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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Œufs et fipronil : mini-revue de presse

1 Septembre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information

Œufs et fipronil : mini-revue de presse

 

 

 

 

Ce que les fabricants de titres des médias s'obstinent à appeler « scandale » progresse lentement – on l'interprétera, selon la perspective : tentative d'enterrer un dossier (et de fourguer le maximum de « camelote » avant la décision de retrait, pour les marchands de peurs, de doutes et de contestation ; signe que la fraude a eu des conséquences limitées, pour les citoyens rationnels et responsables.

 

Le 24 août 2017, le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation a publié sa liste mise à jour des produits retirés. Nous en sommes à 32, sept de plus que lors de l'annonce précédente, du 22 août 2017.

 

 

 

 

Manifestement l'alarmisme n'est pas très vendeur, malgré les efforts déployés ça et là. Le Monde, pour le prendre en exemple, distille essentiellement les dépêches de l'AFP, avec quelques articles qui se veulent rassurants – dont le didactique « Scandale des œufs contaminés : les questions que vous vous posez » de M. Stéphane Foucart et Mme Audray Garric (comme quoi, quand on veut on peut...). Dans ce contexte, nous signalerons trois articles de presse qui ont retenu notre attention.

 

 

« Ce que Marianne en pense »... ce qu'on pense de Marianne

 

Le 17 août 2017, Marianne a publié sur la toile « Scandale des oeufs contaminés au fipronil : les vrais coupables » de M. Jack Dion, directeur adjoint de la rédaction. L'introduction est un vrai poème :

 

« Après la "vache folle", la viande à la dioxine, la grippe aviaire, le lait frelaté, les graines germées contaminées, les tartelettes Ikea aux matières fécales et les lasagnes à la viande de cheval, voilà les œufs à l'insecticide ! A chaque fois, les mêmes ingrédients sont sur la table : opacité, absence de traçabilité, déréglementation, normes non respectées, diktat de l'agrobusiness et de la grande distribution qui poussent à la baisse des prix, quitte à transformer les consommateurs en cobayes. »

 

Difficile de faire plus démagogique et plus... soyons charitable... Que vient faire la grippe aviaire ici ? Où sont l'absence de traçabilité et la déréglementation en dehors de l'imaginaire de l'auteur ?

 

L'auteur pose toutefois une bonne question, s'agissant de la communication du Ministre Stéphane Travert, avec :

 

« Pourquoi ce luxe de détails s'il n'y a aucun risque ? »

 

Une analyse plus fine et plus respectueuse des faits et des citoyens aurait amené à constater que nous avons construit en Europe un système de prévention et de précaution en matière sanitaire très exigeant et que les pouvoirs publics ne font que l'appliquer. Oui,

 

« Le nouveau ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, se veut rassurant. Interrogé par le Parisien, il assure que le risque sanitaire est "très faible" (ce qui est vrai)... »

 

Et oui, malgré l'absence de risque (c'est dans le titre d'un communiqué du ministère du 11 août 2017), des produits sont retirés du marché...

 

« ...car ils contiennent du fipronil à une concentration supérieure à la limite réglementaire (LMR = 0,005 mg/kg de produit).

 

Bien que ne présentant pas de risque pour la santé, ils sont listés dans un souci d'information du consommateur. »

 

Marianne a bien sûr un droit absolu à exprimer un point de vue, mais nous estimons que l'hebdomadaire a encore succombé à une ligne éditoriale malsaine, et fondamentalement incivique. Les pouvoirs publics n'eussent-ils pas fait retirer des produits du marché – compte tenu de l'absence de risque pour la santé – que la critique de son action eût été aussi féroce.

 

Notons aussi :

 

« Il reste que l'on ne peut se contenter de dénoncer les «tricheurs», comme l'a fait Christiane Lambert, patronne de la FNSEA. »

 

Non, Mme Lambert ne s'est pas contentée... (mais on peut trouver ses propos sur une France « irréprochable » téméraires).

 

La suite relève de propos de comptoirs, ou de tribunes de campagne électorale des extrêmes :

 

« Il reste que la réglementation en vigueur en Europe est une passoire et la surveillance sanitaire, une notion creuse. Il reste que la France, premier producteur d'œufs en Europe, prisonnière du grand marché dérégulé, a été envahie par des œufs douteux. »

 

La chute est tout aussi navrante :

 

« Il reste enfin que, si rien ne change, ce scandale alimentaire sera suivi par d'autres. Jusqu'à quand ? »

 

Quand nous ne mangerons plus, il n'y aura plus de « scandale alimentaire »...

 

 

Vive les peurs alimentaires !

 

Mme Emmanuelle Ducros, de l'Opinion, a interrogé l'auteur de « Panique dans l'assiette – ils se nourrissent de nos peurs » (éd. Le Publieur) et cela a donné le 22 août 2017 « Gil Rivière-Wekstein: "La peur alimentaire est un outil marketing. La filière bio en est spécialiste " ». Notons incidemment que la peur alimentaire est aussi un outil marketing pour... Marianne.

 

En chapô :

 

« L’affaire des œufs au Fipronil démontre, par l’absurde, que les fraudes sont découvertes et enrayées très vite. Ce “scandale” est presque plus rassurant qu’autre chose, d’autant qu’il n’y a pas de souci sanitaire. »

 

Dans cet article, l'accent est mis sur l'ouvrage, plutôt que sur la fraude du fipronil dans la filière avicole. Il vaut la lecture (tout comme l'ouvrage). Extrait :

 

« Pour vous, la « peur alimentaire » relève tout simplement du business...

 

Oui ! Pour moi, nourrir la peur alimentaire n’est ni plus ni moins qu’un outil de marketing pour amplifier les ventes de certaines filières, de certains produits, en jouant pleinement sur l’inconscient du consommateur. L’alimentation est un des seuls domaines où cela se passe ainsi. Viendrait-il à un constructeur automobile l’idée de faire de la pub en expliquant que le choix d’une autre marque de voiture expose l’acheteur à la mort ? C’est pourtant ce qu’a fait la chaîne de produits bio Biocoop en lançant une campagne de pub qui expliquait qu’il ne fallait pas acheter de pommes traitées chimiquement, insinuant que c’était un vrai danger pour la santé. Cela lui a d’ailleurs valu un procès et une condamnation. La filière bio est spécialiste de ce genre de méthodes que n’utilisent pas d’autres filières. On ne constate, par exemple, rien de similaire chez les poulets Label Rouge ; ils ne dénigrent pas les autres produits. Pour moi, il y a un "lobby du bio", incarné par le Synabio, le syndicat du secteur, qui s’est fait une spécialité de financer les organisations et initiatives qui discréditent les autres filières. »

 

 

« Un scandale alimentaire mais pas sanitaire »

 

 

 

 

C'est le point de vue exprimé par M. Jérôme Lassalle, ingénieur agronome, dans les Échos sous le titre : « Œufs contaminés au Fipronil : un scandale alimentaire mais pas sanitaire ».

 

En chapô :

 

« ...Il démontre encore une fois la capacité des agriculteurs et des sociétés à être floués par de belles promesses. »

 

Mouais... il y en a d'autres qui ont été floués... même des têtes d'œuf . Souvenez-vous (enfin les anciens, les plus jeunes interrogerons un moteur de recherche) des avions renifleurs...

 

L'auteur met aussi le doigt sur un problème qu'il serait grand temps d'affronter :

 

« Mais comme dirait la Fable de la Fontaine, "tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute". La société ChickFriends, comme beaucoup d’autres avant elle, a su surfer sur une mode du "tout naturel" qui tient trop souvent à une posture militante qu’à une vérité scientifique, écologique ou même économique. »

 

Et :

 

« Le scandale des oeufs contaminés au Fipronil démontre les travers d’une agriculture biologique "idéalisée", trop souvent perçue comme le remède idéal, empreinte de la nostalgie de la grand-mère. »

 

La critique est rude, mais juste. Pour qu'elle soit totalement pertinente, il faut ajouter que cette idéalisation contamine aussi l'agriculture conventionnelle.

 

Avant de conclure, de manière un peu anachronique, sur l'agriculture de conservation, l'auteur regrette :

 

« Hélas, la pression des produits "tout naturel", aussi légitime qu’elle soit, s’est affranchie des considérations scientifiques et techniques et de siècles d’évolution technico-technologiques. »

 

Pour notre part, nous ne trouvons aucune légitimité dans la pression pour le « tout naturel » (si tant est que cela existe). Mais nous partageons les regrets – et le vœu implicite que l'on remette la (bonne) science et la (bonne) technologie à la bonne place dans notre ordre économique, politique et social (ordre alphabétique).

 

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B
Ces lobbyistes toujours aux manettes de leur sale business pour vanter leur POISONS et alimenter leur soif de pognon.
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