Un agriculteur du Bangladesh s'exprime dans la controverse sur l'aubergine Bt
Mohammad Arif Hossain*
Le planteur d'aubergines Mohammad Hafizur Rahman
L'agriculteur bangladeshi au centre d'une controverse sur les OGM a parlé pour préciser sa récente expérience de la culture du brinjal Bt, l'aubergine résistant à des ravageurs qui est sous les projecteurs des médias internationaux en tant que première espèce de plante génétiquement modifiée produisant des denrées alimentaires à être cultivée dans un pays en développement.
Mohammad Hafizur Rahman, un agriculteur résidant dans le district de Tangail au nord de la capitale du Bangladesh, Dacca, a accordé un entretien face à la caméra au programme Panorama de la BBC en mai 2015. Il a raconté que le nouveau brinjal Bt contrôlait avec succès la mineuse des fruits et des tiges [Leucinodes orbonalis], une chenille qui provoque des dégâts graves et sévit dans toute l'Asie, et contre laquelle les agriculteurs devaient auparavant utiliser des pesticides toxiques parfois jusqu'à deux fois par semaine.
Rahman a déclaré à la BBC qu'après l'adoption du brinjal Bt, il avait été en mesure de réduire considérablement son utilisation de pesticides, qu'il économisait de l'argent et voyait aussi les résultats en termes d'amélioration de la santé. Le même agriculteur a également été présenté dans un article du New York Times soulignant les mêmes questions de réduction de l'utilisation de pesticides et d'amélioration des rendement et des conditions de vie.
Cependant, après la diffusion du documentaire de la BBC, les activistes anti-OGM ont immédiatement affirmé que tant le documentaire de la BBC que l'article du New York Times étaient des fabrications, et que la culture de Rahman avait en fait échoué. Ces allégations ont été étayées par les rapports d'un journaliste des United News of Bangladesh (UNB) qui a dit qu'il avait visité les champs de brinjal Bt de Rahman et avait trouvé « un nombre important de plantes mortes ».
Le même journaliste des UNB avait publié un article auparavant et affirmé que de nombreux agriculteurs produisant du brinjal Bt à travers le pays avaient également subi des mauvaises récoltes. Ce rapport a toutefois été contesté par le directeur général de l'Institut de Recherche Agricole du Bangladesh, Dr. Md. Rafiqul Islam Mondal, qui a déclaré aux médias que « la performance du brinjal Bt était meilleure que celle des non-Bt dans tous les districts ».
Ces récits concurrents ont mené à une confusion internationale sur la réalité du brinjal Bt au Bangladesh. Afin d'établir définitivement la vérité, au moins sur l'expérience personnelle de Rahman de la culture du brinjal Bt, des collaborateurs d'Alliance for Science lui ont rendu visite une deuxième fois en avril 2016. L'entretien a été filmé et peut être consulté intégralement ci-dessous (avec traduction en langue anglaise dans les légendes) .
Rahman a été très clair sur le succès de sa culture de brinjal Bt, et a rejeté les allégations d'échec. « Au cours des 10 dernières années, le rendement que j'ai obtenu l'année dernière, je ne l'ai jamais obtenu de toute ma vie, et mes voisins non plus », a-t-il dit. « Voilà pourquoi mes voisins sont enthousiasmés, et moi aussi. »
Rahman a aussi révélé que le journaliste des UNB avait partagé des documents anti-OGM avec lui dans une tentative de le persuader de critiquer la technologie, une violation grave de l'éthique journalistique.
Il a également nié avoir dit au journaliste des UNB qu'il était mécontent de la performance de sa culture de brinjal Bt. « Je n'ai pas dis cela. Lorsque la plante arrive à la fin de sa vie, elle meurt. Mes plantes de brinjal Bt ont dépéri quand elles ont fini leur fructification. Tout a une fin, non ? Est-ce que les plantes de brinjal persistent toute la année ? Ce n'est pas possible. »
Rahman a souligné avec force que le journaliste des UNB n'avait tout simplement pas compris que son champ avait déjà été récolté à plusieurs reprises et avait atteint la fin de sa saison. « Quand il [le journaliste des UNB] m'a rendu visite, ces plantes avaient commencé à dépérir. Les plantes ne portaient plus de fruits, j'avais déjà commencé à récolter du dhundul (des courges-éponges – Luffa acutangula var. amara) sur ce champ. Je lui ai donc dit que ma récolte de brinjal était déjà terminée. »
L'agriculteur a également raconté qu'il avait reçu la visite de militants anti-OGM de « plusieurs bureaux, pour me raconter des choses négatives à propos du brinjal Bt. Ils m'ont donné un livre et m'ont dit : "Regarde, mon frère, le brinjal Bt a divers problèmes." Ils m'ont aussi dit de ne pas manger ce brinjal. Ils ont dit que si les insectes ne le mangent pas, il ne doit pas être bon pour les humains de le manger. Avec mon esprit pratique pour les contrer, je leur ai demandé pourquoi les gens qui prennent des médicaments contre les vers, – des vers qui meurent – ne mourraient pas. Ils n'ont pas été en mesure de répondre à ma question. »
Cet épisode souligne l'importance d'amplifier la voix des agriculteurs et de la placer à l'avant-garde du débat sur l'alimentation et l'agriculture dans les pays en développement. C'est la motivation fondamentale de l'Alliance for Science.
Comme les collaborateurs de l'Alliance for Science l'ont découvert, la meilleure façon de le faire est de laisser les agriculteurs comme Rahman parler pour eux-mêmes, afin qu'ils puissent partager leurs points de vue avec une audience mondiale sans crainte de voir leurs propos déformés ou mal rapportés.
Pour voir le commentaire de Hafizur Rahman, regardez ci-dessous la vidéo des interviews que l'Alliance a réalisées avec lui dans les champs de brinjal du Bangladesh en mars 2016.
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Source : http://allianceforscience.cornell.edu/blog/bangladeshi-bt-brinjal-farmer-speaks-out-gmo-controversy