Des activistes attaquent l'envoi humanitaire de semences de maïs « GM » à Haïti – mais elles ne sont pas GM !
Kevin Folta*
The Haiti Sentinel a récemment publié un article du rédacteur en chef Samuel Maxime. Il raconte l'histoire scandaleuse de 150 tonnes de « semences de maïs génétiquement modifiées » envoyées à Haïti depuis le Mexique par le CIMMYT [Centre International d'Amélioration du Maïs et du Blé] – une entité parrainée par Bill Gates et d'autres « amis proches des Clinton ».
Samuel est manifestement mécontent. Comme il l'écrit, les semences ont été envoyées pour relancer l'économie agricole haïtienne dans le cadre d'un partenariat entre le CIMMYT, l'USAID et Feed the Future [nourrir l'avenir].
Cela semble une excellente idée, mais il n'est pas vraiment content. Pourquoi ? Son paragraphe suivant le résume bien. Apparemment, les semences créent des sols toxicomanes et font des agriculteurs des pauvres.
Oh non ! Des semences expédiées pour l'aide humanitaire ! L'atrocité doit cesser ! Mais attendez ! Sont-elles vraiment GM ?
Samuel soutient également que ces organisations distribuent des semences parce que leur principale priorité est le profit, ce qui semble être un modèle économique vraiment ridicule. Voici ce qu'écrit le rédacteur en chef :
Résistance aux OGM
Malgré l'offre de semences résistantes à la sécheresse dans une nation touchée par la faim comme Haïti, les agriculteurs haïtiens se sont montrés beaucoup plus résistants que les OGM dans leur refus de les utiliser dans leurs fermes. C'est parce que l'histoire a montré, depuis la Révolution Verte, que les semences génétiquement modifiées ont créé :
des sols arides et érodés,
des sols accros à la drogue, qui ne produisent qu'avec des suppléments habituellement vendus à partir des mêmes laboratoires,
une hausse des coûts pour l'achat des semences, le maintien des cultures et l'utilisation de la terre,
La diffamation des paysans en tant que producteurs inefficaces, etc.
En Afrique, en Asie, et même au Mexique, les semences du CIMMYT ont vu la résistance des agriculteurs et des citoyens concernés qui prétendent que l'utilisation de ces semences mettra les besoins de subsistance des peuples dans les mains des acteurs internationaux nations-États- entreprises qui n'ont que les bénéfices comme priorité absolue.
Et, bien sûr, la section des commentaires suscite un examen critique de la situation par des experts auto-proclamés qui incendient cet acte cruel et malveillant de don de semences. Monsanto est bien sûr vilipendé...
Ce Clinton pousse de nouveau des produits dangereux de MONSANTO. En les utilisant, vous devenez leurs esclaves parce que vous devrez planter uniquement des produits de Monsanto qui détruisent la terre. « Mete chen deye Clinton ».
Cela n'a rien à voir avec Clinton ou Monsanto. La seule raison pour laquelle les OGM ont été mentionnés est une réaction émotionnelle panurgique de gens qui n'en savent rien, comme vous.
J'espère qu'ils trouveront ces semences et LES BRÛLERONT comme ils l'ont fait la dernière fois que des semences GM ont été envoyées là-bas. Ils respectent la terre et connaissent la valeur de sa protection.
J'espère entendre une déclaration publique du gouvernement et que les leaders haïtiens forceront ceux qui reçoivent de telles semences à les brûler. Ayiti n'est pas prêt pour cela.
Comme d'habitude, les faits n'importent pas et, en réalité, si vous savez de quoi vous parlez, vous vous exposez à des trolls en colère de Twitter et des demandes FOIA d'accès à vos courriels. Le mieux est encore de trouver un croque-mitaine et d'inventer une histoire de fous.
Et pour ne pas être dépassés, les petits génies du Non-GMO Project sont entré dans la danse :
Malgré l'absence de preuve que les OGM offrent des avantages environnementaux ou sanitaires, le Mexique envoie 150 tonnes à Haïti.
Un laboratoire du Mexique envoie la plus grande cargaison de semences GM de maïs à Haïti.
Note : Le gazouillis a été supprimé devant l'avalanche de critiques.
Ce qu'il en reste sur le webcache.
Ouh là là ! Ce maïs doit être vraiment horrible ! C'est le Papillon du Doute [allusion au logo de Non-GMO Project] qui le dit !
Voilà un exemple incroyable des dangers de l'activisme mal placé. Ici, une action humanitaire, par des organismes à but non lucratif et des organismes de bienfaisance de renom, est condamnée parce qu'elle se traduit par l'expédition de 150 tonnes de semences de maïs à haut rendement. C'est une chose magnifique, même si c'est un OGM.
Mais ce n'est pas un OGM !
C'est pourquoi les experts qui ne savent pas de quoi ils parlent, un public enflammé et vociférant, et les marchands de peur du Non-GMO Project sont si dangereux. Ici, ils vitupèrent l'expédition d'un produit sûr qui aidera les agriculteurs les plus pauvres qui en ont désespérément besoin – et ils condamnent cet acte comme étant dangereux.
Une fois encore, leur mépris de la technologie et leurs actes nuisent à des gens.
Le maïs HUGO n'est pas génétiquement modifié.
Les Haïtiens vivent avec environ 1,25 $ (1,09 €) par jour et importent la majeure partie de leur nourriture. L'agriculture de subsistance est un défi sans produits de protection des plantes et le climat de Haïti peut être pénalisant pour les cultures. Les rendements ont été traditionnellement limités à 10 quintaux par hectare. Les rendements dans d'autres pays sont habituellement de 30 à 60 quintaux par hectare.
Le maïs HUGO produit 70 quintaux par hectare et présente des taux élevés de protéines. Il a été développé par le CIMMYT par des méthodes traditionnelles d'amélioration des plantes et a été introduit à Haïti en 2007 par le sélectionneur de maïs Hugo Cordova. Les agriculteurs ont donné son prénom à cette semence en raison de ses performances supérieures.
Cependant, au cours des dix dernières années, la qualité des semences s'est détériorée du fait de l'absence de contrôle de la génétique. Les semences vendues aujourd'hui aux agriculteurs comme leur HUGO préféré ne sont plus ce qu'elles étaient autrefois.
Ainsi, le CIMMYT et l'USAID ont augmenté la production de semences HUGO authentiques – qui arrivent maintenant à Haïti, à la grande consternation de Samuel, de certains commentateurs de Facebook et du Non-GMO Project.
Les nouvelles semences arrivent avec une assistance pour leur multiplication et une formation pour leur culture. L'objectif est de maintenir un bon approvisionnement en semences génétiquement pures pour les semis futurs.
Cette instance nous rappelle encore une fois que les oppositions aux biotechnologies agricoles nuisent aux gens. Dans ce cas-ci, les semences sont qualifiées d'inaptes par des personnes qui se livrent à des classifications, bien sûr, incorrectes. Les appels à brûler les semences et à les rejeter lancés par des bien-pensants sans cervelle nous rappellent la citation célèbre de Hank Campbell :
« Les militants anti-OGM haïssent les entreprises plus qu'ils n'aiment les gens. »
Et nous avons là un parfait exemple.
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* Kevin Folta est professeur et président du Département des sciences horticoles de l'Université de Floride, Gainesville. Ses recherches portent sur la génomique fonctionnelle des petits fruits, la transformation des plantes, la base génétique des saveurs, la photomorphogenèse et la floraison. Il a également écrit de nombreuses livres et publications, le dernier étant « Genetics, Genomics, and Breeding of Berries ». Il est sur Twitter @kevinfolta.
Une version de cet article a été publiée sur le blog de Kevin Folta sous le titre : « The Damage of Misplaced Activism ».
Compléments
1. Il y a eu des manœuvres similaires, peu après le grand tremblement de terre en 2010, lorsque Monsanto a fait un important don de semences (une réponse de Monsanto ici).
2. Le maïs moderne est « hybride », presque exclusivement F1. La semence vendue aux agriculteurs et utilisée par eux – parce que c'est cela qu'ils veulent – est issue du croisement, à grande échelle dans les champs de production de semences, de deux lignées pures (en fait « endogames »). Ce croisement est effectué chaque année, et les agriculteurs rachètent également chaque année des semences. La raison en est que les grains récoltés n'ont plus la même structure génétique et les plantes qui en sont issues n'ont plus les mêmes qualités que celles issues des semences d'origine. On constate en particulier une baisse importante de rendement. Les hybrides ne sont pas « stériles » comme on le voit et l'entend souvent des « experts » militants.
Il existe aussi des « variétés-populations » ou « variétés à pollinisation libre ». Les variétés améliorées sont créées et maintenues sur la base de travaux complexes de choix des géniteurs et de croisements plus ou moins dirigés. Les agriculteurs peuvent garder des grains pour les utiliser comme semences la saison suivante. Mais cette possibilité ne peut être exercée qu'un nombre limité de fois (trois dit le CIMMYT), sauf à accepter des dérives et des déboires (voir par exemple, également du CIMMYT, ici). Il faut donc racheter régulièrement des semences de la filière de production et de distribution compétente et professionnelle et, bien sûr, organiser cette filière.
La variété HUGO introduite à Haïti en 2007 a ainsi dégénéré, faute de filière semencière organisée. Le CIMMYT et ses partenaires fournissent donc à Haïti un nouveau stock de semences de qualité, avec le savoir-faire semencier.
Incidemment, le cas du maïs illustre aussi la futilité de la rhétorique de la « dépendance » des agriculteurs et, par extension, des consommateurs qui seraient pieds et poings liés devant les semenciers (évidemment les multinationales dont M...). Idem pour la rhétorique des « semences paysannes » adaptées au « terroir ».
3. C'est du CIMMYT qu'est partie la Révolution Verte s'agissant du blé.