Des excuses à mes petits-enfants
Risk-monger*
Cher Wills, chère Ivanka,
Le monde aura changé au cours des cinquante prochaines années, et comme je serai encore probablement plongé dans mon sommeil cryogénique à cette échéance, j'ai pensé que je devais vous écrire dès à présent pour vous présenter des excuses pour les décisions que notre société a prises dans la première moitié du 21e siècle et pour la situation que nous vous avons laissée.
Il y a tellement de choses que, je pense, vous devez comprendre. Notre société était vulnérable après le grand krach de 2008 qui a conduit à des décennies d'inégalités, de polarisation politique, de xénophobie et de surenchères dans la haine anti-capitaliste et protectionniste. Nous étions englués dans des guerres tribales définies par un nouvel outil de communication, les réseaux sociaux, que nous ne comprenions pas entièrement, mais qui avaient cimenté l'Âge du Stupide à l'ignorance délibérément manipulatrice. Nous avons principalement échoué par notre incapacité à nous nourrir nous-mêmes et à assurer un approvisionnement alimentaire de qualité.
Ajoutez la misandrie à la xénophobie et aux surenchères dans la haine anti-capitaliste et protectionniste
J'aurais souhaité pouvoir dire qu'il y avait des moyens d'arrêter la marche de la déraison entraînée par les Cinq Grands Gourous avant les famines du début des années 2020. Ce ne fut que lorsque le Gourou Shiva a rencontré une fin prématurée sous la pression des masses affamées à Delhi que nos dirigeants se sont réveillés et rendus compte qu'écouter les bandes d'éco-zélotes manipulés par les réseaux sociaux avait eu des conséquences désastreuses. Nous aurions dû réagir plus tôt pour adopter la Restauration de la Raison, un système dans lequel la recherche et la responsabilité auraient été une nouvelle fois séparées du brouhaha des masses sous influence.
Je dois dire que j'avais été témoin de cette évolution de la pensée et que j'aurais dû agir avec plus de vigueur pour essayer d'arrêter cette tragédie que nous pouvions tous voir clairement. Dans ma vie :
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Nous avons vu une transition d'un monde où chacun était un agriculteur à un autre où presque personne ne cultivait la terre (mais où tout le monde pensait qu'il était un expert !).
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Les habitudes de consommation ont changé : on ne mangeait plus ce qui était disponible, mais ce qui répondait à l'idée qu'on se faisait de nous-mêmes ou à nos idéologies éco-religieuses auto-imposées (et aux contraintes artificielles des nouvelles allergies, des maladies et des troubles imaginaires).
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L'utilisation des terres est passée des incertitudes des hauts et des bas de la production alimentaire (influencés par les conditions météorologiques et les marchés) à une approche de gestion des risques, grâce à une technologie lissant les fluctuations. Les sources alternatives de nourriture (insectes et algues) sont venues répondre aux besoins de notre population mondiale croissante.
La technologie a créé tous ces avantages, mais au lieu de la célébrer, les Cinq Grands Gourous ont attaqué l'agri-tech et incité bon nombre à rejeter les valeurs humaines de justice et d'égalité. Manifestement, nous avons encore beaucoup à faire pour revenir aux perspectives de progrès issues de la recherche et de la technologie dans les années 1980. Je suis fier de pouvoir dire que de nombreux écrits et fruits de la recherche des célèbres toxicologues du 20e siècle ont été mis à la disposition du public, que les chercheurs de l'industrie sont pour la plupart ressortis de prison, que tous les scientifiques qui avaient collaboré avec l'industrie ont retrouvé leurs postes de professeurs. Nous sommes finalement en train d'adopter des codes de conduite pour les citoyens scientifiques, et les experts scientifiques qui ont fui l'Europe pendant la Purge de Précaution de 2019 sont maintenant de retour de leur exil en Chine. Beaucoup sont trop vieux à présent, mais leurs étudiants viennent enseigner à nouveau l'art de l'innovation aux étudiants européens (Dieu merci, le chinois est maintenant la lingua franca de la classe instruite).
Pour éviter que cela se reproduise, nous devons savoir où nous nous sommes trompés, et quand. Pour moi, le point le plus important a été le Grande Lynchage de 2016 – le moment où un tribunal citoyen auto-proclamé a organisé un procès-spectacle pour légitimer la dénormalisation de l'industrie, ce qui a créé une justification perçue pour des émeutiers de la rectitude alimentaire pour attaquer ensuite les universités et les instituts de recherche. Lors de la Purge de Précaution, et de la suppression de toutes les substances de protection des cultures (à la suite du hoax de la perturbation endocrinienne), l'Âge du stupide s'était bel et bien installé.
La capacité des agriculteurs à protéger les cultures dont nous avions alors besoin pour nourrir le monde a été perdue. Les mauvaises herbes ont explosé, étouffant les rendements ; dans le même temps sont arrivés des insectes que les agriculteurs pauvres n'avaient plus les moyens de combattre. Après une décennie de refroidissement climatique imprévu, nous avons connu cinq famines qui ont eu un effet dévastateur sur les infrastructures agricoles dans les pays en développement. Les petits exploitants ont été éliminés, laissant plus de la moitié des terres arables en friche. À cette époque, nous connaissions bien les contraintes auxquelles nous étions confrontés, mais les Cinq Grands Gourous avaient convaincu les décideurs politiques égoïstes que leur idéologie résoudrait tous les problèmes. Personne ne se leva contre ces fanatiques qui répandaient des mensonges pour leur profit personnel, mais les faits étaient là et tout le monde pouvait les voir !
Par exemple, en 2016, le monde comptait 500 millions de petits exploitants (chacun cultivant moins d'un hectare avec une seule récolte annuelle pour payer le loyer). Lorsque les cultures ont échoué et que ces petits exploitants n'avaient plus de pesticides à disposition (à la suite des pressions sur les pays en développement pour qu'ils adoptent la réglementation de l'UE sur les pesticides et les OGM), nous avons dû faire face à plus de 2 milliards de « bioesclaves » – notre système agricole mondial n'a pas pu faire face. L'« agristruction » des années 2020 a fait reculer tant d'économies africaines de quelques décennies ; la malnutrition, la mortalité infantile et le travail des enfants ont augmenté considérablement. Moi, comme bien d'autres, je suis resté en arrière et n'ai rien fait quand nos dirigeants se sont recroquevillés ou, pire encore, ont exigé activement qu'on rejette la technologie.
J'ai laissé des instructions claires à mes petits-enfants pour qu'ils vous enseignent secrètement la science traditionnelle, la biotechnologie, la toxicologie et, bien sûr, l'entomologie. Depuis que le WWF a pris en main la plupart des programmes scolaires européens d'étude des sciences dans les années 2020, en substituant l'écologie à la chimie et la physique, j'ai su que nous devions préserver les grandes œuvres de la science. Alors que les populations d'abeilles sauvages explosaient, déjouant les pronostics de Gourou Avocado aux États-Unis, nous avons dû apprendre à gérer cette merveilleuse source de protéines en pleine croissance. Combinée à notre capacité à modifier génétiquement des super-cafards, cela a servi de nourriture de disette et de réponse d'urgence à la malnutrition causée par l'abandon de l'élevage, victime des fléaux qui se sont abattus sur le bétail quand les antibiotiques ont été interdits et que les aliments bio se sont avérés trop coûteux. Maintenant, il appartient à votre génération d'essayer de modifier ces sources de protéines pour leur donner les goûts du tournant du siècle dont je peux encore me souvenir.
Bientôt, la population mondiale atteindra à nouveau les cinq milliards de personnes. L'agriculture devra être reconstruite avec au centre la sécurité alimentaire et les intérêts des agriculteurs plutôt que le fascisme éco-religieux qui a étranglé l'agriculture au cours de l'Âge du Stupide. Nous avons tiré les leçons des erreurs des zélotes de l'idéologie et avons finalement discrédité les Cinq Grands Gourous. Contrairement à mes contemporains, je vous fais confiance pour faire les bons choix. Rétablir la confiance dans l'homme (et s'élever au-dessus des haines propagées par les marchands de peur) sera votre plus grand succès.
J'espère que vous pourrez nous pardonner pour le désordre que nous vous avons laissé.
Bonne chance !
David
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* David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur la page Facebook de Risk-Monger : www.facebook.com/riskmonger.
Source : https://risk-monger.com/2016/09/08/an-apology-to-my-great-grandchildren/