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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Dissection de bobards pseudo-scientifiques

28 Septembre 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Article scientifique, #Abeilles

Dissection de bobards pseudo-scientifiques

 

Glané sur la toile 97

 

 

 

Il est de très saines lectures qu'on a grand plaisir à signaler. Procédons dans l'ordre alphabétique des auteurs.

 

 

« Comment se construit une fausse alerte »

 

Il a sa « bio » sur le site de l'Obs :

 

« Président de Réseau Environnement Santé.

 

Chercheur français en santé environnementale, spécialiste de l’évaluation des risques sanitaires. Chercheur en évaluation des risques sanitaires à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques. »

 

« Il », c'est M. André Cicolella. N'est-il pas curieux de trouver en premier l'activité associative et militante, et en dernier l'affiliation professionnelle ?

 

M. Cicolella est un « lanceur d'alerte ». L'Obs du 8 septembre 2016 a déroulé devant lui le tapis rouge avec, en couverture : « Cancer du sein – Révélations sur une crise sanitaire ». Une couverture qui nous rappelle cette autre, de septembre 2012.

 

 

C'est fou ce que les médias arrivent à publier comme « révélations »... On a été servi ! Car en matière de révélations, M. Cicolella a aussi des obsessions. Et comme nos lecteurs connaissent l'orientation de ce site, il n'est nul besoin d'en détailler la nature... On en a un avant goût sur la toile avec : « Cancer du sein : "Un empoisonnement qui commence dès le stade fœtal" », toutefois contrebalancé – en principe – par : « Pollution et "épidémie" de cancers du sein : une thèse controversée ».

 

En principe seulement, car l'article s'ouvre, après l'introduction, sur la déclaration suivante de Mme Françoise Clavel-Chapelon, chercheuse en épidémiologie à l’Inserm et coordinatrice de l’étude E3N, sur la santé de 100.000 Françaises :

 

« J’ai trouvé très bien ce qu’il dit sur l’effet des substances chimiques. André Cicolella est un lanceur d’alerte. Etre exposé très jeune aux perturbateurs endocriniens et à la pollution peut favoriser l’apparition d’un cancer du sein. Peu d’études, malheureusement, ont été conduites sur le sujet. »

 

Mais qui sont ces chercheurs et chercheuses qui, ès qualités, émettent ce qui est manifestement du domaine de l'opinion personnelle et des supputations, non étayé par des études ?

 

Pour obtenir un vrai démontage des propos du « lanceur d'alerte », il faut aller sur le site de l'Association Française pour l'Information Scientifique (AFIS) et lire : « Comment se construit une fausse alerte ». C'est de Mme Catherine Hill, chercheuse à l’Institut de Cancérologie Gustave Roussy, épidémiologiste et biostatisticienne, spécialiste de l’étude de la fréquence et des causes du cancer, et de l’évaluation des dépistages et des traitements.

 

 

Il y a un morceau de choix : « La "preuve" par le Bhoutan ».

 

Ça nous a rappelé cette œuvre naïve et dérisoire de Mme Marie-Monique Robin, « Bhoutan : au pays du Bonheur national brut », qu'Arte a pour une fois mise en perspective du point de vue du « nettoyage ethnique » qui y a été pratiqué contre les Lhotsampas d'origine népalaise. Ou encore ces images idylliques de la campagne de l'État indien d'Orissa, dans « Sacré croissance!», toujours de Mme Robin. Comme nous le rappelle Alerte Environnement, selon Mme Robin :

 

« Les cancers sont quasiment inexistants, à l’exception de celui de la bouche due à la mastication du tabac. Dans cette région très rurale, on ignore la pollution chimique et on mange ce que l’on produit, à savoir essentiellement des fruits et légumes cultivés sans pesticides »

 

Pour le Bhoutan, M. Cicolella trouve tout de même qu'il y a des cancers du sein, mais 22 fois moins qu’en Belgique, pays qui a « peu ou prou la même surface » mais « qui a le plus fort taux de cancers du monde ». N'est-il pas étonnant de voir l'altermonde s'extasier devant les pays et régions parmi les plus pauvres de la planète au motif, notamment, que leur « agriculture n’est pas industrialisée, donc dénuée de pesticides chimiques » ?

 

Mme Hill conclut :

 

« Il est vraiment dangereux de propager des idées fausses [...] Les fausses alertes peuvent aussi influencer les politiques de santé publique dans de mauvaises directions. Une politique de santé publique doit se déterminer sur la base de faits, de chiffres validés, de publications scientifiques évaluées. Pas sur des scoops médiatiques et des allégations non reliées à la littérature scientifique. Enfin, le risque des fausses alertes, c’est de diminuer la portée des vraies alertes, basées sur des faits scientifiques avérés. »

 

Encore faut-il que la littérature scientifique soit de qualité...

 

 

« Les nuisances virtuelles des néonicotinoïdes, épisode 1 : Les abeilles sauvages »

 

Les fausses alertes ? Il en est une belle : « Impacts of neonicotinoid use on long-term population changes in wild bees in England » de Ben A. Woodcock et al., et surtout son « interprétation » dans le Monde Planète, forcément« Les pesticides triplent la mortalité des abeilles sauvages ».

 

Nous l'avons longuement examinée avec « Mortalité des abeilles sauvages et néonicotinoïdes : vite, instrumentalisons l'étude ! » Forumphyto s'y est aussi attaqué dans un premier temps avec « Les abeilles sauvages sont-elles en train de disparaître ? »

 

Et M. Philippe Stoop est revenu à la charge sur Forumphyto avec « Les nuisances virtuelles des néonicotinoïdes, épisode 1 : Les abeilles sauvages ». On ne peut pas dire que le féru de statistiques se soit éclaté, car il est particulièrement pénible de devoir démonter un article (prétendument) scientifique, de piètre qualité.

 

Sa conclusion est incontournable. Oui,

 

« ...cet article est révélateur de deux tendances de plus en plus marquées dans la littérature sur ces sujets :

 

  • Le mépris total des vrais enjeux environnementaux et agricoles. […]

 

  • La "virtualisation" des nuisances attribuées aux néonicotinoïdes : faute d’arriver à montrer des effets mesurables de ces produits dans les conditions du terrain, les études s’orientent dans une nouvelle voie. D’après ces nouveaux travaux, si la situation des abeilles sauvages ou domestiques n’est finalement pas si dramatique, c’est parce que la toxicité des néonicotinoïdes aurait été masquée par un effet positif qui leur aurait été associé. Le tout « démontré » avec des modèles statistiques d’une complexité suffisante pour dissuader toute discussion. Nous reviendrons dans un prochain article sur un exemple particulièrement pittoresque de cette nouvelle approche, sur les abeilles domestiques cette fois. »

 

On peut généraliser la deuxième constatation : il ne s'agit pas que des néonicotinoïdes. Il y a tout un pan de l'activité « scientifique » qui est à but politique et plus ou moins ouvertement militant.

 

 

« Les nuisances virtuelles des néonicotinoïdes, épisode 2 : Le retour des abeilles à puce ! »

 

 

Et M. Stoop est revenu sur Forumphyto avec un « Les nuisances virtuelles des néonicotinoïdes, épisode 2 : Le retour des abeilles à puce ! ». C'est un titre qui, comme le précédent, ne reflète pas intégralement sa pensée (ni la nôtre). Car si les nuisances sont (largement) virtuelles sur les abeilles, elles le sont réellement sur les esprits et, par-delà, les processus décisionnels.

 

L'article charcuté est ici « Reconciling laboratory and field assessments of neonicotinoid toxicity to honeybees » de Mickaël Henry et al. Curieux article que nous n'avons pas commenté au moment de sa publication (novembre 2015), tant il nous a plongé dans un abîme de perplexité. M. Stoop écrit en intertitre : « Quand les statistiques sont plus belles que les données, publiez les statistiques ». Et lui a pu percer l'écran de fumée des statistiques.

 

Reprenons de notre perspective de manieur de mots plutôt que de chiffres. L'article s'ouvre par :

 

« Les gouvernements européens ont interdit l'utilisation de trois pesticides néonicotinoïdes communs en raison des risques insuffisamment identifiés pour les abeilles. Cette décision politique est controversée compte tenu de l'absence de cohérence claire entre les évaluations de la toxicité de ces substances au laboratoire et sur le terrain. Bien que les essais de laboratoire rapportent des effets délétères chez les abeilles à des niveaux de traces, les enquêtes de terrain ne révèlent aucune diminution de la performance des colonies d'abeilles dans le voisinage des champs traités. »

 

Les auteurs affirment au final que leur étude réconcilie les observations de laboratoire et de terrain. Comment ? Les effets négatifs constatés en laboratoire seraient compensés sur le terrain. Ainsi, ils confirment implicitement l'absence d'effet marquant sur le terrain. On pourrait s'en réjouir... si l'étude résistait à une analyse critique.

 

Il ne résiste pas à M. Stoop. En résumé :

 

« Entre des surmortalités massives qui ne font pas baisser la population, et un intervalle de confiance à 95% qui ne contient que 33% des données observées, cette publication est un feu d’artifice de créativité statistique. Au point qu’on pardonnerait presque aux auteurs d’avoir oublié de traiter un « petit » détail : la coïncidence fâcheuse entre la localisation des parcelles de colza traitées et un foyer d’une grave maladie bactérienne…  »

 

Le communiqué de presse de l'INRA – « Néonicotinoïdes et abeilles : la désorientation des individus confirmée en plein champ, la colonie adapte sa stratégie »n'échappe pas non plus à son hachoir :

 

« ...il est très regrettable que ce communiqué en ait profité pour affirmer que cette nouvelle expérimentation confirmait la première publication de la même équipe en 2012, ce qui est doublement faux... »

 

Nous serons bien plus sévères : par son titre, le service de presse de l'INRA a tenté de redorer une étude précédente, de Mickaël Henry et al., « A common pesticide decreases foraging success and survival in honey bees », laquelle avait été démontée, notamment, par l'EFSA en ce qu'elle ne reflétait pas une situation réaliste de terrain.

 

Des abeilles munies de puces RFID (d'où les « abeilles à puce » dans le titre de M. Stoop) avaient été gavées de thiaméthoxame, relâchées dans un environnement proche de la ruche (mais pas mémorisé par les abeilles), et les chercheurs ont observé la fréquence des retours à la ruche. C'était un peu comme si on avait fait boire d'un trait un litre d'alcool fort à un individu, qu'on l'ait emmené dans un lieu inconnu et qu'on lui ait demandé de retourner chez lui...

 

Le titre du deuxième communiqué de presse de l'INRA camoufle aussi la réalité : l'équipe de chercheurs n'a observé aucun effet des néonicotinoïdes sur la population totale des ruches, ni sur leur production de miel.

 

M. Stoop ne s'est pas limité aux statistiques (pour ceux qu'y s'y intéressent, son étude détaillée est ici :

 

http://www.forumphyto.fr/wp-content/uploads/2016/09/1609-Notes-de-Lecture-Stoop-NNics-episode2.pdf

 

Quoi de plus élémentaire que de manier le bon sens ?

 

« D’après ces courbes, les butineuses devraient avoir disparu en deux semaines sur les ruches les plus exposées (60 unités d’exposition). Il est déjà étonnant que cette disparition n’ait pas entrainé de variation observable de la population totale de la ruche. Les auteurs prétendent que cette surmortalité aurait été compensée par une production accrue de larves d’ouvrières. Outre le fait que leur démonstration de cette surproduction d’ouvrières n’est guère convaincante (voir l’étude détaillée), leur raisonnement omet un petit détail : les larves et les jeunes ouvrières ne sortent pas de la ruche, leur alimentation dépend donc, pendant plus de 3 semaines, de la nourriture apportée par les butineuses. Si celles-ci avaient subi des mortalités aussi importantes, il ne servait à rien de produire des ouvrières surnuméraires : celles-ci auraient de grandes chances de mourir de faim avant de voler de leurs propres ailes… »

 

La science se doit d'être politiquement correcte... les communiqués de presse encore plus... Hélas !

 

Notons que le communiqué de presse relatif à la première étude, discréditée, est resté inchangé sur le site de l'INRA. Le lecteur qui cherche des informations sur les sites d'origine est donc induit en erreur, sinon sciemment, du moins du fait d'un manque de sérieux et de professionnalisme peu acceptable.

 

Notons aussi que la publication de 2012 avait reçu un écho médiatique important. Pour le Monde, jamais en panne d'exagération dans ce domaine qui plaît tant aux déclinistes hypocondriaques, ce fur : « La nocivité des pesticides sur les abeilles devient incontestable ». La publication de novembre 2015 ? Écho médiatique quasi nul. Pas assez dans la ligne du parti pris.

 

 

« In vino bio veritas ? »

 

 

C'est de notre ami Anton Suwalki, sur le site Imposteurs.

 

Le Monde... de M. Stéphane Foucart – comme par hasard – a publié le 5 septembre 2016 « Des vertus du vin bio ». À la question de savoir si le vin « bio » est meilleur que le vin « conventionnel »,

 

« Trois économistes viennent d’apporter, dans la dernière édition de The Journal of Wine Economics, un premier élément de réponse décisif. »

 

Ces auteurs se sont livrés à une analyse statistique des notations de dégustations à l'aveugle de vins californiens publiées dans trois revues. Leurs noms– Wine Spectator, Wine Advocate et Wine Enthusiast) – laissent à eux seuls entrevoir qu'elles ne s'adressent pas vraiment aux amateurs de gros rouge, ni même de bouteilles pas trop chères... Ainsi, il y a sans nul doute un biais de sélection dans les breuvages dégustés, ce qui prive l'analyse de toute pertinence relativement à l'ensemble de la production (californienne, rappelons-le). Mais comme nos lecteurs connaissent la Weltanschauung de l'auteur – de l'article du Monde, s'entend – il n'est pas nécessaire de décrire le résultat.

 

M. Suwalki s'est donc employé à retrouver l'article scientifique original – on vous dévoilera que ce ne fut pas si facile... – et à l'analyser. La suite... à déguster sur le site... incontournable.

 

Notons tout de même que dans d'autres pays où on a généralement un plus grand respect de la déontologie, le journal se serait confondu en plates excuses. Mais nous sommes en France et il s'agit du Monde...

 

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