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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

L'odeur suave du progrès

23 Septembre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #Pesticides

L'odeur suave du progrès

 

Steve Savage*

 

 

Un magnifique vignoble dans le comté de Sonoma, en Californie (Wikimedia Commons)

 

 

Au printemps 1980, je marchais dans un vignoble de recherche sur la propriété de l'Université de Californie à Davis. À l'époque, j'étais étudiant diplômé dans le département de pathologie végétale, et j'étudiais les maladies des plantes. J'ai travaillé dans le laboratoire de Mme Mary Ann Sall qui avait la responsabilité de faire des recherches sur les maladies de la vigne – une culture très importante en Californie, qui a servi à mon initiation à l'agriculture. Ce matin particulier, la vigne était en pleine floraison. Le temps de la floraison n'est pas très spectaculaire dans les vignes. Les fleurs n'ont pas de pétales car elles n'ont pas besoin d'attirer les pollinisateurs. La vigne s'autopollinise simplement lors de l'ouverture des fleurs ou avec un petit vent.

 

Voici à quoi ressemblent les fleurs de la vigne (image via Pixabay)

 

Cependant, ce qui m'a frappé ce matin de printemps, c'est qu'il y avait un parfum très agréable qui flottait dans ces vignes. Comme c'était ma quatrième saison dans les vignes pendant la floraison, je me suis demandé pourquoi je n'avais jamais « senti les fleurs » avant. Ensuite, j'ai compris ce qui se passait. Cette vigne particulière n'avait pas été traitée avec du soufre, la protection normale contre une maladie appelée oïdium. Ma patronne l'utilisait pour tester un nouveau fongicide appelé Bayleton. Le Bayleton est un produit chimique de synthèse qui affecte un enzyme d'une voie métabolique qui existe dans les champignons, mais pas dans les plantes ou chez les animaux (fongicides triazoliques, affectant la biosynthèse de l'ergostérol). Le Dr Sall l'a testé comme une nouvelle option pour protéger les vignes d'un de leurs ravageurs les plus préoccupants – une maladie fongique appelée oïdium. En raison de cette nouvelle option de substitution au soufre, j'ai pu faire l'expérience d'un parfum floral qui était différent de toutes mes autres expériences dans les vignes au printemps.

 

Jeunes baies de raisin infectées par l'oïdium (Wikipedia Commons)

 

Les vignes cultivées dans un climat sec et méditerranéen comme en Californie sont épargnées par certaines des maladies les plus problématiques qui sévissent dans des endroits plus pluvieux comme la France et l'Allemagne. Cependant, le champignon de l'oïdium peut infecter les plantes même sans pluie. Si vous avez des rosiers, vous avez probablement vu le type d'oïdium qui attaque ce favori des jardins, et il existe des oïdiums spécifiques à de nombreuses autres plantes sauvages et cultivées.

 

Les gens savaient probablement déjà dans les temps anciens que vous pouviez éviter les dégâts de l'oïdium sur les vignes en les poudrant avec un élément, le soufre. Le soufre, qui peut être extrait, est considéré comme un « produit naturel » et, par conséquent, il est approuvé pour une utilisation en agriculture biologique. Les agriculteurs tant conventionnels que biologiques en utilisent une grande quantité – c'est de loin le pesticide le plus utilisé en Californie, surtout pour la vigne. En 1980, il était fréquent que les vignes soient poudrées avec 7 à 11 kilos de soufre par hectare aussi souvent que tous les 7 à 10 jours à partir du moment où les raisins commencent à croître et jusqu'à ce qu'ils commencent à mûrir. Le soufre était nécessaire pour prévenir les attaques de l'oïdium, qui sont très dommageables pour la qualité du vin, des raisins de table ou des raisins secs.

 

Même si le soufre est « naturel » et bon pour contrôler l'oïdium et les tétranyques, ce n'est pas un produit agréable quand vous travaillez dans la vigne. Il est irritant pour les yeux et la peau. J'ai toujours dû séparer mes vêtements de travail des autres, faute de quoi toute la lessive aurait fini par sentir le soufre.

 

Retour au nouveau fongicide : il s'est avéré qu'avec le Bayleton, les viticulteurs pouvaient contrôler l'oïdium en utilisant une dose de produit beaucoup plus faible qu'avec le soufre et de ne traiter qu'une fois toutes les trois semaines, et non chaque semaine. Lorsque le produit est devenu disponible, il a été adopté avec enthousiasme par les viticulteurs comme une solution bien meilleure que le soufre. Malheureusement, il a été trop populaire et, avec le temps, des souches d'oïdium sont apparues qui étaient résistantes à ce fongicide. Heureusement, des composés plus récents de la même « famille chimique » ont été développés, ce qui a permis de surmonter ce problème et, dans les années suivantes, plusieurs autres bons fongicides anti-oïdium ont été développés avec un « mode d'action » différent. Le soufre joue maintenant un rôle beaucoup plus petit dans les programmes modernes de lutte intégrée dans la vigne qui font tourner différents types de produits pendant la saison afin que le champignon ne devienne pas résistant à l'un d'entre eux.

 

 

Notez que la tendance la plus spectaculaire de l'utilisation moderne des pesticides dans la vigne est la réduction de l'emploi du soufre

(Données résumées par Steve Savage sur la base des données historiques de CalPIP

 

 

Tous ces changements ont été très positifs pour la qualité du raisin, le confort des travailleurs agricoles (et des étudiants) et l'environnement, car on utilise beaucoup moins de carburant pour les traitements que lorsque le soufre était la seule option. Cette chance rare de pouvoir sentir les fleurs de vigne en 1980 a résonné en moi tout au long de ma carrière comme un symbole du progrès régulier de la lutte contre les parasites et maladies. La prochaine fois que vous dégusterez un bon vin, vous pourrez également lever le verre en l'honneur de cet exemple de progrès dans l'art de la protection des cultures.

 

______________

 

* Steve Savage (grapedoc) travaille dans la technologie agricole depuis plus de 35 ans. Initialement formé à la pathologie végétale, il a abordé un large éventail de sujets au cours des années. Depuis 2009, il est également très actif en tant que blogueur et conférencier sur les sujets liés à l'agriculture et l'alimentation.

 

Source : https://betterfoodstories.net/2016/08/16/first-blog-post/

 

 

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