézinguer l'agriculture et la souveraineté alimentaire européenne pour prix de son ego – ne doit pas s'exprimer au détriment de la cohérence scientifique et de l'honnêteté intellectuelle.

 

Le ministère de la santé est un ressort éminemment scientifique et « technique ». Mme Buzyn y sera d'autant plus efficace qu'elle parlera de santé en termes de faits, en accord avec sa formation et son expérience, en laissant la démagogie à d'autres.

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