Selon le Monde, « La France exporte un pesticide interdit vers les pays en développement »... la Suisse
L'illustration sur la toile – que l'on trouve sur bien des sites alter et anti – est adéquatement suggestive...
Modifié le 21 novembre 2011 : Le Monde produit une image modifiée (maintenant disparue) avec pour légende:
« Détournement d’une publicité : "Comment empoisonnons-nous les gens et l’environnement ? En vendant ailleurs, ce qui est interdit chez nous". »
C'est le festival en ce moment sur le Monde Planète... effet des chaleurs estivales peut-être (bis).
Le 29 mai 2017, les lecteurs sur la toile ont eu droit à un « La France exporte un pesticide interdit vers les pays en développement » qui devrait nous faire rougir de honte et, pour les abonnés clavardeurs rédiger un commentaire rageur voire, pour les audacieux, descendre dans la rue.
Le titre comporte une « synecdoque référentielle expansive » : ce n'est pas « La France » qui a exporté, mais une ou plusieurs entreprises situées en France. On l'aime bien cette synecdoque quand on lit que la France a obtenu une médaille d'or lorsque le véritable récipiendaire est un(e) athlète français(e). Mais dans ce cas...
Or donc,
« Depuis le mois de janvier, la France a autorisé l’exportation de sept cargaisons d’atrazine vers la Chine, la Suisse, le Pakistan, le Soudan, l’Ukraine et l’Azerbaïdjan, selon les données de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). La quantité de produit exporté n’est pas publique. Mais cet herbicide, fabriqué majoritairement par la firme suisse Syngenta, est interdit en France depuis 2001 et en Europe depuis 2004 car il polluait les nappes phréatiques. »
Nous ne savions pas que la Suisse était un pays en développement. Mais passons. Voici la suite :
« L’ONG helvétique Public Eye vient de lancer une campagne contre ces exportations, particulièrement celles à destination des Etats signataires de la convention de Bamako, qui applique en Afrique la convention de Bâle sur le transport des déchets dangereux. Ces pays en développement considèrent qu’ils ne devraient pas recevoir un produit si celui-ci est interdit dans son pays d’origine en raison de sa toxicité. »
Le lecteur peu attentif est incité à croire qu'il y a quelque chose d'illicite dans ces exportations. Mais il s'agit d'incurie journalistique. Volontaire ? Involontaire ? Aucune de ces hypthèses n'est charitable. Quant à ce que considèrent ces pays, à juste titre, cela se rapporte aussi aux déchets.
Incurie car, comme l'énonce son titre, la Convention de Bâle a trait aux déchets. La journaliste insiste :
« "Ces exportations constituent à nos yeux une violation de la convention de Bâle, estime Laurent Gaberell, spécialiste du dossier au sein de Public Eye. La France aurait dû interdire ces exportations." »
Et elle insiste encore :
« "Nous pointons du doigt la responsabilité des Etats qui permettent l’exportation de pesticides interdits, estime Laurent Gaberell. Mais les entreprises ont aussi un devoir de diligence". La convention de Bâle ne prévoit pas de sanctions à l’égard des pays membres qui ne respectent pas leurs engagements, mais les soutient afin qu’ils modifient leurs pratiques. »
L'« ONG » Public Eye, qui fut Déclaration de Berne avant une opération de relookage, peut penser, considérer, estimer, etc. ce qu'elle veut. D'ailleurs, dans ce qu'elle pense, considère, estime, etc.,son propre intérêt l'emporte souvent sur l'intérêt des pays et des peuples qu'elle prétend servir. Il faut bien vivre, n'est-ce pas ?
Et, dans ce cas précis, Public Eye veut vivre avec des déclarations dénuées de fondement (hormis le fait qu'il y a des exportations) et, nous n'en doutons pas, en sachant pertinemment que c'est une arnaque intellectuelle. Et le Monde, le journal qui fut de référence, s'en fait l'écho.
Faisons un petit arrêt sur l'activisme de Public Eye (et d'autres). « La France aurait dû interdire ces exportations » ? Ce qui est sous-entendu, c'est que les États africains sont incapables de gérer leurs propres affaires et que, partant, des États comme la France ou la Suisse doivent les gérer à partir de leurs propres frontières. C'est une forme d'arrogance et – au mieux – de néocolonialisme détestables.
Un chercheur harcelé et poursuivi par Syngenta... Être cité par les gmofree... et Cash Investigation vous confère une crédibilité en béton... Le chercheur est complètement discrédité.
Pour bien embobiner le lecteur, le Monde nous sert quelques éléments sur les dangers de l'atrazine, des villes des États-Unis d'Amérique qui ont porté plainte contre Syngenta, l'inévitable Tyrone Hayes, les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur le droit à l’alimentation et sur les déchets toxiques (qui ont produit un « rapport » rédigé par qui?).
Mignonne la référence à Tyrone Hayes :
« L’entreprise [Syngenta] conteste fermement les recherches menées sur des grenouilles par le professeur américain Tyron Hayes, biologiste à l’université de Berkeley, en Californie, qui établissent un lien entre l’atrazine et la formation de cancers de la prostate et du sein. »
Grenouille... prostate... sein...
Et, au milieu de ce capharnaüm, il y a quand même l'information qui aurait dû inciter la rédaction du Monde à plus de sens critique :
« Mais Xavier Thévenot, porte-parole de Syngenta en France, s’oppose fermement aux accusations de l’ONG Public Eye. "L’atrazine est autorisée dans 60 pays, dont les Etats-Unis, explique-t-il. Nous avons tout à fait le droit de l’exporter." »
Résumons :
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Syngenta a des entreprises en France, y produit de l'atrazine et l'exporte de manière tout à fait légale – sauf à nous prouver le contraire, ce qui aurait été fait s'il y avait eu illégalité.
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L'entreprise incorporée sous forme d'association à but non lucratif au sens des articles 60 et suivants du Code civil suisse Public Eye se doit d'être in the public eye, attirer l'attention du public.
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Elle monte ce qu'il convient d'appeler un bobard sur la base de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination – alors que le texte international applicable est la Convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international.
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On ajoutera ici que la situation juridique a été expliquée à Public Eye par les autorités suisses dans une lettre du 27 avril 2017 en relation avec une exportation de paraquat vers le Cameroun (en gras... pour que ce soit bien compris) :
« Le Paraquat n’étant ni un déchet selon la législation suisse, ni un déchet à contrôler selon les informations fournies au secrétariat de la Convention de Bâte par le Cameroun, son exportation ne tombe donc pas dans le champ d’application de la Convention de Bâle et ne peut donc pas être qualifiée d’illégale selon la Convention de Bâle. Son exportation est réglementée par la Convention PIC qui a été appliquée selon les règles en vigueur. »
Mais les ONG ont rarement tort... difficile d'avouer à leurs généreux donateurs que leur argent a été claqué. Public Eye persiste donc, le 8 mai 2017, même au prix d'un mensonge sur la réponse des autorités.
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Le Monde se fait le messager du bobard en l'adaptant aux exportations à partir de la France, et importe la controverse.