Glyphosate : lisez l'Huma ! Et quelques autres !
Les grandes manœuvres se poursuivent. Des médias parisiens continuent – imperturbablement – de déverser la désinformation. Des médias provinciaux commencent – enfin – à donner la parole à la profession agricole (on peut aussi écrire : la profession agricole a enfin fait le siège des médias provinciaux ; et ajouter : ceux de Paris ne s'intéressent pas ou guère aux bouseux).
L'Humanité est parisien de par son siège, mais un parisien qui n'est pas séduit par la frange bobobio et ne cherche pas à la séduire. Le 19 septembre 2017, il a publié sous la plume de son spécialiste des questions agricoles (et environnementales) Gérard Le Puill un excellent « À propos du débat sur l’interdiction annoncée du glyphosate ».
Enfin, pas toujours séduit... Le « Pesticides. Du glyphosate dans les assiettes » du 15 septembre 2017 était bien moutonnier.
Connaissez-vous M. Gérard Le Puill ?
« Journaliste professionnel depuis 31 ans, Gérard Le Puill a quitté l'école à 14 ans pour travailler 10 ans sur une exploitation agricole en Bretagne et 18 ans comme ouvrier spécialisé dans une grande usine de la banlieue parisienne. Fort de ses expériences professionnelles et spécialiste des dossiers sur l'agriculture et l'environnement, il a déjà publié plusieurs ouvrages sur ces sujets dont Produire Mieux pour Manger Tous d'ici 2050 (2013) ou Bientôt nous aurons faim (2012) aux Editions Pascal Galodé. »
C'est quelqu'un qui a fait l'école de la vie, pas l'École supérieure de journalisme de Lille, comme un certain Stéphane, ou le Centre de formation des journaliste, comme une certaine Stéphane...
M. Le Puill affirme donc :
« Il vaudrait donc mieux que les règles soient les mêmes dans tous les pays membres de l’Union européenne. Mais il est un autre sujet qui rendrait plus contestable encore l’interdiction du Glyphosate en France. Et il s’agit cette fois de bonnes raisons écologiques bien que le propos puisse sembler paradoxal puisque nous avons à faire à un herbicide. »
Et il explique, avec une pédagogie qui devrait aussi être accessible aux journalistes qui ont fait les écoles de journalisme... C'est à lire sur le site de l'Huma.
La citation précédente laisse entendre qu'il avait commencé par un autre argument. Le voici :
« Il se dit aussi que la Commission européenne souhaite une prolongation de dix ans de l’usage du glyphosate, mais qu’elle ne ferait cette proposition qu’en étant certaine d’obtenir une majorité qualifiée auprès des pays membres de l’Union. Si un autre délai est accordé au glyphosate, les paysans de la plupart des pays membres de l’Union européenne continueront de l’utiliser. Si la France est seule à l’interdire, cela se traduira par une distorsion de concurrence au détriment des producteurs français de céréales, d’oléagineux et de bien d’autres cultures que le gouvernement contraindrait à renoncer à cette molécule tandis que leurs concurrent l’utiliseraient et pourraient nous exporter leurs produits ainsi traités. »
C'est là un raccourci pour un double piège qui attend le gouvernement – et la société et l'économie françaises – s'il ne prend pas la mesure des enjeux. Dans le système européen, ubuesque, les matières actives sont homologuées au niveau européen, et les produits commerciaux au niveau des pays. La France peut en théorie voter contre le renouvellement et laisser des produits à base de glyphosate sur le marché. En pratique, si la France vote contre, dans une position minoritaire, elle devra prendre la décision de retirer toutes les autorisations de mise sur le marché délivrées pour des produits formulés.
Pourquoi ? Parce que la situation politique a changé.
Voter contre à Bruxelles et laisser le glyphosate sur le marché français était possible du temps de la Dame aux Caméras, imperméable à certaines logiques et sensible à la démagogie. Le Président Normal n'avait guère de moyens de contrôler les incartades et autres dérapages ; mais il avait aussi l'art de s'accommoder de solutions boiteuses. Une telle situation aurait certes fait grincer les dents de la mouvance alter et anti, mais n'aurait pas choqué outre mesure. Aujourd'hui, un grand écart signifierait un reniement, et ce, d'autant plus que la communication issue de Matignon, ambiguë comme on l'a vu, a été interprétée comme une volonté ferme de réduire l'utilisation des pesticides. « ...l'élimination progressive des pesticides est un engagement du Président de la République », n'est-il pas ?
Le deuxième piège est que la décision sur les autorisations de mise en marché a été déléguée à l'ANSES. Ce serait donc à elle de retirer les autorisations... sauf à refaire le coup d'une loi ou d'un cavalier législatif comme pour les néonicotinoïdes. Et l'ANSES, avec un art tout à fait florentin, avait déclaré en février 2016 qu'« au vu du niveau de preuve limité, une classification en catégorie 1A ou 1B (cancérogène avéré ou présumé pour l'être humain, règlement CLP) ne peut être proposée, mais qu’une classification en catégorie 2 (substances suspectées d'être cancérogènes pour l'homme, CLP) peut se discuter » ; pour ensuite botter en direction de l'Agence Européenne des Produits Chimiques (EchA), laquelle a rendu le verdict que l'on sait : aucune nécessité de changer la classification. Retirer les autorisations reviendrait donc pour l'ANSES à se désavouer et à prouver que la nouvelle économie du processus décisionnel est bidon.
Nous avons écrit en introduction que des médias parisiens continuent – imperturbablement – de déverser la désinformation.
Dans le parisianisme, le grand prix du stupide a sans nul doute été remporté par RFI le 16 septembre 2017. Rapportant les exploits du dernier « rapport de l'ONG anti-pesticides Générations futures », il titre : « Le Circ a classé le glyphosate "cancérogène probable pour l'homme" ». Dans le texte : « Un rapport qui arrive à point nommé. L'Union européenne doit, en effet, décider... » Difficile de faire plus fort dans l'étalage du parti pris idéologique.
Le Point avait publié le 15 septembre 2017 un article tiré de The Conversation, « Santé et environnement : ce que dit la science sur le glyphosate », par M. Noureddine Benkeblia, professeur de botanique et sciences du vivant à l'Université West Indies de Kingston (Jamaïque). On est partagé entre l'hilarité et l'apoplexie. Par exemple : « Les effets toxiques sur la faune s'avèrent plus importants que sur les plantes ». Et un professeur d'université qui cite à l'appui de ses dires – évidemment exclusivement à charge – Judy Hoy, Nancy Swanson et Stephanie Seneff...
Plus récemment, le 19 septembre 2017 – alors qu'il était devenu patent que la dernière « étude » de Générations Futures » était une grossière manipulation –, FranceInfo a tendu le micro pour 6 minutes 45 à M. François Veillerette pour un « VIDEO. François Veillerette : " Il faut retirer le glyphosate du marché" ».
RTL a aussi fait très fort avec Mme Marie-Monique Robin pour un « "Le glyphosate, un scandale pire que l'amiante", selon la marraine du procès Monsanto ». C'est tout simplement effarant. Sur sa page, la rédaction de RTL vous « recommande » aussi :
Glyphosate : "Monsanto représente un lobby absolument énorme à Bruxelles", dit Greenpeace France (nous l'avons évoqué dans un billet précédent)
Du glyphosate trouvé dans des céréales de petit-déjeuner et des pâtes
Interdiction du glyphosate : une pétition adressée à Nicolas Hulot
Les Français tous exposés au glyphosate
Comme on le voit, une information particulièrement équilibrée (ironie) !
Novethic relance le 21 septembre 2017 la lamentable mascarade du Tribunal Monsanto avec « [Video] Dans les coulisses du tribunal de Monsanto », centré sur une aguiche, une bande annonce, du prochain film (et sans nul doute livre) de Mme Marie-Monique Robin. Nous avons eu Nancy Swanson et Stephanie Seneff dans le Point, nous avons ici Anthony Samsel, ainsi qu'un personnage qui fut respecté avant de disjoncter, Don Huber. Nous sommes décidément gâtés. Relevons aussi ces fortes paroles de MMR : « Cette molécule (NDLR, du glyphosate) est l'une des plus toxiques de l'histoire industrielle, et chacun en a des résidus dans son organisme. Il s'agit d'un énorme enjeu de santé publique ! »
Dans le Figaro du 20 septembre 2017, ce n'est pas vraiment de la désinformation, mais on en approche avec « Des agriculteurs très divisés autour du glyphosate » de M. Éric de la Chesnais. Résumé : les agriculteurs conventionnels sont pour le maintien de l'autorisation. Les « bio » – ou plutôt leurs représentants – sont vent debout contre :
« La présidente de la Fédération nationale de l'abriculture biologique est ferme : "Si la France revient sur sa position contre le glyphosate à Bruxelles, nous quitterons les États généraux de l'alimentation », prévient d'emblée Stéphanie Pageot." »
Chiche ?
Voici une petite sélection d'articles :
« La France pourrait perdre plusieurs milliards d’euros en cas d’interdiction ». C'est dans la presse agricole. Autant dire sans guère d'influence sur l'opinion publique.
« EURE-ET-LOIR - Philippe Vigier s'interroge autour du glyphosate »
« Glyphosate : la décision de la France suscite incompréhension et colère chez les agriculteurs »
« FDSEA 45 et JA démarrent l’opération "Hulot : touche pas au glypho !!!" »
Usine Nouvelle a donné la parole à M. Emilien Guillot-Vignot, porte-parole de la plateforme Glyphosate France dans « "Le glyphosate est la matière active qui apporte le plus de solutions", assure le porte-parole de Glyphosate France ». C'est un des rares médias, sinon le seul, à avoir interrogé un représentant de l'industrie. Voici un extrait frappé au coin du bon sens :
« Il y a un consensus sur le fait qu’il faut promouvoir la recherche de solutions alternatives… mais elles dépendent surtout de vous, agrochimistes !
Oui, c’est une réalité, et toutes les entreprises aujourd'hui cherchent des solutions pour demain. Si nous avions des solutions alternatives, issues de chimie de synthèse ou biologiques, bien évidemment qu’on les mettrait à disposition, ce serait même la trouvaille de la décennie ! Mais pour l’instant, le glyphosate est la matière active qui apporte le plus de solutions, avec le meilleur profil toxicologique et éco-toxicologique. Or il faut huit à dix ans pour mettre une nouvelle molécule sur marché.
Du temps, vous en avez eu : le produit est tombé dans le domaine public depuis plusieurs années…
Malheureusement, si aujourd'hui aucune solution n’a émergé au niveau de l’ensemble des entreprises, peut-être faut-il voir les choses dans l’autre sens : il n’y a pas d’alternative aussi efficace et avec un spectre aussi large. »
Ce site mérite une attention particulière. Son « FNSEA et APCA d’accord pour arrêter le glyphosate, mais progressivement » du 12 septembre 2017 relève soit de l'incompréhension des discours tenus par les organisations en cause, soit de la manipulation.