Quand les préjugés affectent le jugement...
Norwich Rüße
Norwich Rüße est député au Parlement du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, au sein du groupe des Verts. Il gère l'exploitation familiale de 30 hectares – 18 hectares de cultures et 12 hectares de prairies – en tant que double-actif et selon le mode bio. L'article qui suit est la réponse à « €cogaspillage » de Schillipaeppa.
Il y a une réponse à la réponse, à suivre.
La question de savoir ce qui caractérise de bons articles de journaux ou de blogs est en fait claire : Ils traitent de quelque chose qui suscite l'intérêt des lecteurs et informent de la manière la plus complète et équilibrée possible. Malheureusement, les temps ont changé et beaucoup écrivent avant d'avoir bien étudié la question ; oui, parfois – au moins semble-t-il –, la réflexion fléchit au cours du processus d'écriture et peut même s'arrêter presque complètement. Et c'est probablement parce que l'objectif des auteurs n'est pas vraiment de susciter la réflexion, mais de confirmer leurs propres préjugés et de les diffuser au monde comme des vérités.
Je viens de croiser un tel blog sur mon chemin. De manière intéressante, il traite de moi-même, et donc je pense qu'il est nécessaire d'écrire quelques mots à son sujet. Essentiellement, le propos de l'auteure consiste à prouver à partir de l'exemple des eurodéputés verts Martin Häusling et Friedrich Ostendorff et de moi-même à quel point l'agriculture biologique est mauvaise. Cela étant, je trouve qu'il est fondamentalement un peu stupide – désolé, mais il n'y a que ce mot qui convienne vraiment ici – d'utiliser les exploitations de députés comme base pour déterminer quel type d'agriculture est raisonnable du point de vue de l'économie de l'exploitation ou même de l'économie nationale. Pour ce faire, on prend généralement la documentation sur les exploitations de référence et on compare les résultats comptables des exploitations menées en conventionnel et en biologique. Le verdict est actuellement très en faveur de l'agriculture biologique, mais cela a pu être très différent dans le passé. Mais l'intention de l'auteure du blog n'était pas de tirer une image statistiquement significative dans son article, mais simplement de dénigrer l'agriculture biologique.
Pour ma propre exploitation, je peux dire qu'actuellement, elle ne génère bien sûr pas de revenus élevés parce que je suis depuis longtemps double-actif et que j'exploite sur un mode plutôt extensif depuis 2010. J'ai abandonné la production laitière après mon entrée au Parlement du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et j'élève depuis lors quelques vaches allaitantes et – des petits porcelets aux porcs adultes – environ 200 porcs. Sur ma ferme, il n'y a pas de vente directe de produits, ni même de magasin à la ferme. Ce seraient deux bonnes opportunités pour les fermes biologiques pour générer des revenus supplémentaires. Mais mes électrices et électeurs n'attendent pas de moi que je dirige un magasin à la ferme, mais que je fasse de bonnes politiques vertes dans le parlement du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie ! Et on ne peut guère attendre d'un député ayant un agenda chargé en rendez-vous et obligations qu'il élève des vaches laitières ou fasse de la vente directe. Soit dit en passant, je m'efforce même de faire des choses qui n'ont pas nécessairement un impact positif sur le bénéfice. Ainsi, je vends mes porcs à des distributeurs régionaux en vente directe à des prix nettement moins élevés que ceux que j'obtiendrais autrement pour les animaux, et même pour mes porcelets d'engraissement, je ne m'oriente pas sur le meilleur prix possible. Pourquoi fais-je cela ? Parce que je pense qu'il est bon que les partenaires régionaux puissent développer leurs exploitations – c'est aussi simple que ça.
Dans l'ensemble, l'article du blog de l'auteure est une collection unique de curiosités, de distorsions et de demi-vérités. Ainsi, la capture d'écran des paiements de l'UE que je reçois comme agriculteur double-actif, n'est pas vraiment correcte. Il aurait été logique de présenter non seulement les paiements de 2015, mais aussi ceux de l'année 2014. Car si pour l'année 2015, il y avait un montant total de 24.037,12 €, ce n'était que 9.477,88 € pour 2014. L'explication est simple : le paiement de l'éco-prime pour 2014 a été fait si tard qu'il a été affecté à l'année 2015. Donc, le fait est que je reçois annuellement environ 9.500 € de primes agricoles UE et environ 7.000 € d'autres primes (agriculture biologique, rotation diversifiée des cultures, bien-être animal) du 2e pilier. Cela ne veut pas nécessairement dire que c'est beaucoup par rapport à d'autres exploitations ; une exploitation de 100 ha reçoit près de 30.000 € uniquement du premier pilier sans qu'il y soit fait beaucoup plus que respecter les normes juridiques. Comme ferme biologique, je renonce en revanche complètement à l'utilisation de pesticides et d'engrais de synthèse, ce qui réduit certes les rendements, mais est bon pour la nature et l'environnement. Et bien sûr, c'est aussi une différence considérable lorsque les fermes biologiques ne chargent que 1,5 unité de gros bétail par hectare, ou lorsqu'il y en a 2 par hectare et qu'en outre, des quantités importantes d'engrais minéraux – ou de digestat provenant de méthaniseurs – sont épandues dans les champs. La surfertilisation – contrairement à ce que suggère l'auteure – est un problème de l'agriculture intensive, car l'azote est tout sauf disponible en excès dans le mode de culture biologique.
Et pendant que nous parlons de subventions, nous devrions le faire dans la globalité. Ainsi, l'agriculture biologique est promue dans une moindre proportion dans le cadre de la promotion de la science. Et rien que pour l'équarrissage, de nombreuses grandes fermes d'engraissement de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie ont reçu à ce jour plusieurs milliers d'euros de subventions de l'État, juste pour que les carcasses soient correctement éliminées. Ce subventionnement insensé des élevages industriels, nous l'avons beaucoup limité en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, nous avons plafonné les coûts par exploitation et nous avons ainsi soulagé les finances des districts de plusieurs millions.
Mais je trouve particulièrement amusante la critique relative à mes balles de maïs. Ici aussi, elle mélange tout. Pourquoi devrais-je réfléchir au financement de la construction d'un silo-tranchée si j'en ai déjà un depuis longtemps ? Mon problème n'était pas et n'est toujours pas la percolation de jus d'ensilage dans le sol, mais uniquement la durabilité et la qualité de l'ensilage. C'est exactement ce que j'ai écrit. Bien sûr, on peut poser la question du bilan écologique. Mais la réponse n'est pas aussi simple et aussi univoque que l'auteure aimerait qu'elle soit. Les balles rondes offrent une amélioration significative de la qualité de l'ensilage, les pertes dans ce mode de récolte – à la différence du silo – sont généralement proches de zéro. Et le problème du film est essentiellement une question de possibilités de recyclage. Mais cela est vrai pour tous les films, que ce soit ceux des silos ou des balles rondes.
L'approche qui exige d'évaluer la perte de biodiversité par rapport aux quantités produites est aussi entièrement dévoyée. Cela ne peut pas être une référence appropriée ; si on voulait vraiment le faire, il faudrait au moins intégrer dans le calcul les différents comportements des consommateurs (proportion des déchets, consommation de viande, etc.). Mais il est de toute façon crucial de savoir ce qui se passe concrètement sur les surfaces agricoles utilisées. Et diverses études montrent que l'agriculture biologique a des avantages évidents, car elle n'utilise pas de pesticides et que dans son ensemble les cultures sont plus diversifiées. Il est aussi tout à fait évident que les problèmes de biodiversité ne se sont posés que depuis qu'on est passé d'une agriculture paysanne diversifiée à une agriculture intensive à sens unique. Jusqu'aux années 50, l'agriculture était la garante d'une grande variété d'espèces, et ce n'est qu'à ce moment là – dans le cadre du passage aux produits chimiques et à la mécanisation – que cela s'est détérioré. Ces relations sont si évidentes que la solution – une extensification par notamment la réduction de l'emploi des produits phytosanitaires et de l'azote – est tout aussi évidente. Il est clair que même l'agriculture biologique doit être continuellement optimisée et améliorée – le chemin à suivre pour parvenir à une agriculture naturelle et respectueuse de l'environnement devra toutefois être parcouru par l'agriculture conventionnelle.
Il serait bon que nous discutions sérieusement de ces questions et d'autres. Des articles de blog tels que celui que je viens d'« examiner » ici, peuvent peut-être convaincre un court instant autour d'un Stammtisch – mais on n'y trouve naturellement pas des solutions viables pour l'agriculture de l'avenir. C'est précisément ça qui est important pour nous, les Verts, dans l'intérêt de la nature et de l'environnement, et nous ne nous laisserons certainement pas décourager par de tels articles de blog !
Le premier commentaire de Mme Sabine Leopold, 13 octobre 2016
« Jusqu'aux années 50, l'agriculture était la garante d'une grande variété d'espèces, et ce n'est qu'à ce moment là – dans le cadre du passage aux produits chimiques et à la mécanisation – que cela s'est détérioré. Ces relations sont si évidentes que la solution – une extensification par notamment la réduction de l'emploi des produits phytosanitaires et de l'azote – est tout aussi évidente. »
Jusqu'aux années 50, l'agriculture (y compris la nôtre) ne garantissait cependant pas la couverture complète des besoins alimentaires de la population en quantité et variété.
Vous ne voudriez pas par hasard comparer, M. Rüße, le nombre absolu et le pourcentage de ceux qui avaient faim à cette époque-là avec ceux d'aujourd'hui – « dans le cadre du passage aux produits chimiques et à la mécanisation » ? Pour faire simple, vous pourrez ignorer l'augmentation de la population mondiale et la perte incessante de surfaces cultivées du fait de l'artificialisation pour les logements, les infrastructures et l'industrie. Aussi le fait que la plupart des agriculteurs dépendent uniquement des revenus de leurs exploitations et qu'ils doivent générer des rendements appropriés. Et bien sûr également le fait que – malgré toutes les déclarations du bout des lèvres – il n'y a encore qu'une fraction de la population allemande qui est prête à payer les prix plus élevés requis en permanence pour le « bio », ce qui fait que le passage à la production extensive à grande échelle ne se traduirait que par une chose : une baisse des prix dans le segment de marché du « bio » si intensément vanté, avec des conséquences dramatiques pour les agriculteurs touchés et leurs familles.
Et une fois que vous y serez, vous expliquerez donc, encore une fois, aux gens qui devraient se réjouir devant nos champs sans produits chimiques et pleins de jolies fleurs d'où proviendront les aliments qui ne pousseront plus dans nos champs en quantité suffisante grâce à une vaste extensification. Eh bien, vous n'avez pas à craindre les protestations des consommateurs (c'est-à-dire des électeurs) devant les étagères vides. Parce qu'il y a au moins une chose de claire : nous ne souffrirons pas de faim si nous réduisons dans ce pays l'intensité de nos cultures. L'Allemagne est trop riche. Mais quelque part, les gens ressentiront les effets de notre consommation d'espace de luxe. En particulier dans des pays où on vous chasserait de la ferme à coups de fourche à fumier si vous vous avisiez d'aller leur raconter des choses sur les conséquences néfastes du progrès technologique, de la fertilisation et de la protection des végétaux.
Vous avez raison, M. Rüße, les paroles de Stammtisch ne nous mènent pas loin. Les vôtres non plus.
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Source : http://www.norwich-ruesse.net/2016/10/12/wenn-vorurteile-die-urteilsfaehigkeit-beeintraechtigen/