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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Les mythes et réalités de l'agriculture biologique : la cas de l'Autriche

24 Octobre 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #Agriculture biologique

Les mythes et réalités de l'agriculture biologique : la cas de l'Autriche

 

 

Un mythe...

 

 

À l'occasion de la Journée Mondiale de l'Alimentation, le consortium autrichien Foodsecurity.at a organisé une journée très instructive sur la sécurité alimentaire. Elle a abordé avec réalisme la question de l'agriculture biologique.

 

 

Une réalité

 

Au pays de cocagne...

 

« L’agriculture biologique vue par nos autorités, un conte de fées ! » Tel est le titre d'un billet de notre ami Albert Amgar sur la présentation mise à jour de l'agriculture biologique par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF qui relève du Ministère de l'Économie). Il est vrai que c'est du lourd. En introduction :

 

« L’agriculture biologique se définit comme un système de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité, la préservation des ressources naturelles, l’application de normes élevées en matière de bien-être animal et une méthode de production recourant à des substances et des produits naturels. »

 

L'Agence Française pour le Développement et la Promotion de l'Agriculture Biologique, autrement dit l'Agence Bio, n'est pas en reste :

 

« L’agriculture biologique est un mode de production et de transformation respectueux de l’environnement, du bien-être animal et de la biodiversité, qui apporte des solutions face au changement climatique.

 

[...]

 

L’agriculture biologique s’inscrit au cœur du développement durable. C’est un engagement pour le bien-être des générations futures.

 

Le même genre de discours angélique prévaut à la Communauté européenne :

 

« En quelques mots, l'agriculture biologique est une méthode de production agricole qui offre au consommateur une nourriture savoureuse et authentique tout en respectant les cycles naturels des plantes et des animaux.

 

[…]

 

Mais l'agriculture biologique fait également partie d'une filière d'approvisionnement plus étendue qui comprend la préparation des aliments, la distribution, le commerce de détail et au final vous, les consommateurs. Chaque fois que vous achetez une pomme bio au supermarché ou choisissez un vin biologique au restaurant, vous avez l'assurance qu'ils ont été produits selon des règles strictes de respect de l'environnement et des animaux. »

 

 

« Mahlzeit – Gibt’s auch morgen noch genug zu essen? »

 

Quand on lit ce genre de propagande – qui n'a rien à envier à celle qui a prévalu dans un régime politique et économique qui s'est effondré il y a un quart de siècle – on se demande pourquoi le bio n'est pas la forme exclusive de production agricole en Europe...

 

À l'occasion de la Journée Mondiale de l'Alimentation, le réseau Foodsecurity.at autrichien a organisé le 13 octobre 2016 une journée sur : « Bon appétit – Y aura-t-il encore assez à manger demain ? Conditions cadres pour l'approvisionnement alimentaire de l'avenir ».

 

Le programme, varié, incluait un exposé de M. Thomas Resl (Institut Fédéral d'Économie Rurale) sur les « rendements de l'agriculture biologique autrichienne par rapport à la production conventionnelle ».

 

C'est celui qu'a retenu en priorité le Kurier pour son compte rendu de l'événement sous le titre : « Bio lässt die Erträge schrumpfen » (le bio laisse les rendements se réduire). En sous-titre :

 

« Politique agricole : l'extension de l'agriculture biologique augmente la dépendance aux importations de denrées alimentaires ».

 

Et voici son introduction :

 

« Thomas Resl n'est pas seulement le directeur de l'Institut Fédéral d'Économie Rurale, mais aussi un agriculteur biologique. Il était judicieux qu'il ait précisé cela avant sa présentation [...]. Dans le cas contraire, les réactions du public à sa présentation [...] auraient probablement été encore plus émotionnelles.

 

Le message de l'agriculteur biologique a déplu à beaucoup : les rendements de l'agriculture biologique sont nettement plus faibles que ce qui est admis. Jusqu'à présent, on a supposé que la renonciation aux pesticides conventionnels réduit les rendements, en moyenne, à 80 pour cent. Mais cela était beaucoup trop optimiste.

 

Comme il n'y avait auparavant guère d'enquêtes comparables, Resl a commencé par une vaste collecte de données. La nouvelle étude montre que le rendement en céréales biologiques ne représente que 65 pour cent du rendement de l'agriculture conventionnelle. Dans le cas des pommes de terre biologiques, c'est seulement 51 pour cent. Pour la betterave à sucre, la différence est légèrement plus petite avec 73 pour cent du rendement en bio. »

 

 

Il faut que les vérités soient dites !

 

La présentation de M. Resl est sur l'Internet. En voici les éléments saillants.

 

Le bio dans le monde

 

Au niveau mondial, les surfaces en bio ont augmenté entre 2004 et 2014 de 26,1 à 39,4 millions d'hectares entre 2004 et 2014, soit de 51 %. Il s'agit évidemment du bio certifié, car il y a des millions d'hectares qui sont en bio ou quasiment par manque d'accès aux technologies qui améliorent les rendements, la sécurité alimentaire et le bien-être des agriculteurs. Sur ce total, 70 % sont en herbages.

 

Notons que le site du FiBL donne des chiffres plus élevés : 43,7 millions d'hectares. Mais 17,2 millions d'hectares, des pâturages à 97 %) se trouvent en Australie, et on peut facilement imaginer de quel mode de production il s'agit.

 

Pour rappel, en France, la surface agricole utile (SAU) représente environ 28 millions d'hectares, soit 50 % du territoire national. Les OGM occupent quant à eux quelque 180 millions d'hectares dans le monde.

 

 

En Autriche

 

En Autriche, les exploitations en bio étaient en 2015 au nombre de 20.779, soit 18 % de l'ensemble, pour 552.261 hectares (21 % de la SAU). Le nombre d'exploitations a atteint un plateau aux alentours de 20.000 au milieu des années 1990. Pour les surfaces, on peut noter une augmentation considérable en 2000 (un quasi-doublement) pour atteindre près de 500.000 hectares, suivie d'une baisse brutale l'année suivante puis d'un accroissement jusqu'en 2010. La tendance actuelle est baissière.

 

Près de la moitié des exploitations en bio ont des surfaces en terres arables, lesquelles entrent pour près de 200.000 hectares dans le total. Le tableau suivant que nous avons compilé à partir des données de Grüner Bericht 2016 donne une idée de la véracité du discours lénifiant sur les pratiques de l'agriculture biologique qui incluent/incluraient, par exemple, « la rotation des cultures, fondement même d'une utilisation efficace des ressources du sol » :

 

 

Les légumineuses entrent pour 28,2 % dans les hectares de production sur terres arables, contre 12,1 % pour l'ensemble de l'Autriche.

 

Les productions animales sont aussi intéressantes. Voici les pourcentages de têtes de bétail en bio par rapport au total : caprins : 50 % ; ovins : 27 % ; chevaux : 22 % ; bovins : 20 % ; divers (gibier, lapins...) : 20 % ; volailles:15 % ; porcins : 2 %.

 

Le chiffre très bas pour les porcins, et dans une moindre mesure la volaille, est sans nul doute le reflet des défis que pose le mode de conduite bio.

 

 

Rendements relatifs au niveau mondial

M. Resl a produit une petite synthèse, reproduite ci-dessous.

 

Traduction pour la première colonne : Céréales, Blé, Maïs-grain, Orge, Seigle, Avoine, Oléagineux, Soja, Plantes sarclées, Pomme de terre.

 

Il n'est pas nécessaire d'insister ici : ces chiffres sont très discutables. La preuve...

 

 

Rendements relatifs en Autriche

 

Cela va donc de 91 % pour le soja à 51 % pour la pomme de terre

 

Traduction pour les espèces : Soja, Betterave sucrière, Blé tendre, Maïs-grain, Seigle, Pomme de terre de consommation.

 

 

Le tableau suivant est plus détaillé. Nous ne le commenterons pas.

 

Ligne de titre : rendement relatif (%), écart-type, nombre d'observations bio, nombre d'observations conventionnel, surface moyenne (2003-2015)

Colonne 1: Céréales, blé, seigle, orge d'hiver, orge de printemps, avoine, triticale, maïs-grain, épeautre, plantes sarclées, pomme de terre de consommation, betterave sucrière, Oléo- et protéagineux, courge à huile, pois-grain, soja

 

 

Évolutions relatives

 

En tendance, les rendements du blé ont augmenté au niveau national entre 2003 et 2015 de 50 à 60 quintaux/hectare. Les rendements en bio sont restés stables à environ 35 q/ha.

 

 

Dans le cas du maïs, les rendements sont restés stables dans les deux modes de production.

 

 

Et, dans le cas des pommes de terre, les rendements augmentent en conventionnel et baissent en bio.

 

 

 

Succomber à l'hystérie... à quel prix

 

M. Alois Leidwein (Agence autrichienne Santé et Sécurité AlimentaireAGES – Agentur Gesundheit Ernährungssicherheit) avait fait une présentation sur l' « approvisionnement alimentaire de l'Autriche en 2050 ». Nous n'avons pas trouvé sa présentation sur l'Internet. Qu'en retient le Kurier ?

 

« […] Une conversion à l'agriculture biologique complète à l'échelle nationale "produirait une augmentation massive de la dépendance vis-à-vis des importations dans l'approvisionnement alimentaire dès avant 2030" [...].

 

Afin de produire les mêmes quantités de nourriture après une conversion totale au bio, il faudrait plus d'un million d'hectares supplémentaires de surfaces cultivées. Mais nous ne les avons pas en Autriche.

 

Leidwein a également examiné ce qui se passerait si l'agriculture locale appliquait toutes les méthodes permettant d'améliorer les rendements, y compris le génie génétique. Dans ce scénario, l'utilisation des terres diminuerait de 300.000 hectares, à niveau égal de production alimentaire. La voie que doit prendre l'agriculture nationale n'est pas pour Leidwein une question de science : "C'est une décision politique.»

 

 

Les chemins du paradis

 

M. Andreas Anzenberger, le journaliste du Kurier, a encore mentionné l'intervention de M. Pedro Luiz Oliveira de Almeida Machado, de l'Embrapa brésilienne. Celui-ci a souligné que des pays comme le sien ne peuvent pas se permettre le luxe de négliger les rendements et que, grâce à la mise en œuvre des biotechnologies, son pays est parvenu à augmenter les rendements de 200 % au cours des 40 dernières années.

 

M. Anzenberger conclut par son propre commentaire :

 

« L'Apocalypse est proche. Le pool génétique se réduit, le changement climatique se poursuit, et le génie génétique a conquis le monde en dehors de l'UE. Et il y a l'utilisation des pesticides. Mais tout n'est pas perdu. La communauté de la foi écologique connaît les chemins vers le paradis. Avec un zèle missionnaire, elle prêche une vision du monde dans laquelle seule l'agriculture biologique peut sauver le monde. Cela va bien dans le sens d'un Ersatz de religion.

 

Personne ne conteste que l'agriculture nationale doive se concentrer sur la qualité et non sur la quantité. Personne ne nie que les produits biologiques peuvent bien se vendre. Mais il faut aussi parler des conséquences. Plus de bio signifie moins de rendement et donc une plus grande dépendance à l'égard des importations alimentaires.

 

De plus, il est insensé de faire comme si l'Autriche était le modèle pour le reste du monde. C'est une illusion. Les pays d'Afrique et d'Asie doivent nourrir leurs populations croissantes. Ce qui importe dans ce cas, ce sont les rendements à l'hectare. »

 

Remplacez « Autriche » par « France », ou encore « Union Européenne »...

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