Carpetbaggers* : les activistes des ONG américaines débarquent à Bruxelles
Riskmonger**
La vie d'un activiste de l'environnement est plutôt difficile à Washington. Le gouvernement des États-Unis ne lui donne pas des millions de dollars pour tenir des réunions secrètes. Le processus de réglementation fondé sur le risque signifie qu'il doit produire des preuves pour que quelqu'un commence à l'écouter. Les législateurs sont vraiment élus et doivent rendre des comptes à de vraies gens (et non pas aux « nous » concoctés par des campagnes de communication). Le public est préoccupé par la croissance et les emplois, et non par l'idéalisme et les peurs fabriquées. La précaution est tenue pour une réaction humaine normale et non pour un outil politique artificiel pour des opportunistes dépourvus d'intégrité. Ajoutez un narcissique pro-business à la Maison Blanche et vous comprendrez pourquoi les activistes américains sont tout le temps en colère.
Heureusement, il existe des pâturages plus verts pour les activistes américains à Bruxelles.
À Bruxelles, ces activistes peuvent amener leurs campagnes chargées d'émotions dans un environnement réglementaire axé sur le danger, où l'impulsion politique est donnée par la précaution et où les marchands de peur sont les bienvenus à la table de discussion. Donc, si vous étiez un riche américain disposant d'un confortable trésor de guerre anti-Trump, où en auriez-vous le plus pour votre argent ? À Bruxelles. En effet, dans les restaurants végétariens et les cafés Starbucks qui foisonnent autour de la Place Schuman, le Riskmonger entend de plus en plus de ces Américains amicaux et sympathiques répandre leurs propos trompeurs, bien emballés, d'activistes en colère – les carpetbaggers sont arrivés pour mettre les régulateurs locaux naïfs sur la bonne voie.
Leur logique est simple. Si vous êtes un lobbyiste qui est rémunéré par l'industrie des produits biologiques et gère une ONG basée à Washington, vous vous battez avec un Congrès rempli de représentants et de sénateurs d'États agricoles (la Californie et New York n'envoient au total que quatre voix au Sénat), vous n'avez guère de perspectives de succès et vous ne pouvez mesurer vos progrès qu'en pas de bébé. Sans preuve scientifique ou soutien de la base, personne en dehors de cette Californie si heureuse avec son étiquetage ne prend vos campagnes de peur au sérieux. Mais si vous pouvez faire interdire vos substances cibles (le glyphosate et certains néonicotinoïdes sont les objets du mois) par cette Commission Européenne si influençable, si pauvre en esprit juridique et penchant à gauche, alors vous pouvez arborer une plume à votre chapeau, retourner à Washington DC et essayer de lancer une action de réglementation.
C'est donc à Bruxelles qu'il faut mener une campagne américaine.
Les "internes" ? Une main d'oeuvre très recherchée par les "ONG" (et hélas bien d'autres)
Il s'agit d'une nouvelle génération de carpetbaggers. Un carpetbagger est un opportuniste qui se déplacera là où les gens ou les institutions ne sont pas sophistiqués et profitera des faiblesses pour acquérir pouvoir et influence. Le terme a été forgé à la suite de la guerre civile américaine (pendant la reconstruction) lorsque des hommes politiques du Nord sont descendus dans le Sud et y ont exploité le chaos et le vide de pouvoir (souvent pour un gain personnel). Ils n'avaient aucune racine dans la région et aucun intérêt à ce que la situation locale s'améliore.
Arrêtons-nous une minute et réfléchissons. Quel est le problème du glyphosate pour les Européens ? La toxicité du glyphosate est inférieure à celle des biscuits et du café. Les traces dans les aliments sont dans la fourchette des parties par milliard (insignifiantes). Il se décompose naturellement dans l'environnement en quelques jours. En dehors d'une étude extraordinairement biaisée ( du CIRC), toutes les institutions scientifiques l'ont déclaré exempt de reproches. Il n'est plus breveté depuis 2001 (il est donc bon marché) et, après plus de 40 ans de services, l'herbicide du siècle offre toujours aux agriculteurs ce dont ils ont besoin. Le glyphosate permet aux agriculteurs d'enrichir efficacement le sol en matière organique car ils peuvent détruire facilement les cultures de couverture complexes tout en pratiquant une agriculture sans labour (entrez l'expression « agriculture de conservation » dans Google...). Seul un idiot envisageait de retirer une substance aussi précieuse de la boîte à outils agricole européenne.
Il n'y a qu'une seule raison logique pour laquelle quelqu'un voudrait faire interdire le glyphosate. Il est utilisé en combinaison avec des variétés de plantes GM résistant à l'herbicide. Donc, pour les ONG qui veulent faire interdire les OGM, la première étape consiste à faire interdire le glyphosate. Mais la plupart des agriculteurs européens ne cultivent pas d'OGM. Le glyphosate fait l'objet d'une campagne activiste américaine menée depuis Bruxelles.
Il n'y a qu'une seule raison logique pour laquelle quelqu'un voudrait traîner le glyphosate dans la boue. Il est utilisé en combinaison avec des variétés de plantes GM résistant au glyphosate. Donc, pour les ONG qui veulent interdire les OGM, la première étape consiste à faire interdire le glyphosate (oh ! Ne parlez pas du dicamba à ces Einstein !). Mais la plupart des agriculteurs européens ne cultivent pas d'OGM. En d'autres termes, le grand charivari relatif au glyphosate qui a paralysé l'Union Européenne ces deux dernières années, qui a bloqué de manière unilatérale le processus de comitologie de l'UE (menant à une proposition de réforme inutile et dangereusement myope) a été causé par les ONG américaines ayant importé leur campagne anti-OGM à travers l'Atlantique. Le glyphosate fait l'objet d'une campagne activiste américaine menée depuis Bruxelles. Lorsque cette Bruxelles qui se fonde de manière désespérante sur le danger l'aura interdit, une pression immense sera exercée sur les régulateurs américains.
Plus le Commissaire européen à la santé, le Dr Andriukaitis, tergiverse et ne fait pas preuve de leadership réglementaire sur le glyphosate, plus il ressemblera à un pantin des Américains. Il est extrêmement embarrassant de voir comment les Européens passent pour stupides, ayant été floués si facilement par une bande de hippies et de naturopathes américains.
Le principal carpetbagger contre le glyphosate est le statisticien américain Christopher Portier. Il a quitté sa carrière en tant que scientifique régulateur des États-Unis pour rejoindre l'ONG anti-pesticides, Environmental Defense Fund, et a dirigé la campagne de sa vie à partir de l'Europe. Et donc il a pris son bâton de pèlerin (voir les liens ici) :
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L'ONG de Portier a couvert ses frais, mais en toute opacité, pour faire un stage au CIRC où Portier, en tant que président (pas vraiment extérieur à l'organisation), a convaincu le comité des monographies du CIRC de faire une étude sur le glyphosate.
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Un an plus tard, bien qu'il ne soit pas toxicologue, Portier a réussi à être le seul conseiller technique externe du Groupe de travail sur le glyphosate du CIRC (et le CIRC a « malencontreusement » oublié de déclarer l'affiliation de Portier).
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Le verdict de culpabilité rendu par le CIRC et sécurisé, Portier, résident en Suisse (et un fier membre de l'Institut italien Ramazzini – une sorte de Rotary Club pour les scientifiques activistes), a mis en branle son héroïque campagne européenne.
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On a vu Portier conseiller les gouvernements et participer à des événements médiatiques au Royaume-Uni, en France et en Allemagne. Il a écrit des lettres à la Commission Européenne signées par tous ses amis (son approche « science Facebook » a indigné le responsable de l'EFSA, Bernhard Url). Portier a même eu une réunion privée avec le commissaire européen à la santé Andriukaitis.
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Une autre ONG, HEAL, a utilisé l'argent des contribuables de l'UE pour faire venir Portier à Helsinki pour qu'il témoigne dans une audition organisée par l'Agence Européenne des Produits Chimiques sur le glyphosate (soi-disant pour enseigner la science réglementaire à ces « Européens stupides »).
Mais comme n'importe quel carpetbagger digne de ce nom, Portier n'a pas perdu son objectif de vue. Lorsque le comité CARC [Cancer Assessment Review Committee] de l'EPA a publié son rapport qui a conclu que le glyphosate n'était pas cancérogène, Portier a demandé à l'agence de « dépublier » rapidement le rapport. Son argument a été qu'il pourrait influencer la décision, en chantier au niveau de l'UE, de rejeter le renouvellement du glyphosate (et anéantir tout son travail acharné).
L'arène du lobbying américain est dirigée par des avocats (OK, dans une société aussi chicaneuse, tout est géré par des avocats). Des ONG comme l'Environmental Defense Fund ou l'Environmental Working Group sont des pseudo-cabinets d'avocats qui disposent d'une stratégie claire – mettre du sable dans les rouages du processus politique en traînant les régulateurs et les entreprises devant les tribunaux. La stratégie de la « tabacisation » a été étendue à des entreprises comme Monsanto et ExxonMobil – l'idée est simple : garder les sociétés devant les tribunaux pendant des décennies jusqu'à ce qu'elles quittent le secteur, utiliser des actions de groupe pour consolider l'indignation publique et trouver des avocats de district qui recherchent la notoriété par le soutien populaire (en échange des données des serveurs de messagerie d'entreprises).
L'arène du lobbying de Bruxelles a été conçue autour du dialogue entre les parties prenantes, du compromis et du respect des procédures (et non des tentatives de modifier les codes juridiques ou de créer des précédents par la force ou la ruse). Les carpetbaggers ont amené cette stratégie de judiciarisation à Bruxelles, une ville qui n'est pas préparée pour de tels manœuvres. L'ONG américaine SumOfUs demande régulièrement des dons pour ses avocats en Europe (récemment encore dans les cas concernant les néonicotinoïdes et le glyphosate). Au cours de la réunion secrète de définition de la stratégie des ONG à Berlin, Friends of the Earth s'est vanté de l'efficacité de ses avocats aux États-Unis dans leur intervention dans les audiences antitrust sur la fusion Bayer-Monsanto. FoE a présenté une liste de cabinets d'avocats de haut niveau afin d'utiliser les tribunaux européens comme tribunes pour l'activisme.
Ensuite, il y a les aspirants à la célébrité européens. ClientEarth est une nouvelle ONG activiste conçue sur le modèle de la passion chicanière américaine pour des campagnes menées devant les tribunaux. Dans leur zèle, ils ont menacé de traîner la Commission devant les tribunaux au sujet de l'acrylamide... oui, un toast roussi ! Un opportuniste comme Alberto Alemanno, qui a passé assez de temps aux États-Unis pour apprendre une chose ou deux, a repéré les riches opportunités offertes par des services juridiques rendus aux ONG (ce qui lui fait penser qu'il sent mieux que le « puant » lobbyiste d'entreprise). Les Américains viennent donc dans une Europe dépourvue de tradition judiciaire dans le développement des politiques européennes (les avocats n'intervenaient que dans la phase de mise en œuvre), en pensant qu'ils peuvent créer un théâtre judiciaire – prenez par exemple le tribunal bidon connu sous le nom de Tribunal Monsanto.
André Leu (IFOAM) et Ronnie Cummins (OCA). Combien l'OCA a-t-elle mis dans le "Tribunal Monsanto"?
Le Tribunal Monsanto a montré de manière éclatante que les activistes américains aux poches profondes étaient disposés à mettre le paquet financier pour faire un grand spectacle en Europe. Coûtant plus d'un demi-million d'euros, ce procès bidon qui s'est déroulé à La Haye a été financé en grande partie par des gourous américains du lobby des produits biologiques comme Joseph Mercola et Ronnie Cummins. The Riskmonger a été choqué de voir un grand nombre de gourous américains qui sont venus aux Pays-Bas avec leur entourage, leurs cinéastes personnels et et leurs sycophantes pour montrer aux indigènes ignorants comment il faut faire.
Le lobby du bio américain et l'industrie des compléments alimentaires ont engendré une nouvelle génération de gourous avec des poches profondes et des ego énormes. Wayne Parent a sacrifié la jeunesse de sa fille pour augmenter les ventes de Nutrition House, son empire alimentaire. David Avocado Wolfe, Vani Hari et Mike Adams ont construit leurs réseaux sur la peur publique du cancer qui serait provoqué par l'industrie alimentaire. Comme les autres, Vandana Shiva, seulement nominalement indienne, transforme cette peur en une haine populiste de l'industrie et du commerce international. Le US Right to Know est un modèle si on veut savoir comment le lobby des produits biologiques finance ouvertement les marchands de peur pour élargir son marché (un rêve humide pour les amateurs comme Corporate Europe Observatory !).
Une représentante d'Avaaz avec M.Eric Poudelet, (anciennement) de la Commission Européenne. Non, ce n'est pas du lobbying (ironie...).
Food and Water Watch a mis en place des opérations dans l'UE, un lieu plus accueillant, pour étendre sa campagne anti-fracturation hydraulique. Les gourous et les jeunes pousses des réseaux sociaux comme SumOfUs et Avaaz déversent de plus en plus d'argent sur Europe, supplantant maintenant les ONG établies et contournant le processus de dialogue européen.
Les capitales européennes, en particulier dans les pays plus petits, ne sont pas prêtes à contrer ces assauts contre la raison dont ces carpetbaggers marchands de peur sont capables.
Alors, comment pouvons-nous gérer les carpetbaggers qui ont trouvé à Bruxelles une bonne rampe de lancement pour leurs campagnes sur des problèmes politiques américains ?
J'aimerais que les législateurs européens prennent conscience de la stupidité de leur approche réglementaire fondée sur le danger. J'applaudirai le premier commissaire de l'UE qui se lèvera pour défendre réellement la science qui lui a été présentée et ne se cachera pas derrière la lâcheté du principe de précaution, cette pilule empoisonnée. Je me réveille parfois la nuit, en songeant qu'il y aurait un jour un examen détaillé de la façon dont les ONG activistes agissent librement à Bruxelles, sans obligation de rendre des comptes et sans transparence.
Mais cela ne se passera pas comme ça.
Donc, je suppose que nous devrons également commencer à pratiquer le jeu dur. Les lobbyistes de l'industrie américaine devront prendre Bruxelles au sérieux.
Quelqu'un connaît un avocat ?
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* Carpetbaggers, littéralement « ceux avec un sac en tapis », est un terme péjoratif désignant un individu originaire du Nord des États-Unis (ex-Union) venu s'installer dans le Sud (ex-Confédération) lors de la Reconstruction qui suivit la guerre de Sécession, avec l'intention de profiter de la situation confuse du pays.
** David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur la page Facebook de Risk-Monger.
Source : https://risk-monger.com/2017/04/14/carpetbaggers-american-ngo-activists-in-brussels/