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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate : comment le Monde minimise un démenti de Monsanto et enfume les lecteurs

22 Mars 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Monsanto, #Glyphosate (Roundup)

Glyphosate : comment le Monde minimise un démenti de Monsanto et enfume les lecteurs

 

 

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Il faut abattre le glyphosate ! En l'absence d'argument scientifique et factuel sérieux, il faut polluer le paysage décisionnel européen, y compris en important des raclures de caniveau en Europe et susciter le doute ! Telle est la politique éditoriale du Monde Planète.

 

Dans le cadre d'une procédure judiciaire aux États-Unis d'Amérique, les avocats des plaignants se sont fait remettre des milliers de pages d'échanges de courriels de Monsanto. Aussitôt remis, aussitôt transmis à des activistes anti-pesticides et anti-OGM (l'USRTK) et aux amis des médias amis, aussitôt exploités pour ceux qui permettent d'échafauder des théories de sinistres complots.

 

Et le Monde se fait le porte-parole de la mouvance en France.

 

Ici il est question d'articles scientifiques prétendument écrits par des « nègres » de Monsanto) pour le compte de scientifiques complaisants et rétribués pour apposer leur signature.

 

Un unique courriel interne de Monsanto présentant des options pour une stratégie de publication est exploité dans le sens idoine. Des raccourcis de langage deviennent des preuves...

 

Le négriat sous-entend l'anonymat des plumes sous-traitantes. Les articles scientifiques incriminés détaillent pourtant les liens des auteurs avec Monsanto et la contribution de l'entreprise.

 

Le Monde ne sort pas grandi.

 

 

Comme nous l'avons vu dans les épisodes précédents, l'information du Monde sur – au plutôt contre – le glyphosate relève de la désinformation et de l'activisme.

 

Notre dernier billet – « Un "expert" du Monde noircit le glyphosate et l'ECHA » – était consacré à un article de M. Stéphane Foucart (bien sûr...), « Les experts européens blanchissent le glyphosate ». Le choix du mot « blanchissent » indique déjà l'intention de discréditer la décision de l'Agence Européenne des Produits Chimiques (European Chemicals Agency – ECHA) de maintenir son classement antérieur et de ne pas déclarer le glyphosate cancérogène. Dans notre analyse de l'article, nous nous étions limités à la présentation de la décision sous un jour défavorable, par une mise en perspective avec la décision antérieure du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Très subtile, la manœuvre dans le Monde ! Pour discréditer la décision de l'ECHA, on l'a comparée avec la décision du CIRC – très largement discréditée, mais toujours tenue en très haute estime par les gens du Monde !

 

Mais il faut prendre l'ECHA en tenailles, submerger le lecteur d'« informations » de nature à entretenir et faire prospérer l'opposition au glyphosate...

 

 

Une instrumentalisation de la justice aux États-Unis d'Amérique

 

Aux États-Unis d'Amérique, une cinquantaines de plaintes déposées contre Monsanto par des travailleurs agricoles atteints d'un lymphome non hodgkinien (ou leurs ayant droits) ont été centralisées devant une cour fédérale californienne. Le Monde affirme qu'il y a plusieurs centaines de plaignants ; nous n'avons pas trouvé de preuve sur la toile. Mais c'est sans grande importance.

 

Car, à l'évidence, il s'agit d'une stratégie d'instrumentalisation de la justice pour obtenir des documents susceptibles de faire avancer la cause anti-pesticides et anti-OGM en harcelant Monsanto et, indirectement, l'Agence de Protection de l'Environnement (EPA) chargée de se prononcer sur le renouvellement de l'autorisation du glyphosate.

 

La preuve ? Les documents qui ont été obtenus par suite d'une décision du juge – sont promptement publiés par US Right to Know (355 pages ici, « bonnes feuilles » à partir d'ici) et, bien sûr, exploités (par exemple par le New York Times de M. Danny Hakim et, bien sûr, le Monde de...).

 

 

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Une page fait son bonheur

 

Parmi les 10 millions de pages obtenues par les avocats des plaignants – selon Monsanto – il y a un courriel du 19 février 2015 de M. William Heidens à Mme Donna Farmer au sujet d'un article scientifique. Et c'est ce seul courriel, sorti de son contexte et interprété dans le sens idoine, qui sert dans ce cas précis à monter des théories extravagantes.

 

M. Stéphane Foucart écrit :

 

« Dans une autre correspondance, un cadre de Monsanto écrit à ses collègues que, pour faire pièce à l’expertise défavorable du CIRC, il est possible d’écrire un article scientifique favorable au glyphosate et de rémunérer des scientifiques pour qu’ils le signent et en endossent le contenu. "On maintiendrait un coût faible en écrivant le texte et ils ne feraient pour ainsi dire que l’éditer et le signer", écrit l’intéressé. Ce dernier rappelle à ses interlocuteurs que la même manœuvre – les scientifiques parlent de ghost-writing – avait conduit à la publication, en 2000, dans la revue Regulatory Toxicology and Pharmacology, d’une longue étude signée de trois chercheurs académiques concluant que le glyphosate ne posait "aucun risque potentiel pour les humains". »

 

Résultat de recherche d'images pour "ghost writing" Nous avons facilement retrouvé ce courriel sur le site de l'USRTK.

 

Précisons avant le décodage que M. Stéphane Foucart a fait l'effort de mentionner un démenti de Monsanto, mais sans citations et sans beaucoup d'explications... la déontologie journalistique et l'équilibre rédactionnel ne sauraient prévaloir sur le but poursuivi :

 

« Dans un communiqué publié sur son site, Monsanto dément recourir ou avoir recouru à de telles pratiques, assimilées à de la fraude scientifique. La société assure que ses scientifiques n’ont apporté qu’une contribution mineure à l’article de 2000... »

 

Le démenti est aussitôt noyé dans un paragraphe qui revient sur l'Europe :

 

« Nul doute que les décideurs européens auront, dans les prochains mois, un œil sur l’issue des procès en cours aux Etats-Unis, et le potentiel explosif de leurs révélations. La Commission européenne a, de son côté, expliqué qu’une fois le rapport de l’ECHA formellement adopté, "une décision devra être prise dans les six mois, fin 2017 au plus tard" ».

 

On admirera donc l'art de la minimisation d'un démenti. Quant au « ...potentiel explosif de leurs révélations... », pour le moment, ça a plutôt l'air de pétards mouillés. Mais cela ne dit rien de la décision des juges ; car tout est possible aux États-Unis.

 

 

Quinze ans après... un anachronisme dans un courriel...

 

À l'évidence, l'auteur du courriel, de 2015, énumère des options et se réfère à une situation vieille de quinze ans. Quelle valeur probante pour ce qui se serait passé en 2000 ? Aucune. Mais cela fait les choux gras de l'activisme...

 

L'article scientifique en question est : « Safety Evaluation and Risk Assessment of the Herbicide Roundup and Its Active Ingredient, Glyphosate, for Humans » de Gary M. Williams, Robert Kroes et Ian C. Munro. Il est parvenu au journal le 6 décembre 1999 et a été publié en avril 2000 et mis en ligne en mai 2002. Mémoire un peu défaillante de l'auteur du courriel, au moins sur les dates...

 

 

...et un autre anachronisme, cette fois pour le Monde de...

 

M. Foucart écrit :

 

« Dans une autre correspondance, un cadre de Monsanto écrit à ses collègues que, pour faire pièce à l’expertise défavorable du CIRC... »

 

À la date à laquelle l'auteur du courriel a écrit, le CIRC n'avait pas encore fait exploser son verdict, ni tenu la réunion dans laquelle la décision a été prise. L'incertitude sur les conclusions du CIRC est même exprimée dans le courriel (« depending on what comes out of the IARC meeting » – selon ce qui sort de la réunion du CIRC). Mais, au Monde, on n'en a cure.

 

 

Une exégèse hasardeuse

 

Le passage suivant de l'article du Monde reflète-t-il bien la réalité de ce qui a été écrit dans un exposé des choix stratégiques possibles ?

 

« ...il est possible d’écrire un article scientifique favorable au glyphosate et de rémunérer des scientifiques pour qu’ils le signent et en endossent le contenu. "On maintiendrait un coût faible en écrivant le texte et ils ne feraient pour ainsi dire que l’éditer et le signer", écrit l’intéressé. »

 

Nous pensons que non. Dans son courriel, M. Heydens évoque plusieurs options :

 

Résultat de recherche d'images pour "ghost writing" « Une approche moins coûteuse/plus attrayante pourrait être d'impliquer des experts seulement dans les domaines litigieux, l'épidémiologie et peut-être MOA (selon ce qui sort de la réunion du CIRC), et nous ferions le nègre pour les sections sur l'exposition, Tox et Genetox. Une option serait d'ajouter Greim et Kier ou Kirkland pour avoir leurs noms sur la publication, mais nous limiterions le coût en nous chargeant de la rédaction et ils ne feraient que modifier le texte et le signer de leurs noms, pour ainsi dire. »

 

Il n'est nullement question dans ce passage de rémunérer des scientifiques pour qu'ils signent.

 

 

Surtout ne pas creuser le sujet au-delà de l'effet recherché

 

Pourquoi aussi, pour un journaliste qui aspire à l'investigation, se limiter à ce seul courriel ? Il y a bien eu un article scientifique et il suffit de quelques clics pour le trouver : « A review of the carcinogenic potential of glyphosate by four independent expert panels and comparison to the IARC assessment » de Gary M. Williams et al. (et al. incluant Helmut A. Greim, Larry D. Kier et David J. Kirkland).

 

Cet article se termine par une longue déclaration d'intérêts. L'étude a été financée par Monsanto, les liens d'intérêts entre les divers auteurs et Monsanto sont détaillés, et il est précisé :

 

« Aucun employé de la Monsanto Company et aucun avocat n'a revu un quelconque manuscrit des membres du Panel d'Experts avant son envoi au journal. »

 

Cela ne dit rien sur qui a écrit quoi. Mais qui peut croire qu'il a fallu des nègres aux 16 auteurs quand on lit leur pedigree – en particulier quand on considère leurs activités de consultance pour Monsanto ? Et, c'est sous-entendu dans les théories du complot, apposé leur signature au bas d'un article qui serait malhonnête.

 

Quant à l'article de 2000 – « Safety Evaluation and Risk Assessment of the Herbicide Roundup and Its Active Ingredient, Glyphosate, for Humans » de Gary M. Williams, Robert Kroes et Ian C. Munro –, il se termine aussi par des remerciements appuyés :

 

« Les auteurs tiennent à remercier les personnes qui ont participé à la préparation de ce document. Tout d'abord, nous sommes reconnaissants à ceux qui ont rassemblé et mis à disposition la grande quantité d'informations utilisées pour écrire le manuscrit pour ce document. Deuxièmement, nous remercions les toxicologues et autres scientifiques de Monsanto qui ont contribué de façon significative au développement des évaluations de l'exposition et par de nombreuses autres discussions. Les auteurs ont eu un accès complet aux informations toxicologiques contenues dans le grand nombre d'études de laboratoire et de matériel d'archives de Monsanto à St. Louis, Missouri et ailleurs. Le personnel clé de Monsanto qui a apporté son soutien scientifique était William F. Heydens, Donna R. Farmer, Marian S. Bleeke, Stephen J. Wratten et Katherine H. Carr. Nous reconnaissons également la participation et l'assistance de Douglass W. Bryant et Cantox Health Sciences International pour le soutien scientifique et logistique dans la préparation du manuscrit final. »

 

Y aurait-il eu là « manœuvre » comme l'écrit M. Stéphane Foucart ?

 

Même en admettant que des parties aient été rédigées par des employés de Monsanto, la qualification de « nègre » – le « ghost-writing » ne suppose-t-elle pas le silence sur la contribution du nègre ?

 

Nous pouvons suggérer aux adeptes des conspirations et complots de développer une nouvelle théorie : ces remerciements sont bien sûr un camouflage... Voilà de quoi entretenir la saga sur le Monde...

 

 

Prendre la partie pour le tout
 

Les remerciements ci-dessus sont-ils compatibles avec l'interprétation de M. Stéphane Foucart ? Rappelons sa thèse :

 

« Dans un communiqué publié sur son site, Monsanto dément recourir ou avoir recouru à de telles pratiques, assimilées à de la fraude scientifique. La société assure que ses scientifiques n’ont apporté qu’une contribution mineure à l’article de 2000... »

 

Le communiqué cite la partie des remerciements relative la contribution de Monsanto. Qui peut imaginer que ces remerciements se rapportent à une « contribution mineure » ? Qui peut imaginer qu'après avoir cité cette partie, les communicants de Monsanto allèguent une « contribution mineure » ?

 

En fait, Monsanto a reproduit une partie de la déclaration sous serment de M. Heydens, et c'est lui qui affirme que sa contribution à la rédaction a été mineure.

 

Sic transit gloria Mundi.

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