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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Un journaliste ougandais : comment écrivez-vous sur la biotechnologie végétale lorsque les opposants répandent la désinformation ?

29 Octobre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #Afrique

Un journaliste ougandais : comment écrivez-vous sur la biotechnologie végétale lorsque les opposants répandent la désinformation ?

 

Isaac Ongu & Christopher Bendana*

 

 

Des journalistes examinent les dégâts causés par le foreur de la tige du maïs [Busseola fusca].

 

 

Qu'il s'agisse du réchauffement climatique ou des aléas d'un climat complexe, l'Ouganda fait face à une réalité brûlante qui tue les cultures et les animaux. Des milliards de shillings qui auraient pu être utilisés pour d'autres projets sont affectés à l'aide alimentaire apportée aux communautés touchées. Chaque dirigeant, du président au pouvoir au président de la Fédération des Agriculteurs, conseille aux agriculteurs de subsistance de cultiver les maïs les plus tolérants à la sécheresse. Mais il n'y a pas de solutions faciles.

 

Et c'est là qu'intervient le génie génétique.

 

L'organisation Water Efficient Maize for Africa (WEMA – Maïs Économe en Eau pour l'Afrique) a développé des variétés tolérantes à la sécheresse grâce à l'amélioration des plantes conventionnelle. Cependant, ce maïs tolérant à la sécheresse doit être protégé contre les parasites et les maladies qui tendent à attaquer davantage dans des conditions difficiles, en particulier les foreurs de la tige du maïs. Les foreurs de tiges peuvent provoquer une perte de rendement jusqu'à 100% et exposer le grain à des attaques de champignons qui entraînent une contamination par l'aflatoxine.

 

Les journalistes jouent un rôle essentiel pour sensibiliser les agriculteurs et les inciter à adopter la nouvelle technologie. Cependant, le journalisme conventionnel exige qu'ils « équilibrent les nouvelles » – et une grande partie de ce qui est dit au sujet de la nouvelle technologie provient d'activistes anti-OGM qui diffusent des informations fausses sur ses prétendus dangers.

 

Comment les journalistes peuvent-ils équilibrer les nouvelles sans rapporter des « faits alternatifs » trompeurs, dépourvus de fondement. J'ai interviewé Christopher Bendana, l'un des principaux journalistes scientifiques en Ouganda, sur ce défi.

 

Bendana est un auteur spécialisé dans les sciences travaillant pour le principal organe de presse de l'Ouganda, New Vision. Il écrit depuis plus de 8 ans sur les questions de science et en particulier sur la biotechnologie en Ouganda, et en Afrique en général. Des journalistes comme Christopher qui publient en toute indépendance sur la biotechnologie sont caractérisés par les activistes anti-OGM comme « vendus ».

 

 

Quelle est votre perspective de l'« équilibrage » en matière de journalisme scientifique ?

 

Comme pour tout équilibrage des nouvelles, vous devez éviter les fausses informations. Lorsque vous citez quelqu'un, indiquez sa profession si ce n'est pas un scientifique.

 

 

Comment vous assurez-vous, lorsque vous introduisez l'équilibre dans vos articles, que vous ne présentez pas des « faits alternatifs » qui ne peuvent pas être étayés par des preuves valides ?

 

Il y a plus important que l'équilibre : utiliser des sources multiples provenant de différentes institutions crédibles. Parfois, il n'y a pas besoin d'équilibre lorsque les faits sont là et que tout le monde peut les voir.

 

 

Cela ne se heurte-t-il pas à la manière traditionnelle de rapporter, où les informations doivent être équilibrées – où vous devez présenter les deux parties comme si elles avaient un poids égal ? Par exemple, comment faites-vous quand une personne renommée dit que les OGM provoquent des cancers ?

 

Vous le mettez en perspective en utilisant les faits, et vous écrivez équitablement. Vous pourriez ajouter, par exemple, que l'Organisation Mondiale de la Santé est un organisme de santé reconnu sur le plan mondial et que selon elle, les OGM ne provoquent pas de cancer ; ou citer l'Académie Nationale des Sciences des États-Unis.

 

 

Vous et d'autres journalistes scientifiques ont été accusés d'être corrompus, d'être vendus à Big Ag. Est-ce que cela vous dérange ?

 

Non. Au fond de mon coeur, je crois que le génie génétique est de la bonne science. J'ai la conscience tranquille, sinon j'aurais quitté le journalisme.

 

 

Avez-vous déjà ressenti un conflit entre le compte rendu scientifique et la valeur journalistique qui veut que l'article soit équilibré ?

 

Non.

 

 

Un journaliste qui pense que les OGM sont mauvais peut-il rendre compte objectivement ?

 

Non, les êtres humains sont subjectifs.

 

 

Cela implique-t-il que vous aussi, vous pourriez ne pas être objectif ?

 

Vous encouragez ce que en quoi vous croyez.

 

 

Qu'est-ce qui vous a motivé à entrer dans le journalisme scientifique ?

 

Beaucoup de problèmes du monde sont résolus grâce à la science. Les problèmes de maladies, de famines, de transport et de communication ont tous des solutions scientifiques. Ma motivation principale est de mettre en évidence les solutions aux défis mondiaux, et la biotechnologie en est une.

 

Selon William Odinga, le Président de l'Association des Journalistes Scientifiques de l'Ouganda, laquelle est membre de la Fédération Mondiale des Journalistes Scientifiques, la science repose davantage sur les faits, et ces faits sont clairs. Il pense que dans les articles portant sur la science, il n'est pas nécessaire de présenter le point de vue opposé lorsqu'il n'y a pas de preuve pour l'étayer. Il admet que l'équilibre est principalement applicable lorsqu'il y a une allégation mettant en cause quelqu'un ou une institution et que cette partie devrait avoir la possibilité de répondre avant que l'histoire ne soit publiée. Il souligne la nécessité pour les journalistes scientifiques de connaître le sujet afin d'éviter de promouvoir les opinions des gens lorsqu'elles ne sont pas fondées sur des faits.

 

 

La biotechnologie a contribué à sensibiliser la société à la science

 

Les consommateurs de toutes les technologies et innovations fondées sur la science interagissent souvent avec la science au niveau du produit final. C'est vrai notamment pour les produits pharmaceutiques, l'ingénierie, l'électricité, l'agriculture. Cela n'a pas été le cas pour la biotechnologie agricole car certains groupes « concernés » ou « préoccupés » exigent que chaque processus soit expliqué aux agriculteurs et aux consommateurs. La plupart des gens ne sont pas au courant des détails « barbants » de la science et ont toujours du mal à absorber l'information, en particulier sur les problèmes de sécurité liés à la santé et à l'alimentation.

 

Comment les communicateurs, dont la plupart n'ont pas le bagage scientifique nécessaire, peuvent-ils communiquer la science uniquement en fonction de la preuve et comment peut-on susciter l'adhésion du public ? Les scientifiques qui ont la connaissance n'ont pas de plates-forme pour communiquer, ni même de « suiveurs » qui les écoutent. La plupart des scientifiques communiquent dans des journaux qui sont normalement examinés et lus par des pairs. Actuellement, le modèle de travail pour la communication consiste à œuvrer avec des communicateurs qui, dans la plupart des cas, ont déjà un public ou des suiveurs pour communiquer la science.

 

En Ouganda, sous l'égide du Forum Gouvernemental des Communicateurs, les communicateurs ont été incités par le conseil scientifique à en apprendre plus sur la biotechnologie. Le défi sera toujours de trouver le meilleur équilibre entre l'obsession des scientifiques pour les faits et la façon dont les humains consomment et utilisent l'information. Initialement, la participation a été limitée aux journalistes actifs dans la communication de la science à travers les médias. Ces journalistes visitent les essais sur le terrain et informent la population.

 

En janvier dernier, ils ont visité un essai de maïs efficace pour l'eau pour obtenir un point sur les progrès de la recherche. Ils ont appris qu'en dépit de la tolérance à la sécheresse, les lignées de maïs qui ne portaient pas le gène Bt de résistance aux insectes ont subi de graves dégâts causés par le foreur de la tige. Le journaliste a ensuite parlé aux dirigeants locaux et nationaux qui étaient satisfaits de la protection que le Bt conférait à leur maïs. Les leaders des communautés où ont eu lieu les essais du maïs en milieu confiné sont tous d'accord pour dire que la tolérance à la sécheresse et la résistance aux insectes sont essentielles pour assurer la sécurité alimentaire des ménages.

 

_____________

 

* Isaac Ongu est un agriculteur. Il écrit sur la science et promeut les actions politiques fondées sur la science pour relever les défis agricoles en Afrique. Suivez Isaac sur twitter @onguisaac.

 

Source : https://geneticliteracyproject.org/2017/09/21/ugandan-journalist-report-crop-biotechnology-critics-spread-misinformation/

 

 

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