Pérégrinations dans le Monde Planète
Le Monde Planète (avec les articles d'autres rubriques référencés sous ce titre) est d'une lecture passionnante...
Une vingtaine d'articles en cinq semaines... l'affaire est suivie de très près. Avec du bon et du moins bon.
Dans le bon, par exemple, « La France à nouveau touchée par la grippe aviaire » du 3 décembre 2016 et de M. Rémi Barroux. Nous avons apprécié le contenu informatif et surtout rassurant s'agissant de la transmission à l'homme.
Ou encore le décodage par Mme Anne-Aël Durand, « Le foie gras, star de Noël, fragilisé par la grippe aviaire » (8 décembre 2016).
Un extrait pour mettre la suite en perspective :
« Selon les données publiées par le Cifog, la filière foie gras représente :
4 000 élevages, dont 3 000 produisent pour des grandes marques et 1 000 pratiquent la vente directe ;
30 000 emplois directs et 100 000 indirects ;
un chiffre d’affaires total de 2 milliards d’euros (calculé sur la valeur des produits à la sortie d’usine). »
Et aussi :
« On note un paradoxe dans les déclarations des Français : ils sont 51 % à se déclarer favorables à l’interdiction du gavage, pour des raisons éthiques liées à la souffrance animale, selon un sondage Opinionway pour L214, mais une autre enquête CSA, réalisée pour le Cifog, assure que 93 % d’entre eux consomment régulièrement du foie gras. »
Dommage que la journaliste ne se soit pas intéressée davantage à ce sondage – de Yougov et non Opinionway – pour L214. Comment obtenir le bon résultat ? En posant au préalable les deux questions suivantes :
« Êtes-vous sensible à la façon dont sont traités les animaux dans les élevages ?
Pensez-vous que le gavage des canards et des oies pour la production de foie gras est source de souffrance pour les animaux ? »
C'est dans ce contexte morose et de lourdes menaces pour une économie régionale française que le Monde a publié le 21 décembre 2016 le texte d'un « collectif de journalistes, philosophes, chercheurs... » réclamant l'interdiction de la production de foie gras. Ils sont treize et cela inclut quelques... enfin... quelques personnages du monde du spectacle.
Quand on sait que les canards et les oies se gavent naturellement à l'état sauvage, pour affronter la dépense énergétique liée à la migration, on peut être consterné de lire :
« Quand on sait que le foie gras est un foie malade – les canards étant atteints de la stéatose hépatique –, la filière du foie gras – et donc du canard gras – n’en est plus à une maladie près ! »
Ces gens font dans l'indignation ? On peut être indigné, en particulier, devant l'argumentum ad odium qui fait appel à une péripétie de 1837 relative à la réglementation du travail des enfants. Comme l'écrit M. Jean-Yves Nau :
« Osons le mot : ce parallèle historique entre le travail des enfants et le gavage des canards est assez délicat à avaler. »
S'il n'y avait que ça...
Un panégyrique...
On reste d'une certaine manière dans l'histoire.
Voilà une information dont on ne pouvait pas, décemment, priver le lectorat alter et anti. Elle est datée du 9 décembre 2016 et nous vient de Reuters.
Quelle mouche a donc piqué le procureur général Bob Ferguson ?
« L’Etat américain de Washington a annoncé jeudi 8 décembre avoir déposé une plainte contre Monsanto. Cet Etat du nord-ouest du pays demande des dommages et intérêts liés à la production de polychlorobiphényles (PCB) de 1935 à 1979. »
Vous avez bien lu ? Les PCB au cours d'une période vieille de 37 ans et plus ! Réponse de Monsanto (la nouvelle – l'essentiel de l'ancienne est partie ailleurs, dans Pharmacia) :
« Monsanto, qui produit notamment des semences génétiquement modifiées et des pesticides, a jugé que la plainte déposée auprès de la cour supérieure du comté de King était infondée. "Cette affaire est hautement expérimentale car elle cherche à attaquer un fabricant pour avoir vendu un produit chimique utile et légal il y a quatre à huit décennies de cela", a dit dans un communiqué le vice-président du groupe, Scott Partridge. »
Notez bien que ce genre d'article permet toujours de ressortir des oubliettes de vieux morceaux choisis. Ici, c'est « Monsanto accusé de "crimes contre l’humanité et écocide" par un tribunal international citoyen » et l'inusable « Monsanto, un demi-siècle de scandales sanitaires » de février 2012.
Mais, au fait... Le Monde n'a pas informé son lectorat sur les dernières péripéties du « Tribunal Monsanto » qui devait rendre son « jugement » à cette même époque de l'année. Ah mais c'est que la pantalonnade devient encore plus grotesque... alors chut... faut pas déranger le lectorat dans sa bien-pensance...
Quelle absence d'esprit critique dans cet article qui relève de la flatterie à double, triple voire quadruple détente :
« Mesure phare de la loi pour la reconquête de la biodiversité adoptée en août 2016, cet établissement public, dont l’astrophysicien Hubert Reeves est le président d’honneur et qui est placé sous la tutelle du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, devient son "bras armé pour renforcer les politiques publiques et mobiliser la société civile dans la lutte contre l’érosion de la biodiversité", explique Christophe Aubel, son directeur. »
Cette agence, c'est la fusion – à budget constant – de quatre organismes existants – l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (Onema), l’Atelier Technique des Espaces Naturels, l’Agence des Aires Marines Protégées et les Parcs Nationaux de France – avec accrétion de quelques services disparates. Mais le nouvel apparatchik nous promet que l'AFB « poursuivra les missions des quatre structures et en mènera de nouvelles ».
Une des missions paraît claire :
« "On a le budget pour démarrer dans de bonnes conditions, même s’il faudra à moyen terme monter en puissance", assure Christophe Aubel. »
On ne peut que se réjouir de la réduction du mille-feuille administratif. Mais qu'en sera-t-il en pratique ? Par exemple, l'agence financera, paraît-il, des « atlas de la biodiversité communale »... on croit rêver...
En tout cas, la création de l'agence aura donné lieu à des débordements à notre sens affligeants.
Mais dites « biodiversité », et l'obsession anti-pesticides arrive au galop...
Pesticides ? On n'en a pas beaucoup parler, mais beaucoup en ressentirons les effets : depuis le 1er janvier 2017, l’État, les collectivités locales et établissements publics pour l’entretien des espaces verts, promenades, forêts, et les voiries ne peuvent plus utiliser des produits phytosanitaires, sauf produits de biocontrôle, produits qualifiés à faible risque et produits utilisables en agriculture biologique.
Le 30 décembre 2016, le Monde nous a offert un article hagiographique, « Comment Lyon a banni les pesticides de ses parcs et jardins ».
yon aurait donc atteint son objectif « zéro phytos » en 2008 – qui n'est probablement pas « zéro phytos » vu que les produits utilisables en agriculture biologique ne sont pas interdits et que figurent parmi ceux-ci des substances qui ne sont pas anodines pour la santé et l'environnement.
On peut verser une larme de joie quand on lit :
« Avec l’abandon des traitements chimiques, la vie minuscule reprend à Lyon. Une orchidée rare est de retour, accompagnée d’un cortège d’insectes, de papillons ou d’oiseaux dans la grande roseraie. »
Mais il est dit plus loin :
« Avant 2004, la ville achetait pour 30 000 euros de pesticides par an. L’économie est relative, car les nouvelles pratiques ont un coût supplémentaire en heures de travail : désherber au brûleur ou à la brosse rotative prend plus de temps que d’épandre un produit. Il a fallu en dégager ailleurs. Dans certaines parcelles d’aspect plus naturel, on tond trois fois moins et on attend davantage avant de ramasser les feuilles mortes. »
Autrement dit, l'orchidée a toutes les chances d'être revenue parce qu'on tond moins...
Il y a un coût supplémentaire, mais :
« L’homme, agronome de formation, assure travailler à budget constant depuis dix ans. Avant d’ajouter fièrement que la superficie des jardins a, dans le même temps, augmenté de 10 % à Lyon. »
Ah ? Nous avons trouvé ceci dans nos pérégrinations cyberspatiales :
« Le budget de fonctionnement (coût direct, indirect et masse salariale) de la ville de Lyon à été de 25 000 000 € en 2008 contre 14 000 000 € en 2006, et souligne une dépense de plus en plus conséquente dans le budget globale de la ville. »
Mme Martine Valo, « envoyée spéciale » pour l'occasion a bien valorisé son important déplacement. Voici donc une sorte de publireportage :
« A Villeurbanne, la première ferme urbaine de France expérimente une agriculture citadine, à grand renfort de technologies, en lieu confiné et aseptisée. »
C'est informatif sur une technique de culture qui est étudiée un peu partout dans le monde. Mais ce n'est certainement pas la « première ferme urbaine de France » (sur 50 m2). Voir, sur ce site, « Fraises en conteneur ».
Il est plutôt amusant de voir les médias – et même le Ministère de l'Agriculture – s'enticher d'une technique de culture complètement artificialisée. « Nous sommes le plus écolo possible » dit Guillaume Fourdinier, dirigeant de la société Agricool...
Alerte Environnement a commenté cet article de Mme Valo sous le titre : « L’absurdité du "sans pesticides". ». Cela a donné lieu à un commentaire que Forumphyto a repris dans « Les fermes urbaines : réelle perspective ou utopie bobo ? », en ajoutant un autre point de vue de lecteur.
Alors, marchera ? Marchera pas ? Il y a un type de ferme urbaine qui marche très bien : la culture du cannabis.