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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Petites histoires d'abeilles

8 Novembre 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #Abeilles, #critique de l'information

Petites histoires d'abeilles

 

 

 

 

21e Congrès National de l’Apiculture Française

 

Clermont-Ferrand a accueilli du 27 au 30 octobre 2016 le 21e Congrès National de l’Apiculture Française organisé par l'Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF). Vu l'éclatement de la filière apicole, « Congrès National » est peut-être une exagération.

 

Mais l'événement a vu la présence de notre Ministre de l'Environnement, de l’Énergie et de la Mer, en charge des Relations internationales sur le climat, Présidente de la COP21 – n'en jetez plus... – Ségolène Royal. Qui, bien sûr, n'a pas raté l'occasion pour faire son autopromotion.

 

Il en est une autre qui est venue faire son marché électoral : Mme Sylvie Goddyn, Front national, membre du Parlement européen.

 

Ouf ! Si d'aventure le Front National arrivait aux manettes nationales, nous aurions une véritable compétence à notre service en matière d'agriculture, d'environnement et de santé. Remarquez, dans la compétition pour le pompon, elle est à notre sens une outsider :

 

 

 

 

 

Mais que fait l'ANSES ?

 

Mme Goddyn a aussi eu la bonne idée de gazouiller ceci :

 

 

 

Là, très franchement, nous ne pouvons qu'exprimer stupeur et tremblements ! Comment l'ANSES peut-elle justifier un tel ramassis de – osons le mot – conneries ?

 

 

En avant la mortalité...

 

Ce congrès, curieusement, n'a pas vraiment intéressé la presse. France Inter a publié un « 2016, année noire pour le miel et les abeilles » avec, en intertitre initial : « 30% de mortalité pour les abeilles » :

 

« Le taux de mortalité des abeilles est très préoccupant selon les professionnels. Il est passé de 5% par an à plus de 30%. Les colonies d'abeilles sont victimes depuis des années d'un taux de mortalité élevé attribué à des parasites, comme le frelon, et à l'usage de pesticides, en particulier des insecticides de la classe des néonicotinoïdes»

 

L'année a effectivement été noire, et pas que pour les abeilles.

 

Mais qu'en est-il vraiment de ces chiffres et de ces accusations régulièrement assénées ?

 

L'article reproduit deux graphiques intéressants.

 

 

 

 

 

 

.

 

Faut-il faire un dessin ? Il y a, dirait-on, une petite différence dans le nombre de ruches...

 

Le site France Apicole a publié une enquête sur la mortalité au printemps 2015 sur la base des informations que ses lecteurs ont bien voulu communiquer.

 

 

Commentaire :

 

« Cette enquête confirme une mortalité importante sur l'ensemble du territoire. Certains ruchers ont été fortement touchés. Les commentaires ne permettent pas d'attribuer cette mortalité à une cause précise, mais il ressort souvent qu'il restait des provisions, donc le manque de nourriture n'est pas en cause. Certains mettent en cause les pesticides ou le frelon asiatique.

 

Dans le même temps d'autres apiculteurs enregistrent peu ou pas de perte du tout. Il est clair que l'expérience d'apiculteurs leur permet de mieux préparer leurs abeilles à l'hivernage et de résister aux différentes agressions : reines jeunes, fortes populations à l'entrée de l'hiver . . .

 

L'emplacement des ruchers a aussi son importance : les ruchers situés en ville, ou à l'écart des grandes cultures sont moins pénalisés que d'autres. »

 

COLOSS est une association de recherche sur les abeilles. Pour l'hiver 2014-15, elle a trouvé une mortalité de près de 13 % pour la France (enquête sur environ 32.000 colonies), ce qui est dans la fourchette de la mortalité considérée comme normale. Pour l'hiver 2015-16, le chiffre s'est établi à 13,4 % (près de 500 répondants et 37.000 colonies).

 

Ces chiffres s'accordent avec ceux du programme de l'Union Européenne Epilobee.

 

Le Réseau Biodiversité pour les Abeilles signale aussi des pertes faibles à la sortie de l'hiver dernier (mais question prévisions météorologiques...) dans « Saison apicole 2016 : tous les signaux sont au vert ».

 

Il y a certes aussi les pertes estivales, mais on est loin des 30 %. Dans le Figaro du 12 mars 2016, « Malgré une forte mortalité, les abeilles produisent un peu plus de miel » :

 

«  Sans grand enthousiasme, Henri Clément, porte-parole de l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf), a qualifié l'année 2015 de "normale, correcte". »

 

Quant aux pesticides, et aux néonicotinoïdes en particulier (en attendant que d'autres molécules soient jetées en pâture), on sait qu'ils sont le bouc émissaire favori de l'UNAF. Celle-ci a du reste trouvé une parade au « moratoire » en vigueur dans l'Union européenne depuis 2013 – qui interdit notamment l'usage de ces molécules sur les cultures attractives pour les abeilles et les céréales de printemps :

 

« ...malgré le moratoire européen, le tonnage des néonicotinoïdes avait progressé de 31 % en France entre 2013 et 2014 ! Et même + 36 % pour l'imidaclopride, l'une des molécules les plus dangereuses ! On n'a aucune raison de penser que la tendance s'est inversée depuis. Dès lors, les problèmes ne peuvent que perdurer. »

 

Ne serait-il pas temps de réviser le discours ? Surtout quand on écrit aussi :

 

« Depuis 2013, un moratoire européen s'applique à trois molécules néonicotinoïdes. Mais, en début d'année, on a constaté que malgré ce moratoire les colonies connaissaient les mêmes déboires. Les symptômes d'affaiblissement étaient identiques à ceux observés auparavant. »

 

La constance dans la mise en cause des pesticides détourne l'attention d'autres problèmes qui paraissent bien plus importants compte tenu de la situation générale (notamment le fait que la mortalité est très variable d'un apiculteur à l'autre et qu'elle touche toutes les régions). Sur la disette alimentaire, on lira avec intérêt le Réseau Biodiversité pour les Abeilles.

 

 

Sus au fipronil !

 

Fin août 2016, une équipe essentiellement de l'INRA (Kairo et al.) a publié « Drone exposure to the systemic insecticide Fipronil indirectly impairs queen reproductive potential ». Les chercheurs ont trouvé que l’exposition des mâles d’abeille au fipronil affecte la concentration, le taux de survie et le métabolisme de leurs spermatozoïdes, et que de jeunes reines vierges inséminées avec le sperme de ces mâles présentent une diminution de 30% du nombre de spermatozoïdes viables qu’elles stockent pour féconder leurs œufs.

 

Et, selon le communiqué de presse de l'INRA, que nous trouvons navrant :

 

« Ces troubles de la reproduction pourraient être une des causes du déclin des colonies, largement observé dans le monde ces dernières décennies. »

 

Et encore :

 

« Ces travaux montrent sans équivoque que des altérations induites par les pesticides chez des mâles exposés peuvent avoir des répercussions néfastes à l'échelle d'une colonie entière. »

 

L'équivoque, mesdames et messieurs les communicants, sera levée quand les résultats auront été confirmés ; quand ils auront aussi été suffisamment bien établis (si c'est possible) en conditions réelles ; quand la fertilité des reines aura été vérifiée en situation réelle, à la ruche ; etc. ; etc.

 

Et c'est une impudence que de généraliser une conclusion – qui relève en fait de la suggestion – à l'ensemble des pesticides.

 

Notons aussi que le fipronil n'est pas autorisé en France en tant que produit de protection des plantes...

 

Il ne s'agit pas là de minimiser l'importance des travaux, ni leur intérêt, mais de pointer une communication tonitruante dont on devrait savoir qu'elle sera forcément exploitée à des fins partisanes.

 

À preuve : SumOfUs a lancé une « pétition », « Demandez à la Commission européenne d’interdire l’utilisation du fipronil ».

 

 

Une superbe blague !

 

Atlantico a publié un apocalyptique « Les abeilles reconnues espèce en voie de disparition : la fin de l’humanité prédite par Einstein est-elle devant nous ? »

 

En chapô :

 

« The United States Fish and Wildlife Service vient de classer officiellement les abeilles comme une espèce en voie de disparition. Si rien n'est fait pour les protéger, cette hécatombe aura des effets désastreux sur l'humanité. »

 

 

 

Apocalyptique et imbécile : ce classement concerne sept espèces d'abeilles sauvages endémiques de Hawaï (Hylaeus anthracinus, H. assimulans, H. facilis, H. hilaris, H. kuakea, H. longiceps, and H. mana)...

 

On lira aussi avec intérêt les commentaires qui démontent ce billet affligeant. En partie seulement...

 

 

Nous, nous avons aussi aimé, par exemple :

 

« ...les bourdons (qui font partie d’une sous-espèce d’abeilles)... »

 

Non, les bourdons ne sont pas une sous-espèce d'abeilles (Apis), mais un genre différent (Bombus).

 

Et aussi :

 

« La disparition des espèces végétales causée par l'extinction des abeilles aurait aussi des conséquences sur la consommation de viandes, car les animaux n'auraient plus de quoi se nourrir. »

 

Et encore, les ondes électromagnétiques étant promues cause de mortalité des abeilles :

 

« En France, les abeilles se portent par exemple mieux dans les villes qu'à la campagne, car les réseaux 4G sont très puissants là ou la densité des populations humaines est moins forte.

 

 

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M
Bonjour Seppi,<br /> Ces histoires d'abeilles m'interpellent et j'aimerais bien trouver une source d'informations qui soit un tant soi peu impartiale... pas simple. <br /> J'apprécie d'autant plus vos mises au point permettant de se faire une idée de la perspicacité des différentes communications. <br /> Concernant le fipronil, que penser de son usage à large (très large!!) échelle comme anti-parasitaire externe appliqué depuis des années en "pour-on" et "spot-on" sur des millions de chiens et chats à travers l'Europe??<br /> Avec mes remerciements et mes cordiales salutations,<br /> Manu Le Dénicheur
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U
Lu dans : https://lejournal.cnrs.fr/articles/pourquoi-les-abeilles-disparaissent<br /> <br /> Dernière explication à la fragilisation des colonies d’abeilles : l’importation massive de reines issues d’autres sous-espèces. « À partir de 1995 et face à l’élevage insuffisant de reines locales de type abeille noire, les apiculteurs français se sont tournés massivement vers des pays comme l’Italie ou la Grèce, où de véritables usines à reines produisent jusqu’à 100 000 individus par an ».<br /> Problème, en plus d’amener avec elles des pathogènes inconnus de l’abeille noire, ces reines issues des sous-espèces italienne (Ligustica), grecque (Cecropia ou Carnica) ou encore caucasienne (Caucasica) sont mal adaptées aux écosystèmes hexagonaux : ... Ces reines pondent dès les mois de janvier-février, à un moment où il n’y a aucune nourriture disponible sous nos latitudes. Pour éviter que les ouvrières issues de leurs œufs ne meurent de faim, il faut les maintenir artificiellement avec du sucre, ce qui empêche la sélection naturelle de faire son office et ne permet donc pas leur adaptation au nouvel environnement. »<br /> Autre problème de taille : ces importations massives provoquent un brassage génétique mal contrôlé par les apiculteurs et menacent de « polluer » le génome de l’abeille noire ...Résultat : abeille noire, abeille italienne, grecque ou hybride de plusieurs sous-espèces…, plus aucun apiculteur ne sait ce qu’il a dans ses ruches
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