Chasse-mythes : les agriculteurs inondent-ils leurs cultures de pesticides ?
Steve Savage*
Dans de nombreux articles critiques de l'agriculture moderne, les récits sur les pesticides ont tendance à utiliser des termes comme « slathered », « drenched » ou « doused » (« enduit », « trempé » ou « aspergé »). Ce sont des images alarmantes qui attisent les craintes des consommateurs sur le rôle des pesticides dans l'approvisionnement alimentaire. Ceux qui sont impliqués dans la lutte contre les parasites et maladies dans les fermes savent que ces termes suscitent des impressions extrêmement trompeuses sur la façon dont les agriculteurs gèrent leurs cultures. Il est utile de faire quelques comparaisons parlantes pour offrir une perspective plus réaliste.
Un bon exemple de ce que signifie « enduire ».
« Enduire » est un terme que nous utilisons par exemple pour décrire le processus d'application d'une forte dose de crème solaire. Appliquer 1/2 once de crème solaire (14 grammes) sur tout votre visage (57 pouces carrés) équivaudrait à 0,009 once/pouce carré (3,7 dm2). Si un acre de culture (0,405 ha) était « enduit » de manière similaire, le dosage serait de plus que 54.000 onces par acre (3,78 tonnes/hectare). La plupart des produits de protection des cultures sont appliqués dans la gamme de 3 à 64 onces par acre (en gros 200 g à 4,5 kg/ha). Cela signifie que l'image du barbouillage avec un écran solaire est exagérée d'un facteur de 850 à 18.000. L'utilisation du terme « enduire » est tout à fait inappropriée pour décrire l'utilisation des pesticides dans l'agriculture. Les « distillats de pétrole » (essentiellement des huiles minérales ) sont des pesticides bio approuvés [également en France] qui sont appliqués à des doses allant jusqu'à 1.792 onces par acre (125 kg/ha). Même cette dose ne serait pas considérée comme donnant lieu à un « barbouillage » par rapport à l'écran solaire.
Ce qui est dans un pulvérisateur agricole est essentiellement de l'eau dans laquelle le pesticide est très fortement dilué.
Les gens s'imaginent que les doses de pesticides sont très élevées en particulier à cause des images d'épandage. La plupart des pesticides sont épandus grâce à une aspersion avec de l'eau. La dose réelle de pesticides peut aller de quelques onces (1 once = 70 g) à quelques livres (1 livre = 0,454 kg) par acre, mais elle est diluée dans beaucoup plus d'eau. Pour obtenir une bonne couverture des plantes dans un verger, par exemple, il peut être nécessaire d'utiliser 100 à 400 gallons d'eau par acre (environ 1.000 à 4.000 litres/hectare). Soyons clairs : ce qui sort du pulvérisateur, c'est en quasi-totalité de l'eau. Pour une application d'herbicide sur une culture en ligne, le « volume de pulvérisation » pourrait se limiter à cinq gallons d'eau par acre (environ 50 L/ha), avec, répétons-le, quelques onces à peut-être deux quarts (64 oz – 1,8 kg) de pesticide. Comment se compare l'utilisation de 5 à 400 gallons d'eau par acre par un agriculteur avec les termes émotifs « trempés » ou « arrosés ?"
Voilà ce que c'est vraiment d'être« trempé ».
Si vous êtes pris dans un orage soudain, vous pourriez dire que vous êtes « trempé ». Si vous n'avez pas été sous la pluie trop longtemps, cela pourrait représenter cinq centièmes d'un pouce de pluie. Sur un acre, cette quantité de pluie représenterait 1.358 gallons (12,7 mètres cubes) – bien plus que le plus grand volume d'eau utilisé pour une pulvérisation de protection des cultures.
Lorsque vous mettez du lait sur votre céréale de petit déjeuner (disons ¼ de tasse dans un bol de six pouces (15 cm) de diamètre), vous pourriez dire que vous que votre céréale est « trempée » dans le lait. Si ce genre de volumes était appliqué sur un acre de terrain, cela représenterait 3.465 gallons (32 m3) – huit à 700 fois plus que les volumes d'eau utilisés dans l'agriculture. Encore une fois, « trempé » est une manière extraordinairement trompeuse de décrire ce que les agriculteurs font quand ils pulvérisent.
L'étrange tradition d'« arroser » le vainqueur d'une course avec du champagne.
Il est de tradition d'« arroser » le vainqueur d'une course automobile avec du champagne. Cela semble être un gaspillage de bon champagne, mais supposons que la moitié de la bouteille arrive en fait sur la tête du vainqueur. Pour appliquer ce genre de volume à un acre de culture il faudrait 16.148 gallons (150 m3). Alors, ce que l'agriculteur applique, même dans le pire des cas, ne devrait vraiment pas être décrit comme « arroser » la culture.
Les agriculteurs ne sont pas incités à pulvériser plus de produits de protection des cultures que nécessaire – ces produits coûtent de l'argent ! Un agriculteur n'a de même aucune raison de pulvériser avec un plus grand volume d'eau que celui qui est nécessaire pour que la matière active atteigne sa cible.
Alors, quand vous entendez ou lisez que les agriculteurs « arrosent » ou « aspergent » leurs champs, ou les « noient » sous les pesticides, rappelez-vous que ces termes émotionnels et les images qu'ils suscitent sont, au mieux, trompeurs, et, souvent, manipulateurs.
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* Steve Savage est un scientifique agricole (phytopathologie) qui a travaillé pour la Colorado State University, DuPont (développement de fongicides), Mycogen (développement de solutions de biocontrôle), et a exercé ces 13 dernières années l'activité de consultant indépendant. Son site blogging est Applied Mythology. Vous pouvez le suivre sur Twitter@grapedoc.
Et si beaucoup de ce que vous pensez savoir sur l'agriculture et l'alimentation n'était pas vrai ? Que faire s'il y a des « mythes » qui ont été répandus intentionnellement, et surtout sans le vouloir, sur ces questions ? Que faire si la vérité sur ces questions importe pour l'avenir de l'humanité ? Voilà l'objet de ce blog. Si vous êtes intéressés à en apprendre plus sur mes activités en tant que conférencier, veuillez visiter mon site, drstevesavage.com.
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