Bref retour sur l'ignoble « Perturbateurs endocriniens : halte à la manipulation de la science » (le Monde du 29 novembre 2016)
On se souviendra que le Monde avait publié le 29 novembre 2016 (c'est la date que porte l'article sur la toile) un appel signé par une centaine de chercheurs, « Perturbateurs endocriniens : halte à la manipulation de la science » qui mettait en cause l'intégrité des chercheurs qui avaient l'heur de ne pas penser comme eux :
« Depuis des décennies, la science est la cible d’attaques dès lors que ses découvertes touchent de puissants intérêts commerciaux. Des individus dans le déni de la science ou financés par des intérêts industriels déforment délibérément des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse. Cette manufacture du doute a retardé des actions préventives et eu de graves conséquences pour la santé des populations et l’environnement. »
avaient-ils écrit de manière fort élégante et subtile. Nous avions estimé que c'était de la pure diffamation. Nous n'étions pas les seuls à avoir un avis critique sur ce qui – signé par des scientifiques en principe attentifs à ce qu'ils écrivent – est un monument de bêtise et d'irresponsabilité (voir par exemple « Perturbateurs endocriniens : où sont les marchands de doute ? »).
Dans « Perturbateurs endocriniens : Un « marchand de doutes » pris sur le fait ! » – que nous avions relayé ici – Forumphyto avait épinglé Mme Barbara Demeneix, deuxième de la liste des signataires :
« Depuis, un lecteur de ForumPhyto membre de l’AFIS nous a signalé une information assez piquante, qui donne encore plus de saveur à cette lettre ouverte déjà nauséabonde : Barbara Demeneix n’est pas seulement professeure au Museum d’Histoire Naturelle, seul titre qu’elle mette en avant dans sa signature : elle est également co-fondatrice et administratrice de la société Watchfrog. Comme son nom l’indique, cette société crée des grenouilles modifiées génétiquement pour détecter les polluants présents dans l’eau… et en particulier les perturbateurs endocriniens ! En conséquence, les déclarations publiques de la chercheuse B. Demeneix incitent à élargir le marché de l’entrepreneuse Barbara D. »
Nos pérégrinations nous ont remis sur la piste du premier des signataires, M. Andreas Kortenkamp, professeur de toxicologie à l'Université Brunel de Londres. Selon sa fiche de l'Université, il a bénéficié d'une allocation de £219.000 sur deux ans (2011-2012) de l'Oak Foundation pour un projet « Combined exposures to endocrine disrupters: bridging the gap between science and chemicals risk assessment and regulation » (expositions combinées aux perturbateurs endocriniens : faire le lien entre la science et l'évaluation et la réglementation des risques chimiques). Le site de l'Oak Foundation décrit aussi un projet, mais cela semble être le même.
Un des produits de cette collaboration serait-il « Dispelling urban myths about default uncertainty factors in chemical risk assessment – sufficient protection against mixture effects? » ? En tout cas, les auteurs déclarent une absence de conflits d'intérêts... Les co-auteurs Martin Olwenn et Martin Scholze sont également signataires du brûlot publié par le Monde.
L'Oak Foundation ? Elle aurait financé Générations Futures selon des comptes que celle-ci a exceptionnellement publiés. Mais c'est une subvention qui n'apparaît pas dans la base de données de la fondation... Du reste, on trouve aussi des frais pour une « Conférence KortenKamp » dans ces comptes...
M. Kortenkamp a aussi reçu une partie d'une allocation de £75.000 sur trois ans de Bioforce Ltd., Suisse, pour une bourse d'étude au niveau PhD pour une étude sur les réactions négatives à des produits de phytothérapie. Cela nous rapproche de... chut ! Menaces de poursuites en diffamation... enfin un autre professeur qui a trouvé des vertus à des produits homéopathiques.
Mais cela nous rappelle furieusement les « individus [...] financés par des intérêts industriels »...