Rapport de l'EFSA sur les résidus de pesticides dans l'alimentation en 2014
Notre alimentation est saine – les activistes contestent...
Les pesticides contribuent à la sécurité alimentaire... les anti-pesticides l'ignorent.
L'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) vient de publier son rapport annuel sur les résidus de pesticides dans l'alimentation. Il s'agit de la compilation et de l'analyse des mesures effectuées par les autorités nationales des 28 États membres de l'Union européenne ainsi que de l'Islande et de la Norvège dans le cadre de deux programmes : des programmes nationaux de contrôle dont on peut dire qu'ils présentent un biais vers les situations à risque, et un programme européen coordonné.
En cause : du datura, non contrôlé en bio, car pas d'herbicides autorisés...
Selon le communiqué de presse, les résultats clés sont les suivants (pour 82.649 échantillons, un total de 778 pesticides différents et, en moyenne, 212 pesticides par échantillon) :
97 % des échantillons analysés [dans le cadre des programmes nationaux] se situaient dans les limites légales.
Parmi ceux-ci, 53,6 % étaient exempts de résidus quantifiables et 43,4 % contenaient des résidus se situant dans les limites de concentration permises.
Parmi les échantillons provenant de pays de l'UE/EEE, 1,6 % contenaient des résidus dépassant les limites autorisées ; le chiffre correspondant pour les échantillons en provenance des pays tiers était de 6,5 %.
Aucun résidu quantifiable n'a été identifié dans 91,8 % des échantillons d'aliments pour bébés.
98,8 % des produits biologiques étaient soit exempts de résidus ou contenaient des résidus dans les limites autorisées.
L'EFSA a exploité les données de ce rapport pour déterminer si l'exposition alimentaire actuelle des consommateurs aux résidus de pesticides présentait un risque pour la santé des Européens à long terme (risque chronique) ou à court terme (risque aigu). Dans les deux cas, l'Autorité a conclu qu'il est peu probable que l'exposition effective des consommateurs constitue une menace pour la santé humaine.
Le programme coordonné a porté sur 12 produits alimentaires et 213 pesticides (191 dans les produits végétaux et 58 dans les produits animaux). Dans ce cas, 98,5 % des échantillons analysés se situaient dans les limites légales (60,1 % exempts de résidus quantifiables et 38,4 % avec résidus se situant dans les limites légales).
Les résidus de pesticides détectés/quantifiés dans le cadre du programme coordonné, sur douze produits.
Attention : l'échelle pour les quantifications (en bleu) est en haut; celle pour les dépassements de LMR (en jaune), en bas.
Les limites maximales de résidus, légales, ne sont pas des limites de sécurité des aliments au sens strict. Elles sont définies de manière très conservatrice de sorte qu'un dépassement, sauf circonstance très particulière, ne doit pas être une source d'inquiétude. C'est ce qu'indique en fait le dernier point ci-dessus.
Ces données générales sont aussi le reflet du sérieux et de la technicité des producteurs dans l'usage des produits de protection des plantes. Sur les 2,9 % d'échantillons dépassant la LMR, en tenant compte de l'incertitude de la mesure de la teneur, 1,6 % la dépassaient nettement et ont donné lieu à des mesures administratives ou judiciaires prises par les autorités compétentes.
Les résultats de 2014 sont comparables à ceux de l'année précédente.
Les 98,8 % de produits biologiques se situant dans les limites légales se décomposent en 86,4 % sans résidus et 12,4 % avec résidus dans les limites légales. Le consommateur qui s'inquiète de sa santé et choisit en conséquence les produits bio améliore donc ses chances de moitié, en gros, de manger un produit sans résidu ; il réduit de 2,9 % à 1,2 % son risque de manger un produit dépassant la LMR (dans le cas des fruits et légumes pour des prix respectivement 67 % et 78 % plus élevés que les prix du conventionnel selon les relevés effectués par l'Association Familles Rurales en 2016).
Mais si on regarde le détail, on s'aperçoit qu'il augmente ses risques pour certaines catégories de produits : en 2014, cela concernait les produits animaux (22,0 % de présence de résidus en dessous de la LMR en bio contre 14,4 % en conventionnel) et l'alimentation infantile (4,2 % de dépassements en bio contre 1,1 en conventionnel). Les chiffres sont à manier avec précaution car ils sont sensibles à l'échantillonnage. Mais le constat s'impose. En 2013, l'alimentation infantile bio faisait moins bien que le conventionnel pour les résidus tant en dessous qu'au-dessus de la LMR.
Le rapport détaillé précise que les résidus détectés dans une partie des échantillons (220 sur les 595 qui représentent les 12,4 %) ne résultent pas nécessairement de l'emploi de pesticides (il s'agit par exemple de substances naturelles ou de polluants persistants) ou correspondent à des substances qui sont expressément permises en agriculture biologique.
Que faut-il penser, surtout, des 375 autres échantillons ? À l'évidence, pour au moins une partie d'entre eux, la thèse souvent évoquée des dérives de pesticides épandus par les voisins n'est guère crédible. C'est encore plus vrai des 1,2 % d'échantillons (57 au total) en dépassement de LMR. Pour 20 d'entre eux, il s'agissait de fosetyl-Al ; manifestement, le producteur a voulu sauver sa récolte.
Cette observation doit nous ramener aux conditions agroclimatiques exceptionnelles de l'année 2016 (dans quelle mesure sont-elles exceptionnelles par rapport aux conditions à venir du fait du changement climatique ?). Cette année, des producteurs de fruits et légumes et des viticulteurs bio ont utilisé des produits de synthèse pour sauver leur récolte... et compromettre leur certification bio (voir par exemple ici). Des appels ont été lancés pour que l'on accorde des dérogations, à l'instar de ce qui s'est fait pour permettre d'alimenter le bétail bio avec des fourrages conventionnels à la suite de sécheresses. Il y a là matière à réflexion.
Il va de soi que la remarque faite à propos des produits biologiques contenant des substances naturelles ou des polluants persistants vaut aussi pour les produits conventionnels. L'EFSA ne l'a pas faite, et on peut le regretter.
Les dépassements sont par rapport à des LMR dont le niveau est fixé, pour partie, de manière empirique et, parfois, sur la base de considérations politiques.
Le diméthoate – dont on a beaucoup parlé ce printemps du fait de la manœuvre de notre gouvernement pour le faire interdire sur les cerises malgré la menace de Drosophila Suzukii – nous offre un bon exemple : on a trouvé 818 échantillons sans résidus, 15 avec résidus au-dessus de la limite de quantification et 19 en dépassement de LMR. Explication partielle du nombre élevé de dépassements par rapport aux simples présences : la LMR est excessivement sévère dans l'Union européenne : sur cerise elle avait été ramenée de 1 ppm (mg/kg) à 0,2 ppm en 2009, soit 10 fois moins qu'au Canada. Pourtant, on ne peut guère soupçonner les Canadiens de laxisme concernant la sécurité du consommateur.
Pour les produits d'origine étrangère, il y a aussi des dépassements dus à des substances qui ne sont pas, ou plus, approuvées dans l'Union européenne et pour lesquelles les importateurs n'ont pas demandé de tolérances d'importation en vertu de l'article 6 du Règlement (CE) No 396/2005 ; ou encore à des substances approuvées dans l'Union européenne, mais trouvées sur des produits pour lesquels une tolérance d'importation n'a pas été demandée. L'EFSA a évoqué ces situations mais n'a malheureusement pas précisé l'ampleur de ces phénomènes.
Un autre fait à relever est l'évolution technologique : l'augmentation de la précision des mesures entraîne nécessairement des détections/quantifications nouvelles, que l'on n'obtenait pas précédemment.
Vingt-deux États, mais essentiellement l'Allemagne, ont analysé les résidus de glyphosate dans 4.721 échantillons, principalement des fruits et noix, des légumes et des céréales. On a trouvé des résidus mesurables, dans les limites légales, dans 4,2 % des échantillons. Un seul échantillon a dépassé la limite légale, des haricots secs à 2,3 mg/kg au lieu des 2 mg/kg autorisés.
Les « discussions » sur la ré-homologation du glyphosate avaient donné lieu à des épanchements d'hystérie sur l'utilisation du glyphosate comme dessicant sur les céréales (il est alors appliqué peu avant la récolte pour accélérer la maturation du blé et aussi détruire les mauvaises herbes qui peuvent gêner la moisson). La farine de blé a été incluse dans le programme coordonné : 298 échantillons sans résidus, 15 avec résidus au-dessus de la LOQ, aucun dépassant la LMR.
Le rapport n'indique pas les quantités détectées. Elles sont probablement très basses au vu de ce document qui analyse des résultats antérieurs de l'EFSA.
Les résultats compilés par l'EFSA sont trop rassurants pour que les activistes anti-pesticides soient rassurés... sur l'avenir de leur fond de commerce. Il faut donc faire peur, et que reste-t-il sinon l'«effet cocktail ». Un effet systématiquement présenté à sens unique : un résidu plus un résidu, ça produit – ou plutôt : pourrait produire, on est toujours dans le règne du conditionnel – l'effet d'une bombe. La constatation que les résidus n'ont aucun effet en conditions normales (les autorités fixant les conditions d'emploi des produits de protection des plantes de manière à assurer la sécurité des consommateurs) est évidemment ignorée, et l'hypothèse qu'un résidu pourrait annuler l'effet d'un autre est balayée.
Et le militantisme sans limite déontologique exploite évidemment les enfants.
Qu'en est-il des produits analysés ?
La présence de plusieurs résidus n'est pas anormale et ne témoigne en aucune manière d'une « main lourde » de la part des producteurs. Il peut s'agir de résidus de traitements contre des ravageurs différents (il ne sert à rien de protéger une culture contre une maladie si c'est pour qu'elle soit dévorée par un insecte...), ou contre un même ravageur mais avec des produits différents pour lutter aussi contre l'installation d'une résistance ; ou encore de mélanges de lots au stade de la transformation, de produits utilisés pour la conservation, d'absorption de polluants persistants, de dérives de traitements...
Les échantillons avec deux résidus ou plus se montent à 28,3 ? Au total, 604 échantillons contenaient 10 résidus ou plus, les produits les plus touchés étant les raisins de table, le thé, les fraises, les pommes, les poires et le poivron.
Dix pesticides ? C'est toujours moins, en nombre et en quantité que les pesticides naturels produits par les plantes.
Mais c'est écrit juste comme ça. Les anti-pesticides n'apprécieront pas...