Glyphosate : plus con...
Nous assistons en ce moment à une formidable campagne de désinformation sur le glyphosate et Monsanto. Une campagne à la fois orchestrée et voguant à la dérive, au gré du panurgisme et de la bêtise journalistiques.
FR3 Hauts-de-France nous a livré ce mardi 10 octobre 2017 un scoop : « Un document interne de Monsanto établit un lien entre glyphosate et cancer ».
Patience pour la bêtise. Voici pour le panurgisme :
« Un document interne au géant américain Monsanto, datant de 2008, a été révélé ce mardi 10 octobre par le magazine flamand Knack et le journal néerlandais OneWorld,
Ce fichier PowerPoint censé rester secret expose un lien entre le glyphosate que contient le Roundup et le cancer. On y lit notamment que "le Roundup influence une des phases cruciales de la division cellulaire ce qui pourrait à long terme mener au cancer". »
Nous avons ici des ingrédients classiques : l'agitation de la peur, le conditionnel journalistique ne permettant pas plus, et le complot de la dissimulation de preuve. Notons encore une fois que la peur au conditionnel est plus efficace que le fait, celui-ci pouvant s'infirmer et se démentir.
À la lecture du titre de FR3 Hauts-de-France on s'imagine que quelqu'un a mis la main sur un document qui fait état de recherches de Monsanto établissant un lien entre glyphosate et cancer.
Ce document, le voici :
De quoi s'agit-il ? De l'introduction à une réunion de remue-méninges dans laquelle le présentateur montre en langage télégraphique deux études, l'une de M. Robert Bellé et l'autre de l'illustre Gilles-Éric Séralini.
La belle affaire ! « On y lit notamment... » la conclusion résumée de l'étude Bellé.
FR3 Hauts-de-France s'arrête là... c'est dur le métier de journaliste... Et le résultat – la création de suspicion et de doute – est atteint.
Knack poursuit en évoquant des courriels internes et se livre probablement à un amalgame. Il écrit dans un pavé :
« Il ressort des courriels internes que Monsanto a vu les résultats d'un scientifique français comme un problème sérieux à l'époque. »
Le lecteur passablement matraqué par la désinformation est prié de croire que, pour Monsanto, les résultats de la recherche de M. Bellé étaient crédibles et qu'il était donc démontré qu'il y a un risque de cancer. Pas question d'envisager que Monsanto ait pris cette étude au sérieux – quoique non crédible ou non pertinente – parce qu'elle jetait la suspicion sur le glyphosate.
C'est pourtant ce qu'on peut déduire du texte de l'article qui poursuit :
« Le 28 août 2002, des employés ont conclu que l'image de l'entreprise "a souffert, surtout dans les premiers jours [après la publication]" parce que "personne ne s'est saisi du problème et n'a été responsable de la réponse". Le mémorandum indique que la société en Europe a créé un groupe de travail dédié pour "éliminer immédiatement" les "problèmes" futurs qui menaceraient les ventes de Roundup. »
Pourquoi amalgame ? Parce que le Powerpoint date de juillet 2008 selon OneWorld et que l'on évoque ensuite des courriels qui datent probablement de 2002.
OneWorld ne fait pas dans la dentelle :
« "Une histoire de 40 ans d'utilisation sûre". Avec ce slogan, Monsanto fait la promotion de la sécurité du Roundup, un herbicides populaire que la société vend depuis 1974. Mais dans des documents internes que OneWorld dévoile aujourd'hui avec le magazine belge Knack, le groupe américain de chimie fait un lien entre son propre best-seller et le cancer. »
Semer le doute...
Post scriptum
Nous attendons toujours des deux Stéphane du Monde qu'ils décryptent avec le même sèle – mais avec plus de compétence et de pertinence (honnêteté pour tout dire – les « Monsanto Papers » pour ce qui est du CIRC-gate dont le dernier épisode est la révélation des agissements de M. Christopher Portier.
La Frankfurter Allgemeine Zeitung s'y est mis avec « Der dramatische Kampf um die Deutungshoheit von Glyphosat » (la lutte dramatique sur l'importance du glyphosate), certes en essayant de minimiser... mais les allemands ont l'information.