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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le deal parfait : Bayer rachète Monsanto

23 Septembre 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #Pesticides, #Activisme, #Politique

Le deal parfait : Bayer rachète Monsanto

 

Schillipaeppa*

 

 

 

 

Hier [14 septembre 2016], Bayer et Monsanto ont officiellement confirmé que le groupe mondial allemand de Leverkusen reprendra le spécialiste du génie génétique des États-Unis. L'approbation des actionnaires de Monsanto et des autorités de la concurrence est toujours en suspens.

 

Apparemment, il ne s'agissait plus, dans la ligne droite, que de détails car l'annonce officielle de l'accord s'est accompagnée de l'ouverture d'un nouveau site Web, advancingtogether.com – ce qui peut signifier à la fois « faire mieux ensemble » et « avancer ensemble ». Le site propose une série d'informations de base sur l'accord ainsi que la déclaration officielle en tant que vidéo.

 

Werner Baumann, président du directoire de Bayer AG, y fait des promesses vraiment corsées :

 

« Nous sommes pleinement engagés dans une contribution à la solution de l'un des plus grands défis de la société – comment nourrir une population mondiale en croissance rapide d'une manière écologiquement durable.

 

Ce que nous faisons est bon pour les consommateurs. Nous aidons à produire de la nourriture en quantité suffisante, sûre, saine et abordable.

 

C'est aussi une bonne chose pour nos producteurs. Parce qu'ils ont plus de choix pour augmenter les rendements de manière durable. »

 

Il devra être jugé à l'aune de cette déclaration. Il sera particulièrement important de montrer que le génie génétique vert peut faire plus que Roundup Ready et Liberty Link. Le maïs tolérant à la sécheresse de Monsanto serait un début pour prouver les prédictions selon lesquelles l'amélioration des plantes moderne peut relever les défis de la croissance démographique et du changement climatique.

 

Les réactions des organisations environnementales, des ONG et des partis écologiques sont naturellement moins euphoriques. Anton Hofreiter, président du groupe parlementaire Bündnis 90/Die Grünen, et Katharina Dröge, porte-parole pour la politique de concurrence, se sont exprimés dans une déclaration commune :

 

« « Ce deal ne doit pas se faire. Il en résulte un cartel surpuissant qui ne combat pas la faim dans le monde mais l'exacerbe. L'argent de rachat de Bayer correspond à presque 30 années de bénéfices de Monsanto. Qui est prêt à payer autant spécule sur une hausse du chiffre d'affaires après la fusion. Les agriculteurs et les consommateurs devront ainsi payer le prix. Ils seront alors sans défense devant un autre géant des semences qui peut dicter les prix et l'offre. »

 

Pour la justification de ce scénario d'horreur, nous resterons sur notre faim avec cette déclaration. À la fin, cela devient vraiment passionnant :

 

« Les autorités de la concurrence en Europe et aux États-Unis doivent empêcher cet accord. Au nom de la diversité, de l'environnement, des agriculteurs et des consommateurs. S'ils agitent à l'appui de la fusion l'argument que les deux sociétés sont actives dans des marchés différents, alors nous devons examiner si les lois antitrust ne doivent pas être renforcées. »

 

Si Monsanto et Bayer ne devaient pas acquérir ensemble une position dominante sur le marché et que les autorités de la concurrence n'aient donc rien à mettre en cause, alors comment devrait-on modifier les lois antitrust pour qu'il y ait quand même quelque chose à critiquer ? Quels seraient les critères ? Peut-être que cela ne plaît pas au Dr Hofreiter ?

 

Monsanto a en Allemagne, d'après les informations de la branche, une part de marché de 4 (en lettres : quatre) pour cent dans les semences de maïs ; Bayer n'a dans ce pays pas de semences de maïs dans son portefeuille. Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter, au moins pour le maïs, c'est garanti – et probablement aussi pour d'autres espèces.

 

À quiconque veut se faire une idée de la diversité variétale qui prévaut chez nous, je recommande la lecture, par exemple, de la « Liste descriptive des variétés : céréales, maïs, oléagineux et plantes à fibres, légumineuses, betteraves, cultures de couverture, 2016 » du Bundessortenamt (Office Fédéral des Variétés) – un fichier PDF de 315 pages. En étudiant cette liste, vous obtiendrez un aperçu de l'information qu'un agriculteur doit traiter avant de prendre une décision de culture. Les pages 92 à 149 traitent uniquement du blé. Il y a du blé tendre d'hiver, du blé tendre de printemps, du blé dur d'hiver, du blé dur de printemps et des variétés de blé pour la culture biologique. Y figurent les différentes propriétés, par exemple l'époque de maturité, la qualité, la longueur du chaume, la susceptibilité à la verse et la susceptibilité à certaines maladies. Des dizaines, non, des centaines de variétés y sont inscrites et il s'en ajoute chaque année de nouvelles. Non, si je me fais du souci sur quelque chose, ce n'est certainement pas pour la diversité variétale en Europe, et la fusion Bayer-Monsanto n'y changera rien.

 

A l'échelle mondiale également, la situation a considérablement évolué au cours des dernières années : des pays comme la Chine, l'Inde, l'Ouganda, le Brésil, le Kenya, l'Indonésie, l'Argentine et l'Australie se sont concentrés spécifiquement sur la recherche publique dans le génie génétique vert et sont dans les starting blocks avec des produits sur lesquels aucun groupe mondial ne gagnera de l'argent directement. L'Inde a maintenant montré à Monsanto les limites à ne pas dépasser dans la commercialisation des semences de cotonnier. De nouvelles méthodes abordables telles que l'édition du génome (CRISPR/cas9 & Cie), dont les produits ne sont pas couverts dans certains pays par la réglementation des OGM, renforceront ce processus.

 

 

Campact a battu la campagne contre la fusion dès l'annonce des plans d'acquisition et joue maintenant son joker auprès du public. Le sondage d'opinion fort opportun était probablement déjà dans les tiroirs, prêt à l'emploi : 70 pour cent de la population est inquiète. Pas étonnant : les images de la campagne étaient plus qu'explicites.

 

 

« Nous sommes Monsanto » proclame Harald Schmidt sur Twitter ; il vise un aspect important : l'anti-américanisme latent qui a toujours nourri les campagnes contre Monsanto, disparaîtra dans une nouvelle société sous la direction de Bayer. Les ONG auront plus de mal. Il y a ainsi depuis plus de 30 ans une ONG qui se concentre entièrement sur Bayer, la Coalition contre les dangers de Bayer à laquelle presque personne ne s'intéresse dans ce pays et qui constitue une sorte d'organisation fantôme – éclipsée qu'elle est par GreenpeaceBUND et Cie, qui, elles, s'attaquent aux véritables croquemitaines.

 

Donc, c'est officiel : nous sommes Monsanto ! Les semences de la planète Terre sont dès maintenant entre les mains allemandes.

Donc, c'est officiel : nous sommes Monsanto ! Les semences de la planète Terre sont dès maintenant entre les mains allemandes.

Il suffit de penser à Volkswagen (VW) et le scandale des gaz d'échappement. Sur le plan intérieur, la fraude a peu nui à la réputation de VWMonsanto est souvent décrite comme une entreprise gigantesque sur le point d'accéder à la domination du monde. Par rapport à VWMonsanto est un nain.

 

Les ventes en 2015 selon marketwatch.com

 

 

Un exemple : en 2015, mon mari est allé voir la manifestation « Nous en avons marre » à Berlin. Deux manifestantes déploient une grande banderole avec un slogan du type :« Non aux OGM » près de la Chancellerie. Il eut envie de s'amuser et a demandé aux dames si elles pouvaient expliquer la différence entre le génie génétique et les mutations induites par radiation. « Mutaquoi ? » fut la réponse, et puis : « Mais il ne s'agit pas de ça, il s'agit finalement de Monsanto ! ». Fin de la discussion. Ce raccourci « argumentatif » ne sera plus disponible lorsque le nom « Monsanto » aura disparu de la scène. Les millions investis par les ONG dans le marketing tomberont alors à l'eau. Cela explique les tentatives de Campact et Cie de transférer la mauvaise réputation de Monsanto sur Bayer. Pour la symbolique satanique dérivée du nom (« Monsanto » -> « Monsatan »), il faudra aussi inventer quelque chose de nouveau. Nous sommes impatients de voir combien de temps cela va prendre pour qu'apparaisse le premier lettrage Bayer dans lequel une lettre a été remplacée par une tête de mort.

 

Belzebayer, ça va ?

Belzebayer, ça va ?

_________________

 

* L'auteure a fait des études de philosophie, est éditrice et a atterri il y a déjà plus de dix ans à la campagne. Sur son blog, elle (d)écrit – miracle ! La traduction peut être fidèle – ce qui la préoccupe, lorsqu'elle n'est pas en train de curer l'écurie des poneys, de chercher des gants de gardien de but, de s'occuper de quantités de denrées alimentaires ou de linge, ou encore de tenter d'arracher les mauvaises herbes plus vite qu'elles ne poussent.

 

Source : https://schillipaeppa.net/2016/09/15/deal-perfekt-bayer-ubernimmt-monsanto/

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