L'adhésion du Bangladesh à la technologie des OGM peut favoriser l'innovation dans les pays en développement
Steven Cerier*
La quête de la technologie GM par le Bangladesh pour augmenter la production alimentaire et contrer l'impact du changement climatique pourrait servir d'exemple pour d'autres pays en développement qui sont confrontés aux mêmes problèmes.
Le Bangladesh est l'un des pays les plus pauvres du monde, avec un revenu par habitant de 1.400 dollars en 2016 selon le Fonds Monétaire International. La plupart de ses agriculteurs sont de petits propriétaires fonciers qui peinent à gagner leur vie. Pourtant, il est devenu un innovateur mondial dans le développement de la technologie GM. Il a développé avec succès un brinjal (aubergine) résistant à des insectes depuis 2013 et est sur le point de déployer en culture, parmi d'autres, une pomme de terre résistante à une maladie, un riz enrichi en provitamine A et un cotonnier résistant à des insectes.
La prolifération des plantes génétiquement modifiées au Bangladesh pourrait revêtir une importance mondiale en démontrant à d'autres pays pauvres les avantages de la promotion des productions végétales et du revenu agricoles grâce à l'augmentant des rendements et la réduction des coûts des insecticides et des herbicides.
L'utilisation du brinjal de Bt, par exemple, pourrait inciter l'Inde à introduire la culture. L'Inde a été le premier pays à développer le brinjal Bt, et le Bangladesh en a autorisé la culture sur la base des données indiennes sur la biosécurité. En réponse à l'opposition domestique, cependant, le ministre indien de l'environnement a imposé un moratoire sur la commercialisation du brinjal Bt en 2010. La résistance des forces anti-OGM a empêché sa culture. Un éditorial de 2016 dans l'Indian Express a relevé ceci :
« Il est ironique que les agriculteurs du Bangladesh cultivent actuellement du brinjal Bt qui a été développé à l'origine en Inde et qui n'a pas pu être autorisé ici en raison de l'opposition idéologique [...] Il est temps pour notre gouvernement [...] de s'engager davantage envers l'avancement de l'agriculture par la science et la technologie. Les agriculteurs indiens ont le même droit aux solutions scientifiques qui contribueraient à accroître leur productivité, leurs revenus et leurs moyens de subsistance. »
Le Myanmar voisin pourrait également être incité à devenir plus ouvert à la biotechnologie. Cette nation était autrefois un important producteur de denrées alimentaires avant que l'économie ne languisse sous l'ancien gouvernement militaire. Pour beaucoup de ses cultures, y compris le riz, l'arachide, les légumes secs et le sésame, ses rendements sont bien inférieurs aux niveaux observés dans d'autres grands pays d'Asie et sont en dessous de leur potentiel historique.
Selon la Banque Mondiale, « les sols exceptionnellement fertiles du Myanmar et l'abondance de l'eau sont légendaires en Asie du Sud-Est. On dit même que le Myanmar dispose des conditions agricoles les plus favorables de toute l'Asie. Presque tout peut être cultivé dans le pays, des fruits aux légumes, du riz aux légumineuses. »
À l'heure actuelle, le gouvernement maintient une attitude prudente vis-à-vis des OGM. Après quatre années d'essais sur le terrain, la commercialisation du cotonnier Bt a commencé en 2010. Le Myanmar n'est pas un producteur important de coton, mais environ 88 % de la superficie cotonnière est maintenant en Bt. Selon un rapport du Service International pour l'Acquisition de Produits Agro-biotechnologiques sur le Myanmar :
« On estime que les producteurs de coton Bt ont augmenté le rendement du cotonnier de 125 % [...] de 2006/07 à 2012/13 [...] L'augmentation du revenu peut aller jusqu'au triple du revenu de cultures concurrentes comme les haricots, les légumineuses, la canne à sucre et le sésame, et peut même être plus élevé que le revenu tiré du riz. Les estimations provisoires indiquent que l'augmentation du revenu agricole grâce au cotonnier Bt se monte à 293 millions de dollars pour la période 2006-2013. »
Le gouvernement a également autorisé des essais sur le terrain d'arachides génétiquement modifiées qui peuvent être cultivées dans un sol salé.
Beaucoup de militants anti-OGM se plaignent que la technologie des OGM est dominée par quelques agro-entreprises, créant ainsi un monopole sur la technologie. Ils soutiennent également que la technologie ne bénéficie pas directement aux consommateurs, mais est plutôt dominée par les grands agriculteurs des pays riches qui cultivent du soja, du maïs et du cotonnier. C'est un point de vue infirmé par l'application de la technologie GM par le Bangladesh. La culture du brinjal Bt fait partie d'une collaboration internationale entre le Département de l'Alliance pour la Science de l'Université Cornell et l'Institut de Recherche Agricole du Bangladesh (BARI), sans participation d'entreprises du secteur privé ; elle bénéficie directement aux petits agriculteurs pauvres, en les aidant à augmenter leurs faibles revenus. Selon l'Université Cornell :
« [...] Le brinjal est une culture de base qui est une source importante de revenus et de nourriture pour les agriculteurs et les consommateurs en Asie du Sud. En raison de l'infestation par le foreur des fruits et des tiges de l'aubergine (BFSB), jusqu'à 70 pour cent de la récolte d'aubergines ne parvient jamais sur le marché en Asie du Sud [...] En Asie, les agriculteurs pulvérisent des insecticides dangereux aussi souvent que tous les deux jours pour contrôler le BFSB [...] Le brinjal Bt augmente la sécurité alimentaire et réduit l'utilisation d'insecticides qui affectent négativement la santé humaine et l'environnement [...] »
La technologie GM pour le brinjal Bt et pour les autres cultures testées sur le terrain a été développée par des chercheurs indigènes et les recherches ont été menées par le BARI, une organisation autonome sous l'autorité du Ministère de l'Agriculture. Il entreprend des recherches sur toutes les cultures, à l'exception du riz, du jute, de la canne à sucre et du thé, pour lesquels il y a des instituts distincts.
L'application de la biotechnologie agricole qui pourrait avoir l'impact le plus important au Bangladesh est peut-être la culture du Riz Doré enrichi en provitamine A. Pour de nombreux chercheurs et scientifiques du domaine des OGM, la commercialisation réussie du Riz Doré est quelque chose qui ressemble au Saint Graal. Elle pourrait contribuer à dissiper les doutes injustifiés et les craintes quant à la sécurité des OGM. La recherche sur le riz a commencé dans les années 1990, mais la mener à bien s'est révélé diaboliquement difficile. Les retards dans l'introduction du riz sur le marché ont réjoui les adversaires du riz enrichi en provitamine A comme moyen de traiter la déficience en vitamine A (VAD) – en particulier Greenpeace, l'un des opposants les plus bruyants. Selon cette organisation :
« Le Riz Doré est une solution de culture proposée, mais non viable en pratique, qui n'a jamais été mise sur le marché. Les dizaines de millions de dollars investis dans le Riz Doré GM auraient pu être affectés plus judicieusement aux solutions VAD pratiques et fonctionnelles, telles que les compléments alimentaires, la fortification alimentaire et la production en jardins domestiques d'aliments naturels riches en vitamine A et autres nutriments essentiels [...] Il est irresponsable d'imposer le Riz Doré GM à des gens si cela est contraire à leurs croyances religieuses, leur patrimoine culturel et leur conception de l'identité. »
La position de Greenpeace a attiré les critiques des scientifiques, 110 lauréats du prix Nobel ayant rédigé une lettre ouverte critiquant la position de l'organisation sur l'utilisation des OGM :
« Nous exhortons Greenpeace et ses partisans à réexaminer l'expérience acquise par les agriculteurs et les consommateurs dans le monde entier sur les cultures et les aliments améliorés grâce à la biotechnologie, de reconnaître les résultats des organismes scientifiques faisant autorité et des organismes de réglementation, et d'abandonner leur campagne contre les "OGM" en général et le Riz Doré en particulier. »
Après des années de recherche, il semble que la commercialisation puisse débuter en 2018. Pour les supporteurs de la technologie GM, un tel développement serait une énorme victoire. Ce serait une victoire encore plus grande pour ceux qui bénéficieront de la consommation de Riz Doré. L'Organisation Mondiale de la Santé a classé la carence en vitamine A en tant que problème de santé publique ayant touché environ un tiers des enfants de 6 mois à 59 mois en 2013, les taux de prévalence les plus élevés se trouvant en Afrique subsaharienne (48%) et Asie du Sud (44 pour cent).
Le succès du riz enrichi en provitamine A au Bangladesh pourrait également encourager les essais sur le terrain en cours aux Philippines. Il donnera aussi un nouvel élan aux chercheurs et aux scientifiques d'Afrique qui travaillent sur des bananes, du sorgho et du manioc enrichis en provitamine A, modifiés génétiquement.
L'application réussie par le Bangladesh de la technologie GM pourrait servir de modèle. Si ce pays peut développer ses propres plantes génétiquement modifiées, alors d'autres nations pauvres le peuvent également. Il pourrait ouvrir de nouvelles avenues pour que ces nations puissent nourrir leurs populations en croissance et réduire les pertes de récoltes face au réchauffement climatique.
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* Steven E. Cerier est un économiste international et un contributeur fréquent de Genetic Literacy Project.