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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Élevage : quelle empreinte ? Un article scientifique décoiffant

7 Octobre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #Article scientifique, #Elevage

Élevage : quelle empreinte ? Un article scientifique décoiffant

 

 

« Livestock: On our plates or eating at our table? A new analysis of the feed/food debate » (élevage : dans nos assiettes ou mangeant à notre table ? Une nouvelle analyse du débat alimentation animale/alimentation humaine) est l'œuvre d'Anne Mottet (FAO), Cees de Haan (consultant indépendant, ancien de la FAO), Alessandra Falcucci (FAO), Giuseppe Tempio (FAO), Carolyn Opio (FAO) et Pierre Gerber (FAO et Animal Production Systems Group, Wageningen University).

 

Voici les points forts et le résumé.

 

« Points forts

 

  • 86% de la consommation mondiale d'aliments du bétail exprimée en matière sèche consiste en aliments pour animaux qui ne sont pas comestibles pour les humains à l'heure actuelle.

     

  • Contrairement aux chiffres communément cités, 1 kg de viande nécessite 2,8 kg de nourriture comestible pour les humains dans le cas des ruminants et 3,2 kg dans le cas des monogastriques.

     

  • L'élevage consomme un tiers de la production mondiale de céréales et utilise environ 40 % des terres arables mondiales.

     

  • Le bétail utilise 2 milliards d'hectares de surfaces en herbe, dont environ 700 millions pourraient être utilisés comme terres cultivées [ma note : selon la FAO, la surface en culture (cropland) est de près de 18 millions d'hectares].

     

  • Des améliorations modestes dans les ratios de conversion alimentaire peuvent permettre d'éviter une expansion accrue des terres arables consacrées à la production d'aliments pour animaux [ma note : les projections ont été faites à l'horizon 2025].

 

 

 

 

Résumé [nous découpons en paragraphes]

 

L'élevage contribue à la sécurité alimentaire en fournissant des macro- et micro-nutriments essentiels, en fournissant fumier et traction animale et en générant des revenus. Mais il consomme également des aliments comestibles pour les humains et paissent sur des pâturages qui pourraient être utilisés pour la production végétale.

 

Les animaux d'élevage, en particulier les ruminants, sont souvent considérés comme de mauvais convertisseurs d'aliments pour animaux en aliments pour les humains. Cet article analyse les rations mondiales de l'alimentation du bétail et les ratios de conversion en aliments pour les humains, avec une attention particulière pour la diversité des systèmes de production et des matières premières pour l'alimentation du bétail.

 

Les résultats estiment que le bétail consomme chaque année 6 milliards de tonnes d'aliments pour animaux (matière sèche) – dont un tiers de la production mondiale de céréales – dont 86% sont obtenus à partir de matériaux qui ne sont pas consommés par des humains à l'heure actuelle. En outre, les tourteaux de soja, dont la production peut être considérée comme un facteur principal de l'utilisation des terres [ma note : en d'autres termes, on cultive le soja principalement pour la production de tourteaux, l'huile étant le co-produit], représentent 4 % de l'apport alimentaire global du bétail.

 

La production de 1 kg de viande désossée nécessite en moyenne 2,8 kg d'aliments comestibles pour les humains dans les systèmes de ruminants et 3,2 kg dans les systèmes de monogastriques.

 

On estime que le bétail utilise 2,5 milliards d'hectares de terres, des améliorations modestes dans l'efficacité de l'utilisation des aliments pour animaux peuvent réduire l'expansion future.

 

Voilà des affirmations bien décoiffantes. Elles sont pourtant solidement étayées.

 

Il s'agit d'un travail qui fait appel à des modélisations et de nombreuses hypothèses. Il faut prendre les chiffres comme des indicateurs de tendance et non comme des données précises. Il s'agit aussi d'une analyse au niveau mondial. Selon un adage d'économistes et de statisticiens réalistes, quand je mets un pied dans le four et l'autre dans le congélateur, en moyenne, je me sens bien... Les auteurs le précisent. Par exemple :

 

« ...La production de bœuf, en particulier, est souvent critiquée pour sa très forte consommation de céréales [grain], avec des chiffres cités variant entre 6 kg et 20 kg de céréales par kg de boeuf produit (Eshel et al., 2014 ; Elliott, 2012 ; Godfray et al., 2010 ; Garnett, 2009). La limite supérieure de cette gamme est cependant basée sur la production de bœuf en parc d'engraissement, qui représente 7 % de la production mondiale de bœuf selon Gerber et al. (2015) et la FAO (2009) et 13 % selon notre analyse. Elle ne s'applique pas aux autres formes de production de bœuf qui produisent les 87-93% restants. […] Certaines études bien documentées (par exemple, Eshel et al., 2014) couvrant le secteur de l'élevage américain sont souvent citées sans référence claire au contexte géographique auquel elles s'appliquent (par ex. Carrington, 2014) et sont donc mal utilisées pour informer les décideurs et le grand public. Par exemple, la littérature souligne souvent l'efficacité supposée des porcs et des volailles dans la transformation de l'alimentation en viande. Mais ces études ne tiennent pas compte de la part plus élevée des aliments consommés sous forme de céréales comestibles pour les humains et de terres aptes à la production d'aliments pour les humains utilisées par les monogastriques.

 

 

 

 

Voici encore deux paragraphes de la discussion :

 

« La consommation annuelle d'aliments pour bétail (6 milliards de tonnes de matière sèche) représente 60 % de la biomasse totale combinée d'aliments pour les humains et d'aliments pour les animaux, y compris les résidus et les sous-produits, soit environ 20 % de l'appropriation mondiale de biomasse par les humains (Pelletier et Tyedmers, 2010 ; Imhoff et al., 2004 ; Krausmann et al., 2013).

 

Aujourd'hui, la production végétale, la transformation et les chaînes agroalimentaires produisent de grandes quantités de résidus ainsi que des co-produits et des sous-produits, qui représentent près de 30 % de l'apport mondial en aliments du bétail. Ces matériaux seront produits en quantités plus importantes à mesure que la population humaine grandira et consommera toujours plus de nourriture transformée. L'élevage joue et continuera à jouer un rôle crucial en ajoutant de la valeur à ces produits résiduels, dont une grande partie pourrait être un fardeau environnemental. »

 

Cet article n'a abordé la contribution de l'élevage à l'agriculture (et la production alimentaire) considérée dans sa globalité que sous l'angle de la fourniture de fumier et de traction animale. Il faut y ajouter sa contribution à la diversification des rotations. Un point particulièrement important lorsqu'on veut faire de l'« agro-écologie » – contrôler les mauvaises herbes en réduisant notamment les herbicides. Dans le cas de l'agriculture dite « biologique », outre l'apport de fumiers et autres matières fertilisantes organiques, l'élevage contribue aussi à valoriser les cultures telles que la luzerne et le trèfle dont le rôle, principal ou secondaire selon le cas, est d'enrichir le sol en azote et d'étouffer les mauvaises herbes.

 

C'est là un aspect mineur, voire négligeable, dans une étude d'envergure planétaire, mais important dans le débat franco-français.

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