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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

« Monsanto Papers » : quand le CIRC contribue à la mascarade du « Tribunal Monsanto » cher à Mme Marie-Monique Robin

30 Juin 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #Glyphosate (Roundup), #Monsanto, #CIRC

« Monsanto Papers » : quand le CIRC contribue à la mascarade du « Tribunal Monsanto » cher à Mme Marie-Monique Robin

 

 

Au Parlement Européen

 

 

Les « Monsanto Papers » montrent que Mme Kathryn Guyton – la fonctionnaire du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) qui a piloté le classement du glyphosate en « cancérogène probable » – avait accepté de « témoigner » devant le « Tribunal International Monsanto » ; de participer à une parodie de justice ; de faire prévaloir ses sentiments personnels sur son obligation de réserve.

 

C'est l'OMS – l'organisation mère – qui a mis le holà. Mme Guyton a donc dirigé Mme Robin vers M. Aaron Blair, qui fut le président du groupe de travail du CIRC sur le glyphosate. Ce faisant, elle a poursuivi sa collaboration avec l'organisation d'un événement, en sachant pertinemment que cela constituait une violation de son devoir d'impartialité ; et que ses agissements, et la participation éventuelle de M. Blair au tribunal fantoche, mettaient en cause la crédibilité et le prestige (ce qu'il en reste) du CIRC.

 

Quant à M. Blair, qui savait dès avant le début des travaux du CIRC, que le classement du glyphosate allait être vicié par la non-prise en compte des dernières données de l'AHS (étude de la santé en milieu agricole), sa ligne de défense est simple, voire simpliste : les données, connues de lui, n'ont pas été publiées... donc elles n'étaient pas pertinentes pour le processus du CIRC

 

 

Commentaire tout à fait déplacé... et révélateur

 

Rappels

 

Rappelons que des procédures judiciaires sont en cours aux États-Unis d'Amérique contre Monsanto à la suite du classement du glyphosate comme « probablement cancérigène » par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). L'une d'entre elles, devant le Tribunal du district nord de Californie (devant le juge Vince Chhabria), est en fait télécommandée par US Right to Know, une association à but non lucratif qui sert les intérêts économiques, notamment, du secteur du bio (son slogan, « à la recherche de la vérité et de la transparence dans le système alimentaire états-unien », est une belle plaisanterie...).

 

L'USRTK met en ligne des documents de la procédure, en principe favorables à ses objectifs. Et ces documents, les « Monsanto Papers » chers à M. Stéphane Foucart et Mme Stéphane Horel du Monde, sont exploités dans les campagnes contre Monsanto et le glyphosate ; et, en Europe, contre le renouvellement de l'autorisation de mise en marché du glyphosate. Comme nous l'avons abondamment relevé sur ce site, les deux Stéphane du Monde jouent un rôle éminent dans cette croisade anti-glyphosate.

 

L'un des derniers documents est la déposition de M. Aaron Blair [lien ajouté le 14 décembre 2017], retraité du National Cancer Institute et président du groupe de travail du CIRC qui a classé le glyphosate en cancérogène probable. Cela fait suite à un article de Reuters, « Special Report: Cancer agency left in the dark over glyphosate evidence » (rapport spécial : l'Agence du cancer laissée dans le noir sur des preuves pour le glyphosate), qui a exploité cette déposition et révélé des choses, disons, curieuses s'agissant du classement du glyphosate. Nous avons produit une première analyse ici. Mme Carey Gillam, ancienne journaliste de Reuters passée lobbyiste pour l'USRTK a produit une « réponse » agressive et dénigrante dans le Huffington Post, « Monsanto spin doctors target cancer scientist in flawed Reuters story » (les communicants de Monsanto attaquent un scientifique du cancer dans un article biaisé de Reuters). Nous pensons que, à la suite de cet article, l'USRTK s'est senti obligé de publier la déposition et certaines pièces connexes du dossier bien qu'elles ne soient pas très favorables à sa cause.

 

 

De Mme Marie-Monique Robin à M. Aaron Blair via Mme Kathryn Guyton

 

Monsanto a dû obtenir la correspondance de M. Aaron Blair dans le cadre d'une demande FOIA (loi sur la liberté d'information) ; l'entreprise a aussi fait citer M. Blair pour une déposition devant le juge Chhabria.

 

Et, dans le lot, il y avait un courriel de Mme Marie-Monique Robin [lien ajouté le 14 décembre 2017]. Elle a écrit le 8 août 2016 à M. Aaron Blair :

 

« Je vous écris au nom du [sic, « on behalf of »] Dr Guyton.

 

En tant que cinéaste et écrivaine française, je suis l'auteure des documentaires et des livres "Le monde selon Monsanto", "Notre poison quotidien", "Les moissons du futur" et "Sacrée croissance", disponibles en anglais (voir les liens ci-dessous).

 

Maintenant, je prépare une nouvelle enquête (film et livre) sur le glyphosate pour laquelle j'ai récemment interviewé Kathleen [sic, c'est Katryn] Guyton et Kurt Straif au CIRC.

 

Dans mon documentaire, je vais inclure des parties du Tribunal International Monsanto, qui se tiendra à La Haye du 14 au 16 octobre. Cet événement tout à fait unique vise à contribuer à une évolution du droit international afin qu'il inclue une nouvelle figure, l'écocide. L'écocide désigne un crime contre l'environnement et les écosystèmes. Selon de nombreuses études, rapports et observations réalisés dans le monde entier, le glyphosate pourrait être considéré – ce que les juges évalueront – comme responsable d'un écocide : il affecte les sols, les plantes, les animaux et les humains. Selon leur verdict, les éminents juges qui ont accepté de siéger au Tribunal feront des recommandations à la Cour Pénale Internationale à La Haye pour reconnaître le crime d'écocide. Vous trouverez plus d'informations sur le TIM sous ce lien : http://www.monsanto-tribunal.org/how/.

 

En tant que membre du comité directeur, j'ai suggéré d'inviter le Dr Guyton en tant qu'experte pour être entendue par les juges. Malheureusement, le Dr Guyton n'a pas reçu l'autorisation de participer de l'OMS. Elle a recommandé de vous contacter, en tant que président du groupe de travail du CIRC sur le glyphosate.

 

Je pense vraiment qu'il est important que vous veniez à La Haye. Kathleen m'a dit que vous êtes maintenant à la retraite et que vous profitez de votre famille quelque part en Floride. Comme vous le savez, notre planète et les organismes vivants qui y vivent (et qui en vivent) sont confrontés à un grand danger. Il est grand temps que l'on trouve de nouveaux outils pour arrêter la machine de destruction afin que nos enfants et petits-enfants puissent vivre dans des conditions décentes. Le TIM contribuera à cela…

 

[…]

 

Ainsi :

 

  • M. Kurt Straif et Mme Kathryn Guyton ont accepté de se faire interviewer pour un film et un livre d'une militante anti-glyphosate et anti-Monsanto.

     

  • Mme Kathryn Guyton a accepté de « témoigner » devant le « Tribunal Monsanto » mais n'a pas reçu l'autorisation de s'y rendre de l'OMS.

     

  • Ainsi empêchée, Mme Guyton propose à Mme Robin de s'adresser à M. Blair.

     

  • Apparemment, M. Blair n'a pas donné suite.

 

 

Des preuves éclatantes de partialité

 

M. Straif et Mme Guyton ont-ils eu l'autorisation de leur hiérarchie pour donner une interview ? Ils ne pouvaient guère ignorer que cette production serait un pamphlet anti-glyphosate et anti-Monsanto ; que leur interview serait mise en contexte pour servir le but poursuivi ; et qu'ils contribuaient ainsi à éroder la crédibilité et le prestige (enfin, ce qu'il en reste) de leur organisation. Ils ne pouvaient guère ignorer qu'en se mettant ainsi au service d'une cause militante, ils allaient aussi semer le doute sur l'emploi, par le CIRC, des normes scientifiques d'évaluation les plus élevées. Comment peut-on croire à une absence de biais et de parti pris quand les agents concernés du CIRC s'engagent dans une telle aventure ?

 

S'ils n'ont pas obtenu cette autorisation, ils ont contrevenu à leur obligation d'impartialité consignée notamment dans les Normes de conduite de la fonction publique internationale. Et si c'est le cas, c'est l'organisation elle-même qui est en cause.

 

Imagine-t-on qu'une équipe de tournage puisse se présenter dans les locaux d'une petite organisation sans que la direction en soit avisée ?

 

 

Le cas particulier de Mme Guyton

 

Que Mme Guyton ait donné un accord de principe pour « témoigner » devant le « Tribunal Monsanto » est proprement stupéfiant... sauf à considérer que, une fois encore, cela prouve la partialité et le militantisme de l'intéressée ; c'est un élément de plus du faisceau de preuves et de présomptions graves, précises et concordantes de la partialité de l'évaluation du glyphosate.

 

Il est du reste intéressant de noter la référence à l'OMS. Fruit d'un automatisme scriptural, ou mise au pas du CIRC par l'organisation mère ? Nous penchons pour la deuxième hypothèse.

 

Mais il y a encore plus stupéfiant. On peut penser que l'on a fait comprendre à Mme Guyton qu'une implication du CIRC dans la mascarade du « Tribunal Monsanto » était fort malvenue. Que fait-elle ? Elle persiste dans sa participation à l'organisation de la mascarade et suggère à Mme Robin de s'adresser à M. Blair. Autrement dit, d'impliquer le CIRC par l'intermédiaire du président du groupe de travail !

 

Rappelons que, pendant un temps, le programme du « Tribunal Monsanto » annonçait le « témoignage » de M. Christopher Portier, présenté comme « expert de l'OMS ». Il y a lieu de croire que l'OMS siège a mis le holà.

 

 

 

 

Le mutisme de M. Blair... et du CIRC

 

L'interrogatoire de M. Blair – que nous reproduisons ci-dessous en traduction – fait aussi état d'une conversation téléphonique le 6 mars, a priori 2017. C'est un peu confus. Mais le fait est que M. Blair n'a pas informé Mme Robin de l'existence des nouvelles données de l'AHS, l'étude de la santé dans le monde agricole, qui ne montraient pas de lien entre le glyphosate et les lymphomes non Hodgkiniens.

 

Pour résumer la déposition, M. Blair n'a pas parlé de ces données parce qu'elles n'étaient pas publiées ; et parce que le CIRC n'utilise que des données publiées (c'est le dogme – nous avons relevé précédemment que c'est faux).

 

Et, pour résumer encore, M. Blair assiste, silencieux, à un acharnement contre le glyphosate qu'il sait injustifié. C'est son choix.

 

Mais ce qui est plus important, c'est que le CIRC ne prend aucune mesure pour corriger un classement en cancérogène probable dont il sait – maintenant et en fait de longue date – qu'il est indu. En bref – et nous osons le mot – que c'est une escroquerie.

 

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Voici la transcription de l'interrogatoire de M. Blair par le conseil de Monsanto, M. Eric Lasker.

 

Q:  Vous avez également contacté – vous avez également été contacté par quelqu'un nommé Marie-Monique Robin, est-ce exact ?

Eh bien, permettez-moi de vous montrer.

 

R :  Y a-t-il un document quelque part ?

 

Q :  Il y en aura un. C'est le prochain de la série. Attendez une seconde.

 

R :  Cela ne me dit rien.

 

M. LASKER [conseil de Monsanto] : ce sera la pièce 25 de la défense.

(La pièce n ° 25 de Blair a été marquée pour identification.)

 

M. MILLER [conseil des plaignants] : Merci. 25.

 

M. LASKER : 25.

 

Q :  Et c'est un courriel d'août 2016 de Marie-Monique Robin à vous, n'est-ce pas ?

 

R :  Oui.

 

Q :  Et dans son courriel, madame Robin explique qu'elle est l'auteure d'un certain nombre de livres qui ont fortement critiqué Monsanto et le glyphosate, y compris – je cite – Notre poison quotidien, est-ce exact ?

 

R :  Je suppose que c'est là-dedans, quelque part, mais...

 

Q :  C'est juste au début de son courriel qu'elle vous a adressé. « Je suis l'auteure de documentaires et de livres, Le monde selon Monsanto, Notre poison quotidien...

 

R :  OK. Oui.

 

Q :  ...Les moissons du futur, Sacrée croissance.

 

R :  Oui.

 

Q :  Et elle accuse aussi dans ce courriel, dans le paragraphe suivant, Monsanto de crimes contre l'environnement et l'écosystème en raison de ses ventes de glyphosate, exact ?

 

R :  Eh bien, je ne vois pas précisément les mots que vous venez de lire, mais...

 

Q :  Et bien, elle parle de soumettre... et à peu près à mi-page, elle parle de faire des recommandations à la Cour Pénale Internationale à La Haye pour reconnaître le crime d'écocide.

Le voyez-vous ?

 

R :  OK.

 

Q :  Donc, elle suggère que Monsanto devrait être jugé devant la Cour internationale – la Cour pénale à La Haye, n'est-ce pas ?

 

R :  Je... je suppose. Je veux dire, ce n'est pas quelque chose que je... je veux dire, cela semble légal que je... je peux deviner ce que disent les mots, mais je n'ai aucune idée de ce que cela signifie.

 

Q :  Et Mme Robin a été dirigée vers vous par Kathryn Guyton du CIRC, n'est-ce pas ? C'est ce qu'elle indique dans la ligne « objet ».

 

R :  Oui.

 

Q :  Savez-vous pourquoi le CIRC a suggéré que Mme Robin vous parle du glyphosate et de ses points de vue sur la Cour Pénale Internationale ?

 

R :  Non.

 

Q :  Croyez-vous...

 

R :  À part que je suppose que c'est parce que j'étais membre du panel du CIRC.

 

Q :  Croyez-vous que la vente de glyphosate constitue une violation des règles internationales de droit pénal ?

 

R :  Je...

 

M. MILLER : Demande de conclusion juridique.

 

LE TÉMOIN : Oui, je...

 

M. LASKER :

 

Q :  Vous n'avez pas d'opinion, d'une manière ou d'une autre à ce sujet ?

 

R :  Non.

 

Q :  Avez-vous...

 

M. LASKER : Celui qui est au téléphone, s'il pouvait le mettre en mode silencieux, s'il vous plaît.

 

M. MILLER : Quelqu'un est-il au téléphone ?

 

Mme WAGSTAFF [conseil des plaignants] : Oui, Aimee Wagstaff. Je le remettrait en mode silencieux.

 

M. MILLER : Merci. Je vous remercie, Mme Wagstaff.

 

M. LASKER :

 

Q :  Avez-vous parlé à Mme Robin des données de la mise à jour de l'Agricultural Health Study [étude de la santé en milieu agricole] qui n'ont montré aucune association entre le glyphosate et le lymphome non-Hodgkinien ?

 

R :  Non.

 

Q :  OK. Vous avez également été contacté le 6 mars...

 

R :  Je ne lui ai pas parlé de l'étude AHS incomplète...

 

Q :  Compris.

 

R :  ...censée montrer aucune... oui. Utilisons ces mots à partir de maintenant.

 

Q :  Et encore, en tant que chercheur pour l'AHS, c'était votre décision de soumettre ces données pour publication ou non, exact ?

 

R :  Oui. Pas la mienne ; des auteurs.

 

Q :  Vous étiez l'un des...

 

R :  Je ne suis qu'un des auteurs.

 

Q :  …des auteurs. D'accord.

 

(La pièce n ° 26 de Blair a été marquée pour identification.)

 

LE TÉMOIN : En avons nous fini avec celle que nous venons d'examiner.

 

M. LASKER : Oui.

 

 

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