Ce que ne révèle pas l'« enquête » du Monde sur les Monsanto Papers (troisième partie) : Fiorella Belpoggi et l'arnaque de Factor GMO
Mme Fiorella Belpoggi, de l'Institut Ramazzini, a participé au montage de Factor GMO, qui aurait dû être la plus grande étude jamais réalisée sur la sécurité des pesticides et des OGM (un budget de 25 millions de dollars, 6.000 rats). Elle a participé au lancement de l'opération et a été l'un des trois membres d'une sorte de conseil de surveillance scientifique.
Elle s'est retirée de l'aventure en toute discrétion.
En fait, le projet n'a pas décollé et, l'appel aux dons fonctionnant encore, a toutes les apparences d'une arnaque.
« ...l’Institut Ramazzini, un célèbre organisme de recherche indépendant et respecté sur le cancer, basé près de Bologne, en Italie. »
C'est ce qu'écrivaient les Stéphane (Foucart) et Stéphane (Horel) du Monde, dans « "Monsanto papers" : la guerre du géant des pesticides contre la science » (titre sur la toile) le 1er juin 2017 (date sur la toile).
Nous avons vu dans les deux billets précédents de cette série – « Ce que ne révèle pas l'"enquête" du Monde sur les Monsanto Papers (première partie) : l'Institut Ramazzini et l'étrange M. Watts » et « Ce que ne révèle pas l'"enquête" du Monde sur les Monsanto Papers (deuxième partie) : Fiorella Belpoggi et l'hystérie anti-glyphosate » – que la réalité est tout autre : c'est une officine de production de pseudo-science. Donnez-leur un sujet, et ils vous démontreront qu'il cause le cancer ; au minimum, ils produiront un communiqués de presse bien angoissant.
11 novembre 2014 : « Factor GMO » est lancé par une conférence de presse à Londres.
C'est censé être la plus grande étude jamais réalisée sur sur la sécurité des OGM et des pesticides pour un coût de... 25 millions de dollars, pour lequel est lancé un appel à dons. Et 6.000 (six mille) rats !
Cette étude se fera, est-il dit, dans un lieu tenu secret par des chercheurs dont l'identité ne sera pas révélée... histoire d'éviter les « mésaventures ». Complotisme qui a un célèbre précédent (voir par exemple ici et ici)...
À la base de l'initiative, une ONG russe, l'Association Nationale pour la Sécurité Génétique (National Association for Genetic Safety – NAGS). C'est une association d'une parfaite neutralité et objectivité, sans parti pris... pensez donc... elle annonce sur son site avoir mené en 2008 une recherche en partenariat avec l'Institut A.N. Severtsov d'Écologie et d'Évolution de l'Académie Russe des Sciences qui a montré que des hamsters nourris avec du soja GM étaient incapables de produire une troisième génération...
Une petite recherche, sur Google Scholar, sur la production de cet institut sur les OGM livre en tout et pour tout « A New Example of Ectopia: Oral Hair in Some Rodent Species » (un nouvel exemple d'ectopie : des poils dans la bouche de certaines espèces de rongeurs), d'A. S. Baranov, O. F. Chernova, N. Yu. Feoktistova et A. V. Surov (M. Baranov a été le premier président de NAGS).
C'est, en partie, ce fameux hoax des hamsters qui développent des poils dans la bouche, qui a fait le bonheur de la galaxie anti-OGM (notons cependant que les OGM ne sont mentionnés dans cet article que comme une cause hypothétique). L'article initial en français a été piteusement retiré mais on trouve encore ses avatars, généralement sous le titre : « L'étude russe qui prouve que les OGM stériliseront l'humanité au bout de 3 Générations » (par exemple wikistrike ou, comble d'incongruité, Stop mensonges) ; pour des démontages, voir par exemple « Hamsters nourris au soja GM : l’origine d’une légende » et « Hamsters nourris au soja GM : rebondissements cocasses ! » de M. Anton Suwalki, et « La peur des OGM : construction médiatique d'une paranoïa » de M. Yann Kindo.
(source)
La vice-présidente de NAGS est un personnage d'anthologie de l'anti-ogmisme primaire : Mme Irina Ermakova. Il suffit de jeter un regard sur les titres de ses publications sur son site – par exemple : « Russians threatened by GM Genocide » (les Russes menacés de génocide GM) – pour se rendre compte que, décidément, de bonnes fées ont assisté à la naissance de Factor GMO.
Et qui a participé à la conférence de presse ? Vous l'aurez deviné... Mme Fiorella Belpoggi, de l'Institut Ramazzini.
Les chercheurs impliqués dans la réalisation du projet ne sont pas connus – mais on nous garantit qu'ils « viennent d’un contexte scientifique "neutre" » et qu'ils « n’ont aucune connexion avec l’industrie biotechnologique ou avec le mouvement anti OGM, un facteur qui ajoutera de la crédibilité aux résultats ».
En revanche, on connaît les membres d'une sorte de comité de surveillance, le « Comité d’examen scientifique international » : M. Bruce Blumberg, de l'Université de Californie Irvine ; Mme Oxana O. Sinitsyna, notamment sous-directrice pour les sciences auprès de l’Organisation de l'État fédéral « Institut de recherche A.N. d’écologie humaine et d’écosalubrité », du Ministère de la santé de la Fédération de Russie ; et... et... Mme Fiorella Belpoggi, de l'Institut Ramazzini.
Rectificatif : Mme Belpoggi était membre de ce comité. Son nom et son C.V. ont disparu de la page du site de Factor GMO. Mais il reste des traces, par exemple ici ! Ou encore ce gazouillis. Ou encore cette interview, dans laquelle elle parle notamment de ses activités dans la phase préparatoire.
Curieusement, la page d'accueil du site comporte une photo de la conférence de presse, avec Mme Belpoggi (troisième à partir de la gauche), mais pas la page en italien.
Mme Belpoggi a rompu les ponts, probablement en mars 2016, et en tentant d'effacer autant que possible les traces.
C'est à son honneur, à notre sens. Mais cela le serait encore plus si elle avait rendu ce retrait public, avec ses motifs.
Musarder sur le site, et surtout lire les commentaires, suggère fortement que cette opération est – ou est devenue – une arnaque. Le site est fossilisé. Le contact occidental, M. Ivan Lambert, ne répond plus aux commentaires depuis longtemps. La page twitter s'arrête aux vœux de fin d'année du 25 décembre 2015, le gazouillis précédent étant du 7 avril 2015. La page Facebook est un peu plus active, avec un billet (sur M. Donald Trump...) partagé le 2 février 2017 et, précédemment, l'annonce d'un nouveau membre du Conseil public, le 31 mars 2016. Mais les questions des internautes – y compris si l'étude (censée avoir débuté en 2015) a bien commencé – se heurtent à un silence assourdissant.
Et il y a ces commentaires :
Oui, le système de recueil de dons est encore actif. On sait que l'argent va vers la Fédération de Russie. Mais où précisément ?...
P.S.
Il n'y a pas que des bonnes fées, mais également des mages, qui se sont penchés sur le berceau de Factor GMO. Voici ce qu'écrivit le CRIIGEN en introduction d'un article du Journal de l'Environnement :
« Reproduire les expériences pour faire avancer la science
Le CRIIGEN s'associe au Pr Séralini pour saluer le lancement de la nouvelle étude indépendante FactorGMO sur l'impact toxicologique de la consommation du maïs OGM NK603 et de son herbicide associé le Roundup, dans la lignée directe d'une reproduction de leur étude de 2012.
Gilles-Eric Séralini se félicite ainsi de "cette bonne nouvelle" : "je ne peux que me réjouir d’avoir été à l’initiative de tels travaux, c’est en répétant les études que l’on pourra confirmer nos résultats", explique-t-il au JDLE dans l'article suivant. »
Très franchement, nous nous interrogeons sur les (quelques) cris de joie qui ont accompagné l'annonce d'un projet devisé à 25 millions de dollars collectés par financement participatif. Et encore plus sur ceux de chercheurs qui, ayant travaillé sur 200 rats (avec un budget de 3 millions d'euros – nous supposons que c'est com' comprise), ne trouvent rien à redire à l'utilisation annoncée de 6.000 rats.