Le point de vue de la science : les poules
Willi l'Agriculteur*
Dr (Mme) Inga Tiemann est la directrice de la ferme avicole scientifique de Rommerskirchen-Sinsteden. Je lui ai demandé de nous faire part de ses résultats sur deux sujets très discutés en matière d'élevage de volailles. Voici ses réponses.
Une victime du picage
En règle générale, dans l'élevage des volailles actuel, ont débècque. Cela devrait servir à empêcher le picage et, en conséquence, le cannibalisme, le fait de « dévorer » les congénères. En science, il y a débat sur les conséquences physiologiques, en particulier en termes de douleur. Maintenant, en 2017, on n'épointera plus les becs et les producteurs seront confrontés à de grands défis dans la gestion de leurs animaux. Mais comment se produit le cannibalisme ? L'apparition du cannibalisme ne peut pas s'expliquer par un seul facteur. Il est faux de croire que pour mettre fin au picage et au cannibalisme, il suffit d'offrir un plus grand espace aux animaux. Il y a d'autres facteurs tels la génétique (il y a des races plus ou moins agressives, comme par exemple chez les chiens), la nourriture et le temps. Ces phénomènes aux conséquences importantes se produisent même si la bande dispose d'un parcours de 10 m² par poule. Le picage des congénères est et reste un comportement naturel pour l'établissement de la hiérarchie dans la bande.
Comme on va maintenant renoncer au débecquage, il est malheureusement à prévoir que le taux de pertes dues au cannibalisme augmentera à nouveau dans les élevages. La question de l'éthique et de la base morale pour ou contre les interventions dites « zootechniques » ne peut que faire l'objet de réponses personnelles et relève donc de la société. Le taux de pertes plus élevé se répercutera cependant dans la fixation des prix.
C'est probablement le point le plus discuté actuellement au sujet de l'aviculture. Comment en a-t-on pu arriver là ? L'aviculture actuelle distingue deux lignées à hautes performances : les poules pondeuses, pour la production d'œufs, et les poulets de chair, pour la production de viande. Sous la pression économique de l'industrialisation, les sélectionneurs ont développé depuis 1950 des races qui répondent au mieux à l'un ou l'autre de ces objectifs. Les normes actuelles sont une production de 300 œufs par an pour les souches de pondeuses et des temps de croissance d'un peu plus de 30 jours pour les souches de poulets de chair. Mais chaque calorie alimentaire ne peut être valorisée que par la production d'œufs, ou bien par la croissance musculaire – et cela est ancré dans la génétique. C'est pourquoi les poussins mâles des souches de pondeuses ne peuvent pas être utilisés de manière économique comme poulets de chair et sont tués peu après l'éclosion avec du gaz. Ces poussins morts peuvent certes trouver une utilisation dans l'alimentation des animaux dans les zoos, mais pour les citoyens ordinaires, cette manière de faire est intuitivement effrayante.
Quelles sont les options pour mettre fin à cette élimination massive de poussins ? Il est maintenant possible de déterminer le sexe déjà dans l'œuf. La méthode de base est connue depuis peu, mais elle ne fonctionne actuellement que dans le laboratoire et non à l'échelle commerciale (ni de manière rentable) pour l'ensemble de la production des quelque 100 millions d'œufs à couver de poules pondeuses allemandes. L'opinion souvent exprimée que « le problème est résolu » n'est que partiellement vraie, car jusqu'à présent, la mise en œuvre pratique n'est pas possible. Il serait dès lors juste et équitable de n'édicter une interdiction ou d'exercer une pression politique aboutissant au même résultat que si le problème est résolu dans la pratique (cela vaut du reste aussi pour le problème du cannibalisme).
La deuxième façon de renoncer à l'élimination des poussins mâles consisterait à créer des races à deux fins, mixtes. Ces animaux pondent un nombre d'œufs relativement grand et ont en même temps un poids de carcasse acceptable et une bonne qualité de viande à l'abattage. L'inconvénient de ces races est un moindre taux de conversion de l'alimentation, de sorte qu'ils prennent plus de temps et d'espace et ont besoin de plus de nourriture pour compléter leur cycle. Ainsi, la production d'œufs se situe maintenant entre 180 et 250 œufs selon la race (actuellement 300 et plus pour les pondeuses) et le poids final n'est obtenu qu'après 10 semaines au lieu de 4-5. Selon les données de fermes commerciales qui offrent des œufs et du poulet en vente directe, le prix de vente des œufs se situe entre 40 et 60 centimes [ma note : contre 10 à 25 centimes en conventionnel, élevage au sol, et bio, selon une recherche rapide]. Pour la viande, entre 16 et 24 € sont actuellement demandés, selon la race et la taille de l'élevage. En deçà de ces prix, l'utilisation de races mixtes n'est actuellement pas envisageable économiquement. Ces prix nettement plus élevés sont sans doute aussi la raison pour laquelle les races mixtes ne sont offertes qu'en vente directe ou dans quelques magasins spécialisés. Dans les armoires réfrigérées des grandes chaînes de distribution, on les cherchera en vain.
J'espère avoir pu contribuer à une discussion plus objective sur des thèmes d'actualité qui tournent autour de la poule.
Cordialement,
Inga Tiemann
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* Willi l'Agriculteur (Bauer Willi) exploite 40 hectares en grandes cultures (betterave sucrière, colza, céréales) en coopération opérationnelle. Il a été double-actif jusqu'à l'automne 2014. Son deuxième métier a été le suivi et le conseil aux agriculteurs pour une entreprise familiale (sucrerie). Depuis lors, il continue d'exploiter son domaine en tant que pré-retraité et a du temps pour écrire et partager son expérience.
Il contribue aussi bénévolement à l'association (fondation) des habitants de sa commune et à une coopérative agricole.
Source : http://www.bauerwilli.com/die-sicht-der-wissenschaft/