Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La « cause animales » sur le Monde et ailleurs : dérapages médiatiques et démagogiques

3 Juin 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Activisme

La « cause animale » sur le Monde et ailleurs : dérapages médiatiques et démagogiques

 

 

Une illustration de l'article du Huffington Post, qui s'est évidemment précipité pour ne pas être en reste. Légende : "Capture d'écran de la vidéo de L214 sur une élevage de poules en Vendée." Ah bon! Avec l'incrustation en haut à droite ?

Il y avait aussi la vidéo... elle n'est plus disponible... Un début de rétractation peut-être...

 

 

 

C'est le festival en ce moment sur le Monde Planète... effet des chaleurs estivales peut-être.

 

Nous venons d'avoir trois articles produits dans un timing parfait.

 

 

Le Monde en soutien du Parti Animaliste

 

Le 29 mai 2017 (date sur la toile) paraît « Elections législatives : à Nantes, la cause animale a trouvé sa candidate » (c'est dans la rubrique « Élections législatives », plus appropriée, mais référencé dans la rubrique « Planète »). C'est de Mme Audrey Garric, que nous avons déjà rencontrée sur ce site à propos de la promotion de la « cause animale ».

 

Un Parti animaliste qui sautera de joie s'il dépasse le 1 % des voix dans 147 circonscriptions mérite bien la bienveillance et l'attention du Monde.

 

 

Le Monde en soutien de l'association animaliste L214

 

Le hasard faisant bien les choses, le lendemain, nous avons droit à « Nouveau scandale sanitaire dans un élevage de 160 000 poules pondeuses », de... devinez... Mme Audrey Garric (dans la version papier du journal, c'est « Scandale dans un élevage de poules en cage »). C'est fondé sur une vidéo, « tournée en caméra cachée » (forcément... lire : images volées sans nul doute acquises au mépris de la légalité) le 4 mai 2017 par l'association L214. Le hasard ? Le hasard organisé...

 

 

Un « scandale » dénoncé avec plus de trois semaines de retard

 

Et l'internaute a droit à une vidéo de près d'une minute sur « De nouvelles images montrent un élevage de poules aux conditions "exécrables" ».

 

Les images sont en effet dures, insoutenables, inacceptables. Mais plus de trois semaines d'écart entre la prise de vue et la publication... Que faut-il en penser ? Le temps nécessaire pour monter des séquences bien gore ? Le temps de mettre la pression sur les acteurs économiques et d'obtenir quelques résultats ? Ou une programmation à visées politiques (et bien sûr médiatiques) ?

 

Nous aimerions toutefois savoir à quoi elles correspondent, ces images, dans un élevage de 160.000 poules. Sont-ce, si on peut se permettre une comparaison, les images d'un terrible accident de la route par rapport à un trafic routier normal, ou celles d'une véritable hécatombe ?

 

 

Mais est-ce vraiment un « scandale » ?

 

Le Monde est un journal d'information, de référence pour la qualité, honnête, n'est-ce pas ? La parole est donc donnée à M. Benoît Geslin, « le directeur de la société familiale fondée en 1973 » :

 

« Ce sont des images choquantes […]. Mais elles ne reflètent pas la situation de la totalité de notre élevage. […] Nous avons des problèmes dans l'un de nos bâtiments : nos animaux sont malades, atteints par la bactérie Escherichia coli. C'est temporaire et cela arrive quand on travaille avec du vivant. »

 

La France Agricole rapporte :

 

« Interviewé sur RTL, Benoît Geslin, qui dirige l’élevage, a réfuté les accusations de maltraitance. "On est face à un problème de santé […], affirme-t-il. Ce sont des animaux malades. Le lot est suivi au quotidien par les gens qui travaillent chez nous et notre vétérinaire conseil. Ça ne reflète pas l’état général du troupeau. On ne peut pas amalgamer la négligence à une pathologie d’élevage, parce qu’on n’est pas dans de la négligence de suivi.»

 

Mais quel poids a sa parole face à un tel déluge d'accusations – dans le Monde sous un titre qui affiche fièrement le « Scandale... » ?

 

N'y a-t-il pas scandale à évoquer un scandale quand les faits ne sont pas encore avérés et qu'ils sont, sinon niés, du moins relativisés pas celui qui est mis en cause par le tribunal de l'opinion activiste et médiatique ?

 

 

Le scandale de l'AFP

 

S'il y a un véritable scandale, c'est certainement celui de l'Agence France-Presse. Le Point publie sa dépêche sous le titre : « L214 met en cause un élevage de poules vendéen et interpelle Panzani ».

 

Où est le scandale ? Une tartine sur L214, une petite bouchée sur les industriels de l'aval – on apprendra toutefois que « la société Lustucru frais va porter plainte pour diffusion de fausses informations »... rien de l'entreprise Œufs Geslin.

 

C'est ce qu'on appelle une information équilibrée... enfin de l'information.

 

 

Des médias plus mesurés

 

Il y a cependant des médias qui ont adopté une autre approche. Ainsi, L'Alsace et Le Dauphiné, qui titrent « Maltraitance dans un élevage de poules: le gérant nie les accusations » et chapôtent : « Dans une vidéo, l'association L214 épingle un élevage de poules en batterie situé en Vendée. Le directeur réfute les accusations. » En comparant ces titre avec le libellé des liens, on peut supposer que la raison l'a emporté sur l'émotion. Ces journaux précisent aussi :

 

« "On a un suivi très rigoureux de notre cheptel. Une inspection de routine la semaine dernière n’a rien montré de particulier et cet après-midi (mardi) une nouvelle inspection des services vétérinaires, probablement diligentée par la préfecture, n’a révélé aucun écart", a assuré M. Geslin. »

 

Toujours selon la France Agricole, l'interprofession de l'œuf a demandé un contrôle et le ministère de l'agriculture a diligenté une enquête. Serait-ce l'inspection de « cet après-midi » [mardi 30 mai 2017] ?

 

 

Quelle suite dans le Monde (et ailleurs) ?

Faisons dans la conspiration et la manipulation : le Monde aurait-il pu produire son article sur la toile le mardi 30 mai 2017 – le jour de l'inspection – et dans sa version papier datée du lendemain, précisément pour préempter les résultats de cette inspection ? Car il n'y a de « scandale » que jusqu'à tant qu'il soit démystifié.

 

Les lecteurs du Monde seront-ils informés de ces développement ? Même question pour tous les médias suivistes. Ou va-t-on les laisser baigner dans l'illusion que, décidément, le monde de l'élevage – selon la vision du Monde – est immonde, carcéral et cauchemardesque ?

 

Selon l'article du Monde :

 

« La directive européenne relative à la protection des poules pondeuses, adoptée en 1999 et entrée en vigueur en 2012, exige ainsi que les gallinacés disposent d’un espace vital d’au moins 750 cm2 (à peine plus qu’une feuille A4), assorti d’un nid, d’un perchoir et d’une aire de picotage et de grattage. Or, selon les vidéos de L214, cette dernière est absente au sein de l’élevage des Œufs Geslin. »

 

La vidéo que le Monde a mise en ligne ne permet pas de conclure.

 

Mais ses lecteurs ont droit à un article à charge, avec publication du nom et de l'adresse de l'élevage, alors que les faits ne sont pas encore établis.

 

 

Le précédent de la SPA de Pau

 

C'est l'occasion de rappeler que 10 mai 2017, le Monde publiait un article au titre évocateur : «La SPA de Pau suspectée d’euthanasies "massives" d’animaux ». En chapô :

 

« L’association Animal Cross accuse la SPA d’avoir tué 1 700 de chiens et chats entre 2010 et 2013. Une audience s’est tenue, mercredi, devant la chambre de discipline de l’ordre national des vétérinaires. »

 

Article lourdement à charge – avec mise en cause d'une personne, certes non nommée mais désignée par sa fonction –, même s'il se conclut par une évocation des difficultés rencontrées par des SPA débordées par le flux d'animaux abandonnés et errants. Et article dont la lecture laisse entendre qu'il s'agit d'un acharnement de l'association et qu'au final, le dossier est bien mince.

 

Article aussi publié (sur la toile) le jour de l'audience devant la chambre de discipline de l’ordre national des vétérinaires. Même principe : il n'y a de « scandale » que jusqu'à tant qu'il soit démystifié. Mais il a aussi précisé que la décision avait été mise en délibéré au 17 mai.

 

Est-ce pour cela qu'il y a eu une suite ? Admettons tout de même qu'il y a eu un service après vente de Mme Garric : « SPA de Pau : relaxe presque totale pour la vétérinaire accusée d’euthanasies massives d’animaux ». Avec en chapô :

 

« La chambre de discipline de l’ordre national des vétérinaires a prononcé un avertissement contre la soignante, coupable de ne pas avoir dénoncé l’utilisation d’éther. »

 

Et, dans le texte :

 

« La vétérinaire a été relaxée pour les autres faits dénoncés par l’association. N’ont pas été retenues les accusations d’euthanasies massives, de non-respect du délai légal de fourrière, de produit létal injecté dans le cœur sans anesthésie préalable ou d’animaux qui s’endormaient à jamais dans des congélateurs. »

 

Un texte dont une grande partie est consacré aux récriminations de l'association Animal Cross, qui fait appel de la décision...

 

Finalement, il n'y avait pas de scandale... mais, en fait... il y a toujours un scandale. Ainsi va le Monde Planète et son soutien à la « cause animale ».

 

 

Courage, fuyons !

 

Mais revenons à notre élevage de poules.

 

Mme Garric écrit :

 

« Mais des preuves recueillies par L214 établissent que les Œufs Geslin approvisionnent notamment une usine de fabrication de pâtes et de quenelles de l'entreprise Lustucru Frais à Lorette (Loire). »

 

Courageuse, mais pas téméraire, Lustucru Frais se dédouane dans le Monde :

 

« La direction de la société Geslin nous certifie que nous ne sommes pas concernés par l'élevage mis en cause. »

 

Idem sur Twitter, avec des réponses répétées ad nauseam.

 

 

 

 

Et on s'abîme en conjectures quand on lit comme réponse à un gazouillis :

 

« Nous avons une traçabilité totale de nos œufs Lustucru et nous pouvons garantir qu'aucun œuf Lustucru ne provient d'un élevage incriminé. »

 

 

 

 

Mais, comme on peut le voir ci-dessus, les réseaux sociaux peuvent être impitoyables. Les comuniquants de Lustucru auraient dû méditer l'aphorisme de Mark Twain, « when in doubt, tell the truth » (en cas de doute, dites la vérité).

 


 

 

 

Et nous ne pouvons que constater avec tristesse que, face aux difficultés d'un fournisseur – d'une branche que l'agro-industrie met sous pression pour obtenir les prix les plus bas –, le Groupe Panzani établit en toute hâte, au mépris de la raison, un cordon sanitaire... accréditant implicitement les thèses de L214.

 

Il a annoncé par un communiqué du mardi 30 mai 2017, d'une part, que « [l]a société Geslin possède plusieurs élevages mais l’élevage incriminé n’a jamais fourni le moindre produit à la Société Lustucru Frais » et, d'autre part, que la Société Lustucru Frais – mais pas le Groupe Panzani dans son ensemble – a décidé :

 

«1. de réaliser immédiatement un Audit sur les conditions d’élevage de la société Geslin, audit qui sera confié à un cabinet indépendant, la société Véritas.

 

2. de suspendre tout approvisionnement auprès des oeufs Geslin dans l’attente des résultats de l’Audit. »

 

Cela... « par principe de précaution »... On peut rêver... ou peut-être s'insurger devant le recours abusif à ce principe.

 

 

De L214... Ils ont gagné, au moins médiatiquement

 

 

Méthodes mafieuses ?

 

La société mère, Panzani, a donc été interpellée. Copions-collons de la France Agricole :

 

« L214 s’adresse aussi au groupe Panzani qu’elle désigne comme le client de l’élevage. Elle lui demande de "cesser de s’approvisionner auprès de tout élevage de poules en batterie. Elle lance ce mardi une pétition et une campagne d’information publique interpellant le n° 1 des pâtes alimentaires en France." L’association organise un rassemblement ce mardi à Paris à cet effet. »

 

C'est une mise en cause implicite – d'une marque qui se fournit en œufs dans cet élevage, ce qui relève de la pression sur les clients d'Œufs Geslin...

 

Certes, la pression n'est pas dirigée contre un fournisseur particulier d'ovoproduits, mais contre un sous-ensemble de la filière. Mais c'est là une méthode dont l'entreprise Produits forestiers Résolu (PFR) a décidé de faire juger la légalité aux États-Unis d'Amérique, sur la base de la loi sur le racket et la corruption dans les opérations sur valeurs mobilières (RICO), conçue à l'origine pour lutter contre la mafia, dans une plainte contre Greenpeace et Stand.earth (anciennement ForestEthics).

 

 

Y aura-t-il une réaction de la filière ?

 

Selon la France Agricole, le Comité National pour la Promotion de l'Œuf (CNPO) a déclaré dans un communiqué (introuvable sur la toile qu'il « juge inadmissibles les conditions sanitaires de l’élevage […] sur les images vidéo qui circulent actuellement dans les médias et qui ne reflètent en rien les pratiques des 2 100 éleveurs de la filière française. »

 

Difficile à interpréter du fait de la coupure. Mais, tel que c'est rapporté, ce n'est ni une manifestation de soutien, ni une preuve de prudence.

 

La suite est un peu meilleure :

 

« "Si des manquements aux bonnes pratiques d’élevage étaient confirmés, l’interprofession se réserve le droit de se porter partie civile dans le cadre d’une éventuelle action judiciaire", poursuit le CNPO, rejetant "l’amalgame et la généralisation qui voudraient faire croire qu’il s’agit d’une situation courante dans les élevages de poules pondeuses en France." »

 

Selon le Monde, M. Philippe Juven, président du CNPO, juge les « promesses du secteur agroalimentaire irréalistes » et dénonce du « greenwashing ».

 

« Nous voulons répondre à la demande des consommateurs, mais il y a des contraintes techniques, économiques et temporelles à ce changement de mode de production. »

 

Nous pensons que ce tohu bohu médiatique est une occasion pour la filière de se présenter sous son vrai jour – pas sous cet angélisme qui caractérise son site principal – et de mettre les vraies réalités sur la table de manière proactive, et non en justification ou excuse, ou encore faux-fuyant à chaque agression des animalistes et de leurs supplétifs médiatiques.

 

Les animaux sont des êtres 'sensibles" ? Pour ceux qui croient que l'objectif de L214 est de faire modifier les conditions d'élevage.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article