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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Un calendrier de l'Avent postfactuel : (9) forçage génétique

20 Décembre 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #Schillipaeppa, #OGM, #CRISPR

Un calendrier de l'Avent postfactuel : (9) forçage génétique

 

Schillipaeppa*

 

 

 

La Conférence mondiale sur la diversité biologique (CDB COP 13) se réunit actuellement à Cancún (Mexique). Les représentants des États parties à la Convention sur la Diversité Biologique délibéreront jusqu'au 17 décembre et définiront comment l'accord doit être mis en œuvre. Pour l'Allemagne, la Ministre Fédérale de l'Environnement Barbara Hendricks est assise à la table des négociations.

 

En prélude à l'événement, divers groupes environnementaux et activistes anti-OGM ont écrit une lettre ouverte à Mme Hendricks. Il y est dit :

 

« Alors que jusqu'à présent les plantes cultivées et les animaux domestiques étaient au cœur des applications génétiques, il s'agit maintenant de transformer génétiquement des populations naturelles. La dissémination d'organismes génétiquement modifiés qui implique que leurs gènes peuvent se propager dans les populations naturelles n'est pas une démarche responsable. Si nous permettons que des organismes génétiquement modifiés diffusent leur matériel génétique dans les populations naturelles – voire l'encourageons –, cela équivaut à une intervention dans la "lignée germinale" de la biodiversité, dont les implications affectent toutes les générations futures et leurs écosystèmes. »

 

Les organisations critiquent l'utilisation éventuelle d'organismes qui ont été génétiquement modifiés par forçage génétique. Une application possible qui est en cours de discussion, est la dissémination de moustiques spécifiquement modifiés. Cela devrait contribuer à diminuer la présence naturelle des moustiques qui transmettent des maladies comme la fièvre jaune et la dengue, ou le virus Zika.

 

 

 

Le principe est simple : les mâles de moustiques modifiés qui sont relâchés dans l'environnement transmettent des caractéristiques génétiques qui font que leur progéniture meurt au stade larvaire.

 

La ministre a répondu et est d'accord avec les ONG sur des points essentiels :

 

« Je partage vos préoccupations sur le fait que le "forçage génétique" peut avoir des effets importants sur les écosystèmes et que l'on devrait par conséquent faire preuve d'une prudence particulière dans la recherche et l'évaluation des risques. Je considère que du point de vue environnemental, une dissémination d'organismes dans lesquels le « forçage génétique » a été mis en œuvre est pour le moment inacceptable. »

 

Que l'utilisation du forçage génétique agisse sur les écosystèmes est une évidence : c'est en fin de compte le but de l'opération ! La vraie question est de savoir s'il faut craindre des conséquences indésirables. Mais les conséquences indésirables existent aussi pour l'utilisation d'autres technologies. Ainsi, en 2010, une équipe de recherche a montré que l'utilisation à grande échelle de Bacillus thuringiensis, l'insecticide utilisé en agriculture biologique, pour lutter contre les moustiques a conduit à une détérioration importante du succès de la reproduction des hirondelles de fenêtre en Camargue (sud de la France). Le fait que l'éco-insecticide décime aussi indistinctement des organismes non-cibles a fait que la source de nourriture des oiseaux s'est massivement réduite. Il faut donc évaluer dans quelle mesure les conséquences avec lesquelles on doit compter sont compatibles avec le bénéfice attendu.

 

L'administration des Florida Keys a pesé le pour et le contre et décidé de procéder à un essai avec des moustiques génétiquement modifiés. Auparavant, la population avait approuvé à la majorité l'utilisation des moustiques GM lors d'un référendum. La Food and Drug Administration américaine (FDA) avait approuvé l'essai prévu dans le courant de l'été. La FDA ne voit aucun risque qui empêcherait cet essai :

 

« La FDA a soigneusement examiné l'impact potentiel de l'essai proposé sur l'environnement et l'alternative qui consiste à ne prendre aucune mesure, comme cela ressort de l'évaluation environnementale. Les conséquences de l'évasion, de la survie, et de l'installation de moustiques Ae. aegypti OX513A dans l'environnement ont été étudiées de manière approfondie : les données et les informations de ces études indiquent que l'utilisation expérimentale proposée de moustiques Ae. aegypti OX513A ne devrait pas avoir d'effets négatifs importants sur l'environnement, la santé humaine et les animaux non-cibles au-delà de ceux qui sont causés par les moustiques de type sauvage. »

 

Le moustique Aedes aegypti, qui est considéré comme le principal vecteur du virus Zika, est un immigrant en Floride ; il ne fait donc pas partie des espèces indigènes. L'intervention dans l'écosystème local est donc gérable. Un avantage indiscutable du moustique GM par rapport aux pulvérisations d'insecticides de toute nature est que les organismes non-cibles ne sont pas affectés par sa mise en œuvre. Je pense que même en Allemagne, nous ne devrions pas rejeter catégoriquement les nouvelles technologies, mais nous réserver toujours la possibilité d'un examen au cas par cas.

 

_________________

 

*L'auteure a fait des études de philosophie, est éditrice et a atterri il y a déjà plus de dix ans à la campagne. Sur son blog, elle (d)écrit – miracle ! La traduction peut être fidèle – ce qui la préoccupe, lorsqu'elle n'est pas en train de curer l'écurie des poneys, de chercher des gants de gardien de but, de s'occuper de quantités de denrées alimentaires ou de linge, ou encore de tenter d'arracher les mauvaises herbes plus vite qu'elles ne poussent.

 

Source : https://schillipaeppa.net/2016/12/09/postfaktischer-adventskalender-teil-9-gene-drive/

 

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