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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Contre les virus, de la musique... c'est de la flûte !

22 Novembre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information

Contre les virus, de la musique... c'est de la flûte !


 

Croyez-en les frères Grimm : ça marche aussi sur les rats (message à melayer peut-être à Notre Drame de Paris...)

 

En ces temps de vive opposition contre le glyphosate dont on veut faire la peau, tout est bon pour nous convaincre des méfaits des pesticides et des perspectives extraordinaires des méthodes « alternatives ». Que ces méthodes ne soient pas répandues, voire utilisées confidentiellement, importe peu : les médiacrates n'en ont cure et, preuve que ça marche, le premier qui se lance est suivi par des pisse-copies ou pisse-séquences aussi peu critiques ou, faut-il dire, peu regardant.

 

Le Figaro Conso, sous la plume de Mme Mathilde Colla, a publié « Un paysan sauve ses cultures d'un virus dévastateur… grâce à la musique ! ». En bref :

 

« FIGARO DEMAIN - Contaminées par une maladie incurable, les courgettes d'un agriculteur des Bouches-du-Rhône ont été sauvées par des mélodies diffusées tous les soirs. Cette technique qui permet d'éviter les pesticides a fait ses preuves pour d'autres cultures.

 

La musique adoucit les mœurs et peut aussi soigner les plantes! Certaines mélodies méticuleusement sélectionnées ont en effet la capacité d'inhiber virus et champignons ou de stimuler la pousse des plantes. C'est en tout cas le constat fait par Gilles Josuan, agriculteur dans les Bouches-du-Rhône. »

 

 


 

C'est une histoire qui ne date pas d'hier et qui refait donc – fort opportunément – surface dans une médiasphère qui se livre à l'abrutissement des masses. Si vous voulez en savoir plus, cherchez « Joël Sternheimer » et « protéodies » ou « génodique ». En juin 1993, M. Sternheimer a déposé une demande de brevet auprès de l'Office Européen des Brevets, sur la base d'une demande prioritaire française, pour un « procédé de régulation épigénétique de la biosynthèse des protéines par résonance d’échelle ». Le brevet a une longue, très longue histoire.

 

L'article du Figaro comporte toutefois une carte avec les clients de la société Génodics.

 

 

 

 

Mais quand une journaliste écrit en intertitre « 130 agriculteurs utilisent cette solution », on doit se demander si elle a vraiment fait preuve d'esprit critique et de sagesse. Certes, elle n'est pas la première à avoir écrit sur le sujet depuis le temps, et elle a été suivie par exemple par France Inter avec « La musique dans les champs pour remplacer les pesticides », qui pousse la complaisance jusqu'à mettre un lien vers la société Genodics.

 

Où est aussi l'esprit critique quand elle écrit :

 

« "Ça marche systématiquement mais avec des taux de réussite variables de 25% à 95%. Par exemple, sur les cépages de Cabernet, les résultats sont spectaculaires et ils le sont un peu moins sur les vins d'Alsace. En moyenne, le taux de réussite est de 70%", se réjouit Pedro Ferrandiz » (cofontateur de Genodics) ?

 

Mais, les journalistes, « c'est pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort qu'ils ont raison! » selon le bon mot de Coluche.

 

La journaliste a interrogé l'INRA et... pas vraiment terrible...

 

« De son côté, l'Inra reconnaît que "les plantes sont sensibles aux sons et qu'elles réagissent à certains bruits, comme celui du vent ou le craquement d'une plante voisine qui se dessèche et provoque une réaction. Toutefois, aujourd'hui nous n'avons pas prouvé scientifiquement ces liens", souligne Bruno Moulia, directeur de recherches à l'Inra. Concernant la théorie de Genodics, "je ne peux pas dire que ça ne marche pas, mais nous n'avons pas, non plus, démontré scientifiquement l'efficacité de ces traitements", souligne le membre de l'organisme français de recherche en agronomie. Les résultats de Genodics constituent son meilleur argument "mais on peut avoir des théories fausses avec des applications vraies", tempère toutefois le chercheur. Pour le savoir, il faudrait que l'institut mène des expérimentations, une hypothèse aujourd'hui envisagée par l'Inra. Mais pour cela il faut que l'institut débloque des fonds pour vérifier scientifiquement les théories. »

 

Nous n'avons aucun mal à comprendre que le chercheur a été embarrassé (voir par exemple ici pour son domaine de recherche). Dire des choses critiques sur une activité commerciale, pour une institution de l'État, ça ne se fait pas, sauf exception. Mais il y a le panurgisme.

 

Ainsi, sur BFMTV :

 

De son côté l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) confirme que les plantes sont bien sensibles au son, sans toutefois être en mesure de certifier scientifiquement l’efficacité d’un tel traitement. »


 

 

Ou Ouest France :

 

« L’Inra intéressé

 

La méthode, issue des théories du physicien mélomane Joël Sternheimer, semble fonctionner. Sur l’exploitation de Gilles Josuan, le virus est toujours là mais aujourd’hui, inhibé par la musique, il n’est plus nocif pour les légumes qui peuvent à nouveau être vendus. Le Provençal a appliqué la procédure à la lettre en diffusant, toutes les nuits, de 5 à 7 minutes d’une musique ciblée. Il récolte désormais entre 600 et 700 tonnes de légumes par an.

 

À ce jour, la société Genodics a aidé plus de 130 agriculteurs à lutter contre des pathologies qui menaçaient leur production. Et la technique semble même éveiller la curiosité de l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) qui, s’il reconnaît que rien n’est prouvé scientifiquement, admet cependant que « les plantes sont sensibles aux sons » et envisage de mener des expérimentations. »'

 

Ou France Inter, dans la Tête au Carré :

 

« Du côté de l’INRA le physicien Bruno Moulia qui mène des études sur la perception des sons par les plantes, se dit prêt à entamer à son tour des recherches pour valider ou pas cette méthode. »

 

Ou encore Pleine Vie :

 

« En France, plus de 130 agriculteurs font appel à cette drôle de technique pour améliorer le rendement de leur production et éliminer les maladies. Très efficace sur les arbres fruitiers, tels les pommiers qui souffrent de la tavelure, la protéodie est utilisée avec grands succès dans les vignobles, avec un taux moyen de réussite de 70 %. L'Inra pourrait s'engager dans une étude scientifique poussée afin de mieux comprendre ce mécanisme bienfaisant sur les plantes. A suivre... »

 

 

À suivre, en effet, pour voir jusqu'où peut aller la bêtise... Femme Actuelle a déjà franchi un pas :

 

« L’Inra, de son côté, envisage de mener des expérimentations. Pour valider scientifiquement une efficacité prouvée dans les champs de courgette. »

 

Il y a quand même Réponse Conso :

 

« L’Institut national de la recherche agronomique (Inra) rappelle qu’aucune étude scientifique n’appuie, pour le moment, les dires de Génodics et donc que l’efficacité de la musique pour soigner les plantes n’est pas prouvée. »

 

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D
et votre raison de dénigrer une méthode sans aucune investigation ni connaissance sur la question serait...?
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S
Bonjour,<br /> Je suis producteur de pommes en agriculture conventionnelle (Vergers Écoresponsables) et j'utilise la génodie depuis 4 ans. J'avais une pression de la maladie Tavelure très forte et l'utilisation de la "musique", en complément des interventions fongicides, a permis rapidement de revenir à une situation saine dans mon verger. Depuis 2 ans je cherche à réduire mes interventions fongiques en procédant à mes propres essais (l'INRA ne voulant pas le tester); et donc progressivement et sans mettre en péril ma récolte de fruits j'espère réduire de moitié mes interventions. Je tiens à souligner que Genodics ne m'a jamais "vendu" leur procédé comme miraculeux mais complémentaire d'autres méthodes de prévention.<br /> Je suis pour un compromis; et prendre les atouts de l'agriculture bio et conventionnelle. Je ne comprends pas ceux qui veulent tout le temps les opposer. On peut être en agriculture conventionnelle et utiliser des moyens biologiques; mais aussi promouvoir ces fruits bio en mettant en avant ses qualités sans critiquer et dénigrer les autres (n'est-ce pas BIOCOOP!) <br /> Depuis plus de 10 ans le métier de producteur de fruits a beaucoup évolué vers des techniques plus vertueuses axées vers la biodiversité et la vie du sol. Cela ne va peut être pas assez vite au goût de certains mais je pense que la plupart des pomiculteurs ont basculé vers ces objectifs et sont dans ces démarches.<br /> Amicalement.
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S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire et votre témoignage.<br /> <br /> Mais je suis comme St Thomas...
A
Dès fois je me demande si les institutions agronomiques françaises, jadis à la pointe du savoir, ne font pas tout pour réinventer l'agriculture du moyen age. Enseigne-t-on encore la loi du minimum aux ingénieurs?
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Bonne question ! Merci de l'avoir posée !<br /> <br /> Une petite visite des comptes twitter permet peut-être de se faire une idée. Je suis allé récemment sur celui d'AgroParisTech... effarant !