« Climatoscepticisme » : encore une tribune affligeante sur le Monde
Avons-nous ça en France?
Depuis notre « Marre du "climatoscepticisme" alibi », nous n'avons pas trouvé d'« argumentaire » climatosceptique digne d'être signalé dans les médias français ou la blogosphère. Cela écorne singulièrement une thèse aux accents conspirationnistes du Monde.
Récemment, les médias ont amplement rapporté les propos de M. Scott Pruitt, le nouvel administrateur de l'Agence états-unienne de Protection de l'Environnement (EPA). Aucun n'a abondé dans ses thèses climatosceptiques.
Le 7 février 2017 (date sur la toile), le Monde publie une tribune une tribune d'un « collectif de scientifiques français » mâlement intitulée « Climat : dénonçons le discours de la "post-vérité" ! ». Il y a bien des motifs de préoccupation. Les plus graves sont que la tribune alimente le scepticisme à l'égard du GIEC et utilise des arguments qui relèvent de la... post-vérité.
Après tout, pourquoi pas... dans « Marre du "climatoscepticisme" alibi », nous avons critiqué la propension des tenants de la thèse du réchauffement climatique anthropique – canal intransigeant et intolérant, nuance conspirationiste – à décrire la thèse comme étant assiégée par, en quelque sorte des mécréants bénéficiant d'une extraordinaire audience. C'était à propos de « La blogosphère, incubateur du climatoscepticisme » – qui porte la date du 2 février 2017 sur la toile – une œuvre remarquable de M. Stéphane Foucart. Si, si... mais nous ne dirons pas en quoi, les lecteurs de ce site n'auront pas d'explication de texte. M. Foucart avait notamment écrit :
« Bien que fondé sur un assemblage de contre-vérités, de données tronquées ou sorties de leur contexte, voire de mensonges assumés, le climatoscepticisme s’est imposé depuis plusieurs années, en France, dans le débat public, tendant à faire douter des causes essentiellement humaines du changement climatique en cours – un fait scientifique étayé par la théorie de l’effet de serre et par une somme écrasante d’observations. La blogosphère a joué un rôle déterminant dans la propagation de cet argumentaire à la presse et à l’édition. »
En l'espace de cinq semaines, nos balades sur la toile n'ont pas permis de récolter un quelconque « argumentaire » climatosceptique digne d'être signalé comme répondant à la description apocalyptique citée ci-dessus.
En revanche, nous avons eu une flambée d'articles sur M. Scott Pruitt, devenu le 17 février 2017 administrateur de l'Agence états-unienne de Protection de l'Environnement (EPA), dont les déclarations hérétiques ne laissent planer guère de doute sur son « climatoscepticisme » de grande envergue. Mais, après tout, ce qu'il dit... cela alimente les gazettes et les discussions en ville. Plus inquiétantes sont ses intentions d'actions présentes – comme celles de M. Donald Trump – en faveur en faveur de l'industrie pétro-gazière. Dans le Monde (avec AFP) du 9 mars 2017 (sur la toile), c'est : « Le patron de l’Agence de l’environnement américaine doute de l’impact du CO2 sur le réchauffement climatique ».
Sauf omission de notre part, aucun média ne s'est rangé du côté de ces personnages pour alimenter les thèses climatosceptiques.
Mais, comme écrivait l'autre, « ... le climatoscepticisme s’est imposé depuis plusieurs années, en France... »
C'est même tellement inquiétant (ironie...) que le Monde a cru bon de publier le 7 février 2017 (date sur la toile) une tribune d'un « collectif de scientifiques français » mâlement intitulée « Climat : dénonçons le discours de la "post-vérité" ! ».
Une douzaine de signataires qui précisent :
« Les auteurs sont des scientifiques français actifs dans le GIEC et dans les programmes mondiaux de recherche sur le climat et ses impacts. »
Il y a comme un parfum de conflit d'intérêts (d'engagement, pas financiers)... Selon les « Principes régissant les travaux du GIEC »
« Le GIEC a pour mission d'évaluer, sans parti pris et de façon méthodique, claire et objective, les informations d'ordre scientifique, technique et socio-économique qui nous sont nécessaires pour mieux comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d'origine humaine, cerner plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager d'éventuelles stratégies d'adaptation et d'atténuation. »
Des scientifiques œuvrant au sein du GIEC ne devraient-ils pas faire preuve de réserve dans le débat sur les mesures politiques et socio-économiques prises ou à prendre – les « éventuelles stratégies d'adaptation et d'atténuation » – sur la base de leurs rapports ? Nous pensons que oui.
Cette réserve s'impose tout particulièrement parce que le franchissement continuel de la frontière entre entre la science et son exploitation par des décisions politiques entache nécessairement de « parti pris » cette science produite à des fins d'éclairage de la décision politique. C'est précisément cet engagement dans le débat sociétal qui jette la suspicion sur les travaux du GIEC et alimente le climatoscepticisme – réel ou de simple opportunité – de certains gouvernements.
Cette tribune, écrite quand on connaissait déjà les orientations qu'allait prendre l'administration Trump, est fâcheusement contre-productive.
Notons en passant que l'intitulé de la mission du GIEC pêchait dès l'origine d'une conclusion a priori en évoquant les « les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d'origine humaine ».
Mais on est ainsi averti : il s'agit d'une initiative franco-française. Ou peut-être mondaine ; car ce texte est, comme la tribune précédente sur les perturbateurs endocriniens, affligeant.
Le texte évoque certes des évolutions dans d'autres pays – plus spécifiquement l'Australie, le Canada et les États-Unis d'Amérique – mais ce n'est qu'un écran de fumée. Il suffit de lire la conclusion, celle qui précède le lyrisme final :
« Les scientifiques et les politiques doivent travailler ensemble sans frontière et de façon ouverte. Nous invitons tous ceux qui sollicitent cette année un mandat auprès de nos concitoyens à construire et enrichir leur projet démocratique en donnant toute leur place à la diversité des sciences, à l’expertise collective de leurs acteurs et au partage des connaissances. »
C'est au demeurant, répétons-le, une initiative malencontreuse, sinon stupide : à ce qui est perçu comme des dérives inquiétantes sur le plan international aurait dû répondre une tribune également internationale.
Mais reprenons depuis le début. En chapô – nous voulons bien croire que c'est de la rédaction du journal :
« Après l’accord de Paris de 2015 (COP21), les décideurs politiques doivent prendre leurs responsabilités et cesser de donner prise aux pseudo-théories sur l’absence de réchauffement climatique. »
Nos décideurs politiques donneraient prise... ? Quelle plaisanterie !
L'ouverture est aussi tonitruante :
« Chercheurs en science du climat et de ses impacts, nous sommes inquiets de la multiplication des prises de position qui témoignent d’un affaiblissement du pacte entre scientifiques et décideurs politiques. »
À cette phrase fait écho une autre que nous avons déjà citée :
« Les scientifiques et les politiques doivent travailler ensemble sans frontière et de façon ouverte. »
Et celle-ci :
« Aujourd’hui nous sommes inquiets, car c’est au sein même de certaines démocraties occidentales que nous voyons apparaître l’affaiblissement de ce pacte. »
Un pacte ? Travailler ensemble ? Un commentateur (sans nul doute climatosceptique) a écrit :
« Effrayant, l’asservissement de ces scientifiques aux politiques et effrayante, cette science officielle lyssenkiste. Effrayant, cet asservissement de scientifiques à une idéologie qui leur fait perdre leur éthique d'indépendance et d'objectivité et qui les amène à promouvoir des politiques aussi ruineuses qu’inutiles, ce qui n'est pas de leur ressort. »
C'est plutôt pertinent pour l'essentiel. Il n'y a certes pas d'asservissement, à notre sens, mais il y a l'affirmation d'un mélange des genres, de connivences sinon de compromissions... précisément ce qui fait basculer certains dans le climatoscepticisme. On peut donc se féliciter que cette tribune ait eu un caractère essentiellement sinon exclusivement hexagonal.
On peut rire – jaune – quand on lit :
« Depuis des siècles, la production de nouvelles connaissances joue un rôle essentiel dans le développement de nos sociétés, grâce à la liberté de recherche et d’expression des scientifiques, et au partage des connaissances, empêchant la privatisation du savoir au bénéfice exclusif d’intérêt privés, qu’ils soient industriels, idéologiques ou même nationaux. Faire avancer la connaissance a besoin de temps, de liberté et d’indépendance, et d’une stratégie pensée sur le temps long. »
« ... la privatisation du savoir... » ? L'épouvantail de l'altermonde...
« Aujourd’hui nous sommes inquiets, car c’est au sein même de certaines démocraties occidentales que nous voyons apparaître l’affaiblissement de ce pacte. »
On s'attend ici à voir des exemples de dérives actuelles. Mais ce n'est pas le cas, et on est donc dans le post-factuel.
La tribune se réfère à la situation au Canada : « ...le gouvernement Harper avait interdit l’expression publique des scientifiques à la suite de la décision de relancer l’exploitation des sables bitumineux en Alberta. » C'est de l'histoire ancienne, le gouvernement Trudeau ayant levé les contraintes imposées par le précédent. Elle précède aussi l'Accord de Paris. Et elle a touché l'ensemble des chercheurs du secteur public fédéral canadien. En outre, le gouvernement Harper n'avait pas « interdit » mais soumis la prise de parole à autorisation préalable. L'effet est peut être le même en pratique, mais c'est juridiquement différent.
La tribune évoque ensuite le licenciement de « dizaines de scientifiques travaillant en sciences du climat […] au motif que leur science était devenue inutile après l’accord de Paris » au CSIRO australien. Ici aussi, la situation est plus complexe et non limitée au climat. C'est la recherche plutôt fondamentale, sans retombées économiques perceptibles a priori qui avait été en ligne de mire. Le nouveau CEO avait voulu imprimer une orientation plus axée sur les innovations. Mais il y a pire pour les signataires de la tribune : le gouvernement a en quelque sorte désavoué l'organisation et lui a demandé de « mettre l'accent sur le changement climatique » qui « n'est pas une composante optionnelle, mais critique ».
N'a-t-on pas là une dénonciation du « discours de la "post-vérité" » sur la base d'arguments qui relèvent de la post-vérité ?
Tirer la sonnette d'alarme sur une évolution qui, bien que passée, pose indiscutablement question dans la mesure où elle est susceptible de se reproduire, est légitime et indispensable ; mais pour les observateurs ignorant les détails, cela paraît être un appel à maintenir des positions acquises et à augmenter les moyens :
« Un tel partage direct nous mobilise fortement et se fait de façon originale grâce, par exemple, au Train du climat qui a sillonné la France en 2015 – et repart en 2017 – à la rencontre de dizaines de milliers de citoyens, d’élus et d’autres acteurs des territoires.
Tissant toujours plus avant notre lien avec la société, nous développons aujourd’hui des "services climatiques" pour permettre la diffusion d’une expertise tant au niveau national qu’européen, comme cela existe dans le domaine de la santé, de la sécurité sanitaire ou pour d’autres enjeux environnementaux. »
C'est précédé par une incroyable flagornerie et, comme ces gens ont contribué au résultat de la COP 21, autosatisfaction :
« Nous sommes fiers que le message d’alerte que nous portons depuis vingt-cinq ans ait enfin été entendu et nous voulons rendre hommage aux politiques, en France et ailleurs, qui ont le courage de porter haut les couleurs de la science, parfois à rebours de leur culture, voire de leur camp politique.
A ce titre, nous voulons souligner l’engagement personnel de la présidente de la COP21, Ségolène Royal, qui a en particulier réussi à convaincre l’Union européenne d’accepter que ses pays membres ratifient l’accord de Paris individuellement. »
Chaque État membre de l'Union Européenne ratifie séparément ? Quelle formidable avancée ! Ah... l'Union Européenne a ratifié l'Accord, pour l'ensemble des États membres, le 5 octobre 2016... Les ratifications nationales n'ajoutent rien, confusion exceptée.
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Il y a des coups... des cours d'anglais qui se perdent !
Pour conclure, revenons brièvement sur l'article le plus récent, celui sur M. Scott Pruitt : d'habitude, le Monde ne manque jamais une occasion de mettre des liens vers les articles précédents, y compris quand ils sont obsolètes ou, pire, discrédités. Ici... rien...